13/12/07 (B425) LE TEMPS (Suisse) Catastrophe humanitaire en Somalie
CORNE DE L’AFRIQUE. Quelque 600000 personnes ont été déplacées cette année. Médecins sans frontières tire la sonnette d’alarme.
Caroline Stevan
Jeudi 13 décembre 2007
Ils sont des centaines de milliers de réfugiés, tassés le long de la route qui fuit Mogadiscio par le nord. Ils arrivent par vagues, au gré de l’intensification des combats dans la capitale, et improvisent des camps de fortune. La guerre civile ravage la Somalie depuis 1991, avivée par l’entrée en conflit des troupes éthiopiennes il y a un an. Selon Médecins sans frontières (MSF), l’état d’urgence est largement dépassé.
«600000 personnes ont quitté leur domicile cette année, dont 200000 se trouvent sur les 20 kilomètres qui séparent Mogadiscio d’Afgooye, note Huub Verhagen, chef des programmes à MSF Suisse. Ils ont bâti des abris de fortune et manquent de tout; eau potable, soins, nourriture, équipement sanitaire. Avec le nombre de déplacés qui augmente sans cesse, nous craignons la catastrophe.»
Déjà, les statistiques font pressentir le pire. A Hawa Abdi, un camp de quelque 32000 personnes bénéficiant pourtant d’une prise en charge, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans est deux fois supérieur au seuil d’urgence: 4,2 pour mille et par jour. La moitié de ces décès sont dus à des diarrhées.
La doctoresse Hawa Abdi, qui a donné son nom au bivouac installé sur ses terres, est extrêmement inquiète: «Les gens meurent par centaines. Quand ce ne sont pas les balles ou les explosions, c’est la maladie ou les fausses couches. Et ceux qui restent n’ont plus d’espoir, plus de travail, plus de perspectives.»
Médecins sans frontières est l’une des rares ONG étrangères à travailler sur place. Beaucoup soutiennent des programmes locaux depuis l’extérieur. «Il est extrêmement difficile d’œuvrer dans ces conditions, reconnaît Huub Verhagen.
L’insécurité est énorme, et nous n’avons pas vraiment d’autorité à qui nous référer. Cela fait seize ans que nous sommes là mais, pour une organisation qui ne connaîtrait pas le terrain, développer un projet en Somalie devient très compliqué.» MSF, cependant, a décidé d’augmenter encore son aide.
En 2007, le budget dédié à la région d’Afgooye était de 2,2 millions de francs, il devrait croître en 2008. Pour l’heure, les équipes réalisent plus de 1700 consultations médicales par semaine; 614 enfants de moins de 5ans atteints de malnutrition sévère ont été pris en charge entre mi-août et fin novembre; 17000 familles ont reçu savons, couvertures, moustiquaires, jerrycans et bâches de plastique; 90000 litres d’eau sont distribués chaque jour.
Le Comité international de la Croix-Rouge, également présent sur place, s’alarme de la dégradation de la situation dans la capitale. «Le nombre d’interventions chirurgicales effectuées au cours de l’année 2007 dans les deux hôpitaux que nous soutenons à Mogadiscio a augmenté de 62% par rapport à l’année dernière. Environ la moitié des cas étaient des personnes blessées dans les combats, explique dans un communiqué de presse le docteur Pierre Gratzl, coordonnateur médical du CICR pour la Somalie.
Cela montre bien le double impact du conflit. L’augmentation du nombre de blessés est aggravée par la compression des services médicaux à disposition de la population.» Chaque désastre pèse sur le suivant.