24/09/08 (B466-B) Le Monde / Les six pirates somaliens du « Carré d’as » placés en garde à vue.

Les six pirates somaliens, auteurs présumés de la prise en otage d’un couple de Français à bord du voilier le Carré d’as, début septembre au large de la Somalie, ont été placés en garde à vue, mardi 23 septembre, dès leur arrivée sur le sol français. Ils avaient été arrêtés sur le voilier battant pavillon français, donc considéré comme territoire national.

L’enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris vise les faits de « détournement de navire », d' »arrestation et séquestration de plusieurs personnes comme otages », le tout commis en « bande organisée ». Nicolas Sarkozy avait affirmé, le 16 septembre, que les pirates seraient « ramenés en France ». « Il ne pourrait y avoir de discussion avec le gouvernement somalien (pour leur retour dans ce pays, NDLR) que dans la mesure stricte où nous serions certains que ces pirates seront jugés, condamnés et qu’ils effectueront leur peine », avait ajouté le chef de l’Etat. La garde à vue des six hommes peut durer jusqu’à 96 heures. Une information judiciaire devrait être ouverte dans la foulée.

Les qualifications pénales sont les mêmes que celles retenues dans l’enquête sur la prise d’otages de l’équipage du voilier de luxe Le Ponant au large de la Somalie, en avril. Avec une différence notable, toutefois. Car les six pirates arrêtés au printemps par les militaires français l’avaient été sur le sol somalien, en dehors de toute procédure judiciaire.

« On est là dans le non-écrit, il n’existe aucune convention judiciaire avec la Somalie, estime Jean-Claude Marin, le procureur de Paris, mais les militaires français disposaient d’une autorisation du gouvernement somalien. » De fait, le 18 avril, le premier ministre somalien, Nur Hassan Hussein, adressait une note aux autorités françaises, versée depuis au dossier d’instruction : « Les autorités de la République de Somalie donnent leur consentement à ce que les personnes arrêtées quittent le territoire somalien sous la garde des autorités militaires françaises. » Le 5 avril, un accord verbal avait déjà été transmis par ces autorités à la France.

Reste que les avocats des six Somaliens incarcérés en France depuis la fin de la prise d’otages du Ponant entendent dénoncer une situation judiciaire qu’ils estiment « aberrante ». « Il y a un vide interstellaire sur ce que s’est passé avant qu’ils arrivent en France, dénoncent Mes Timothée Phélizon et Jean-François Pedinielli, les avocats d’Ismaël Ali Samatar, un Somalien écroué à la maison d’arrêt de Fresnes. Nous envisageons de déposer une plainte pour séquestration arbitraire. Cette interpellation n’était qu’une opération de communication, devant les caméras. » Les avocats assurent que leur client, comme ses cinq compatriotes, « vivent l’enfer » en prison. « Ils ont froid, ne parlent pas français, n’ont pas d’argent… », relèvent-ils.

Lors de l’instruction judiciaire, plusieurs des pirates présumés ont affirmé qu’ils étaient montés à bord du Ponant pour vendre du khat ou des chèvres, certains d’entre eux admettant toutefois avoir participé à des opérations de surveillance des prisonniers. Ils ont dénoncé le chef des pirates, un dénommé « Houkoum », qui les auraient recrutés dans le village de Garahad, province du Puntland.

Gérard Davet