14/11/08 (B473-B) France 24 – Bruit de bottes dans la Corne de l’Afrique (Article recommandé)

Depuis le départ, en juillet dernier, de la Minuee, la force d’interposition de l’ONU à la frontière entre l’Éthiopie et l’Érythrée, les armées des deux pays semblent prêtes à s’affronter. Une fois de plus.

Reportages Jeudi 13 novembre 2008
Par FRANCE 24

Chaque matin à l’aube des soldats éthiopiens inspectent la route qui relie la ville de Badmé au reste du pays. Les militaires craignent que des commandos envoyés par l’Erythrée voisine aient pu miner la voie.

Le risque est bien réel : il y a quelques semaines trois civils sont morts dans l’explosion de l’une de ces mines antichar. Depuis le départ, en juillet dernier, de la Minuee, la force locale d’interposition de l’ONU, les armées éthiopienne et érythréenne se défient. Une nouvelle fois.

Le souvenir de la guerre de 1998-2000, qui a fait plus de 80 000 morts, hante encore les esprits des deux côtes de la frontière. Checkpoints, barrages, fouille méthodique des véhicules… Bien que la nouvelle délimitation internationale décidée par une commission d’arbitrage de l’ONU ait redonné Badmé à l’Erythrée, l’armée éthiopienne y reste omniprésente.

"Ceux de l’autre côté"

Au dessus de la petite ville c’est bien le drapeau éthiopien qui flotte. Pour les autorités locales, l’hypothèse d’une annexion à l’Erythrée n’est tout simplement pas envisageable. "De tout temps, Badmé a été éthiopienne ! revendique Tilahun Guebremedhin, président du Conseil du district de la ville. Badmé revêt une importance particulière aux yeux des Ethiopiens : elle est le symbole de l’intégrité de notre pays ! Je préfère mourir que de voir un morceau de notre pays accaparé par ceux de l’autre côté !" Les plaies de la guerre et de l’occupation érythréenne sont encore fraîches dans la mémoire des habitants de cette ville disputée.

Nombreux sont ceux qui ont perdu un parent ou un proche lors de l’offensive surprise des troupes d’Asmara en 1998. Aussi craint-on une reprise des combats, même si on affiche son soutien à l’armée. "Bien sûr que je suis inquiète, affirme Mamite Guebresarkan, agricultrice. Leurs soldats mènent régulièrement des opérations d’infiltration ici. Mais quoi qu’il arrive nous resterons ici : c’est notre terre, notre pays. Victorieux ou non, nous vivrons et mourrons ici !"

Même détermination du côté de Negussa Gubreselassie, fermier et membre d’une milice éthiopienne : "Nous nous attendons toujours à ce que la guerre recommence. Ma femme a été blessée par des balles tirées par des soldats érythréens… Elle a beaucoup souffert et il a été très difficile de la soigner…"

Mission impossible pour l’ONU

Voila plus de six mois que la Minuee a pris fin. Avec, d’un côté, l’Erythrée qui imposait des restrictions toujours plus nombreuses aux opérations des casques bleus et, de l’autre, l’Ethiopie qui, malgré ses engagements, a toujours refusé de reconnaître le tracé des nouvelles frontières, il était devenu impossible pour la mission locale de l’ONU d’exécuter son mandat. Badmé qui compte aujourd’hui moins de 4 000 habitants, contre 10 000 avant la guerre, se résigne à devoir revivre la guerre.

"Si l’on peut régler le problème frontalier de manière pacifique c’est bien, mais sinon je suis prête à aller soutenir nos troupes sur la ligne de front ! lance Letay Kidane, commerçante. Les esprits se préparent au combat, une division entière de l’armée éthiopienne a pris place sur une colline fortifiée en bordure de ville. Et à quelques kilomètres de là, dans les rangs de l’armée érythréenne, l’attente est similaire…