27/12/09 (B531) Le Journal de la Flibuste (2 articles en Français)

______________________________ 2 – EITB

La lutte contre la piraterie est un succès malgré les 209 otages

Si en novembre, le thonier basque l’Alakrana a été capturé puis libéré après rançon, Chantal Poiret rappelle qu’actuellement "neuf bâtiments et 209 otages" sont toujours entre les mains de pirates.

Dans un entretien accordé samedi dans le quotidien Le Monde, l’ambassadrice française en charge de la coordination de la lutte internationale contre la piraterie maritime, Chantal Poiret, affirme que la lutte contre la piraterie au large des Côtes de Somalie "est un succès" tout en ajoutant que certains navires prennent des risques inconsidérés.

Sur les vingt dernières années, le Bureau maritime international (BMI) a recensé plus de 4.000 actes de piraterie dans ses données. En 2009, près de 300 attaques ont eu lieu, dont la majorité au large de la Somalie.

Le 8 décembre 2008, les forces navales européennes – l’opération Atalante – ont été déployées dans le golfe d’Aden afin de protéger cette route maritime, primordiale pour l’approvisionnement du monde occidental : chaque année 20 000 navires marchands transitent par cette zone, et 2,2 millions de barils de pétrole y sont transportés chaque jour à destination de l’Europe.

Outre les forces européennes (sept à treize bâtiments à la mer pour un coût de l’ordre de 150 millions d’euros depuis le lancement de l’opération), deux autres coalitions opèrent dans l’océan Indien : celle de l’OTAN, baptisée Ocean Shield (quatre navires) et celle des Etats-Unis (six bâtiments). Sans oublier plusieurs marines nationales : russe, chinoise, indienne, espagnole, saoudienne, japonaise.

Une baisse de plus de 50% des actes de piraterie

Chargée de la coordination de la lutte internationale contre la piraterie maritime depuis octobre 2008, l’ambassadrice annonce que les actes de pirateries réussis dans l’océan Indien ont baissé de 40% à moins de 19% en 2009 tout en reconnaissant qu’une attaque sur cinq environ est néanmoins réussie.

"L’océan Indien est vaste, et vous devez savoir qu’entre 20 et 25 % des bateaux qui y naviguent ne respectent pas les règles de circulation préconisées par les forces navales européennes. A savoir, naviguer au large des côtes somaliennes dans un corridor protégé : l’IRTC (Internationally recommended transit corridor), se faire enregistrer sur le site d’Atalante, et adopter les "Best Maritime Practices" – les pratiques recommandées par les armateurs du monde entier (signal d’alarme embarqué, etc.)." précise-t-elle au Monde.

Une dizaine de navires aux mains de pirates, en attente de rançon

Rappelant qu’en novembre, l’Alakrana, le thonier basque avait été capturé puis libéré après rançon, Chantal Poiret ajoute qu’actuellement, "neuf bâtiments et 209 otages" sont entre les mains de pirates.

Si l’ambassadrice française en charge de la coordination de la lutte internationale contre la piraterie maritime dit ne pas avoir une connaissance exacte des rançons payées, elle estime néanmoins que celles-ci se situent entre 40 à 80 millions de dollars (28 à 56 millions d’euros) ces deux dernières années.

________________________________ 1 – Le Monde

"La lutte contre les pirates somaliens est un succès"

Le drapeau noir flotte toujours sur les océans. Le Bureau maritime international (BMI) a recensé plus de 4 000 actes de piraterie dans les vingt dernières années. En 2009, près de 300 attaques ont eu lieu, dont la majorité au large de la Somalie. Le 8 décembre 2008, les forces navales européennes – l’opération Atalante – ont été déployées dans le golfe d’Aden afin de protéger cette route maritime, primordiale pour l’approvisionnement du monde occidental : chaque année 20 000 navires marchands transitent par cette zone, et 2,2 millions de barils de pétrole y sont transportés chaque jour à destination de l’Europe.

Outre les forces européennes (sept à treize bâtiments à la mer pour un coût de l’ordre de 150 millions d’euros depuis le lancement de l’opération), deux autres coalitions opèrent dans l’océan Indien : celle de l’OTAN, baptisée Ocean Shield (quatre navires) et celle des Etats-Unis (six bâtiments). Sans oublier plusieurs marines nationales : russe, chinoise, indienne, espagnole, saoudienne, japonaise.

Après avoir travaillé à la mission permanente de la France auprès des Nations unies, à New York, Chantal Poiret fut ambassadrice en Azerbaïdjan (2001-2004), puis en Norvège (2005-2008). Le 8 octobre 2008, elle a été nommée ambassadrice chargée de la coordination de la lutte internationale contre la piraterie maritime. La diplomate fait le point sur l’importance de ce phénomène.

Atalante, l’opération navale anti-piraterie européenne, a été lancée il y a un an. Quel bilan en faites-vous ?

C’est un succès. En 2008, 40 % des attaques menées par les pirates dans l’océan Indien étaient réussies. En 2009, ce pourcentage est inférieur à 19 %.
Ce sont de bons résultats, compte tenu de la difficulté de la tâche. Prévenir la piraterie maritime dans cet océan immense, c’est comme si vous assuriez la lutte contre la criminalité en France avec un hélicoptère et deux voitures roulant à 40 km/h !

Une attaque sur cinq environ est néanmoins réussie…

Pas dans le golfe d’Aden, où depuis cet été aucune attaque n’a réussi. Mais encore une fois l’océan Indien est vaste, et vous devez savoir qu’entre 20 et 25 % des bateaux qui y naviguent ne respectent pas les règles de circulation préconisées par les forces navales européennes. A savoir, naviguer au large des côtes somaliennes dans un corridor protégé : l’IRTC (Internationaly recommended transit corridor), se faire enregistrer sur le site d’Atalante, et adopter les "Best Maritime Practices" – les pratiques recommandées par les armateurs du monde entier (signal d’alarme embarqué, etc.).

Qui sont ces bateaux qui s’aventurent à leurs risques et périls, et se font pirater ?

En novembre, un thonier espagnol a été capturé puis libéré après rançon. En décembre, les pirates se sont emparés d’un cargo chinois, toujours entre leurs mains.

Le mandat d’Atalante est triple : la protection des navires vulnérables ; l’escorte des bateaux du Programme alimentaire mondial (PAM) qui acheminent de la nourriture pour les populations déplacées de Somalie, et la surveillance de l’océan Indien : c’est ce dernier point qui est le plus difficile à honorer. Et ce, même si la lutte contre la piraterie en Somalie a donné lieu à la première opération militaire maritime mondiale.

Combien de bâtiments et d’otages sont-ils encore entre les mains des pirates ?

Actuellement, neuf bâtiments et 209 otages sont entre leurs mains.

Et le montant des rançons versées ?

La France n’en verse pas. Mais ce n’est pas le cas de tous les Etats. Difficile de donner un montant précis. Aucun pays ne souhaite faire de la publicité sur le sujet. La fourchette actuelle varie du simple au double : de 40 à 80 millions de dollars (28 à 56 millions d’euros) versés depuis 2007.

Les pirates somaliens s’aventurent de plus en plus à l’est et au sud. Cela ne remet-il pas en cause les dimensions de l’opération ?

Non. Ils vont, c’est exact, de plus en plus vers l’est, là où le courant les porte. Certaines attaques ont lieu désormais plus près des côtes indiennes qu’africaines. Ils naviguent aussi vers le sud, à proximité des Seychelles, où un cas de piraterie a été recensé. Nous avons donc élargi la couverture d’Atalante pour protéger la zone économique exclusive (ZEE) des Seychelles (à 200 milles des côtes). Et les pirates ne sont jamais allés au-delà.

Les militaires s’inquiètent de voir certains pirates relâchés…

La France n’a jamais relâché de pirates sur la plage. Atalante dispose d’un instrument judiciaire et pénitentiaire. Les Européens qui y participent ont estimé que le fardeau de la piraterie devait être partagé. Les grandes marines protègent la zone, et les Etats riverains aident à l’action judiciaire. Atalante a négocié un accord de transfèrement de prisonniers avec le Kenya, qui s’engage à détenir, juger et incarcérer les pirates. Nairobi en détient ainsi 75 au titre d’Atalante.

Mais il serait normal que d’autres pays partagent l’effort fait par les Kenyans.

Ce que commencent à faire les Seychelles, qui vont juger 12 pirates.

La France dispose aussi d’un accord bilatéral avec la Somalie : 25 pirates emprisonnés dans la région du Puntland ont été jugés et ont écopé de peines de cinq à dix ans de prison. Nous souhaiterions conclure des accords avec d’autres pays, la Tanzanie notamment.

Par ailleurs, l’Union européenne soutient une initiative visant à créer un centre régional de formation de gardes-côtes. Le dispositif commencera début 2010 à Djibouti. Mais la prudence s’impose : il ne s’agit pas de former des gardes-côtes qui pourraient par la suite faire usage de leur bonne connaissance de la mer pour devenir pirates…

Que sont devenus les pirates qui s’étaient emparés des trois bateaux français : le Ponant, le Carré d’As et le Tanit ?

En France, 15 pirates sont en passe d’être jugés. De plus, la loi de 1994 sur l’action de l’Etat en mer va être révisée, pour y introduire une disposition sur les attaques en bandes armées, et confirmer que les commandants de nos navires sont habilités à récolter les preuves pour l’action judiciaire.

La piraterie sévit aussi dans le détroit de Malacca ou dans le golfe de Guinée. Sans parler d’affaires plus proches de nous, comme l’Arctic Sea, ce cargo attaqué en mer Baltique à l’été 2009 dont on a ensuite perdu la trace pendant plusieurs jours après son passage en Manche… Le phénomène de la piraterie se généralise-t-il ?

Je ne pense pas que la piraterie se généralise. Quant à l’affaire de l’Arctic Sea, elle relève du crime organisé et des mafias issus de l’ex-URSS. Le facteur commun aux attaques en mer, c’est la pauvreté. Les racines de la piraterie sont à terre. Des Somaliens deviennent pirates car le pays est économiquement sinistré. Et il sera difficile de les faire revenir en arrière, compte tenu des sommes – rançons, vente des marchandises, etc. – qu’ils ont déjà engrangées. Atalante devrait donc durer.

La situation est différente sur le reste des mers.

Le Nigeria, contrairement à la Somalie, n’est pas un Etat failli. Il est soucieux de sa souveraineté, et n’accepterait donc pas le même dispositif maritime international au large de ses côtes. La coopération internationale vise donc uniquement à soutenir la formation de gardes-côtes dans le golfe de Guinée.

Les résolutions prises dans le cadre de l’ONU, qui permettent aux bâtiments de pourchasser les pirates somaliens jusque sur les plages, doivent rester une exception.

Existe-t-il une connexion entre piraterie, phénomènes mafieux et terrorisme ?

Rien n’est avéré pour l’instant.

Propos recueillis par
Marie-Béatrice Baudet et Nathalie Guibert