09/09/10 (B568) Communiqué de l’ARD : hommage à Ahmed Dini

Hommage à Ahmed Dini Ahmed

AHMED IBRAHIM

(12 septembre 2004). C’était une journée chaude telle que la connaissent la plupart des Djiboutiens durant la canicule du mois de juillet. La foule se pressait devant une estrade érigée à l’annexe du LPAI sis à l’avenue Gamal Abdel Nasser.

Tout d’un coup, le brouhaha de la foule s’éleva en clameur, dans ce chamboulement total, sont arrivées à mes oreilles de petit gamin, des phrases en rime. La foule répétait de façon lancinante « Waa Dini iyo dinta » : littéralement « Dini c’est l’homme de la religion ». J’essayais tant bien que mal de me faufiler dans la foule afin de percevoir ce « Dini ». Arrivé devant l’estrade, la vision de cet homme longiligne à la peau très foncée et au verbe magique parlant somali avec aise ne me quittera jamais. Ainsi je venais, avec la rétrospective, de rencontrer un des plus grands héros de notre pays : feu Ahmed Dini.

Cet homme, fils du pays Afar, visionnaire précoce, homme de principe, homme d’honneur, homme de courage, reste le symbole d’une république, et d’un pays que je partage avec lui.

Il est minuit en ce jour du 27 juin ; les projecteurs des journalistes, n’aveuglent pas cet homme, fraîchement élu président de la première assemble d’une république nommée Djibouti. Il se lève avec des pas qui semblent poser l’historique du moment et se dirige vers le perchoir de l’assemblée nationale. Dans un ton calme qui ne trahit pas la solennité du moment, le premier fils de cette terre que, d’après certains adages, le chacal lui-même ne traverse pas sans avoir fait sa prière auparavant, prononce la phrase pour laquelle tant d’héros sont morts : « … la République de Djibouti, une, indivisible et souveraine est née… ». Ainsi, est sortie la république de la bouche de Ahmed Dini.

Dini, a été trahi par son honnêteté, son intégrité et sa piété. Dans un monde où les intrigues, les trahisons et les volte-face sont de règle, Dini lui, n’a voulu compromettre aucune de ses qualités, soudé par sa piété.

Dini fut doublement victime : les Afars ne lui avaient jamais pardonné d’avoir apporté crédibilité à un Gouled dont ils se méfiaient à juste titre ; les Somalis n’ont pas su reconnaître et exprimer leur gratitude à un homme sans sa caution duquel la république de Gouled aurait été livrée à la Comorienne avec un bout de désert grand comme la partie sud du territoire, comme pays et république.

Dini, fidèle à ses principes, n’a pas voulu cautionner la tournure dictatoriale que Gouled a donnée à la nouvelle république. C’est avec mépris qu’il a claqué la porte au sieur de «Beit al Wali» autographeur de décrets à la chaîne. Ainsi, Dini Premier ministre ne pouvait supporter le rôle de figurine à la Barkad Gourad qu’on lui réservait. Ce départ fulgurant fut suivi d’une longue traversée de désert qui l’amènera de l’exil à son passage vers l’au-delà aujourd’hui.

Ahmed avec Ahmed Hassan Cheiko fait partie de ces grands hommes Afar à qui notre pays doit ériger des panthéons « … A la nation reconnaissante, ces illustres héros… ».

Au revoir, Ahmed, que Dieu te réserve son Paradis éternel. A défaut d’une reconnaissance officielle d’une république que tu nous as offerte, sortie droit de ta bouche et fruit de tes sueurs, tu resteras pour nous autres Djiboutiens et enfants de l’indépendance, un des plus grands de notre histoire, au même titre que Harbi et Gashanleh.