29/09/10 (B571) Point de vue : Djibouti, le règne du faux (Par Farah Abdillahi Miguil)
« Le Conseil National de la Société Civile Djiboutienne a organisé hier au Palais du peuple, un atelier de validation des recommandations de ses premières assisses qui ont été tenues un certain…09 avril 2010, à la ville de l’Unité… (…) Deux jours d’intenses réflexions et de débats constructifs. Après avoir salué son rôle et son leadership, la société civile a reconnu "des difficultés majeures qui minent son décollage après l’avènement de la création et des libertés des mouvements sociaux nés réellement avec l’instauration du système démocratique en 1992." Résultat : un triangle de recommandations audacieuses. » (La nation édition n°174 du mardi 21 septembre 2010)
Un ami doctorant, enseignant à l’Université de Djibouti me disait que lorsqu’il regardait les informations du lundi 20 septembre 2010 le soir et que le présentateur avait évoqué le Conseil National de la société Civile Djiboutienne ou encore les bases d’une stratégie pour le futur d’une société civile Djiboutienne, les premières questions qui lui sont venues à l’esprit étaient : « on veut mentir à qui ? », « peut-on continuer à vivre éternellement dans le faux ? », … .
De quelle société civile parle-t-on ?
De quelles réflexions et de quels débats parle-t-on dans un pays où voir autrement, penser autrement, … est un délit ?
Un Conseil Nationale de la Société Civile est tout autre chose que le futur comité des associations mobilisées aux fins de soutenir le candidat du parti au pouvoir. Un Conseil est plutôt une interface progressiste des intérêts collectifs de la population Djiboutienne, instance indépendante de toute politique partisane.
Et ce n’est sûrement pas une horde d’opportunistes assaillis d’intérêts individuels.
Nous ne condamnons pas les ambitions personnelles, moteurs indéniables et porteuses de projets à visage humain mais les coquilles vides qui n’ont rien d’autres que des ambitions bassement primaires comme le Conseil National de la Jeunesse djiboutienne, qui au départ devrait être au service de la jeunesse et aux principes bien indiqués mais perverti à la naissance en lui enlevant toute représentativité réelle.
C’est vraiment malheureux que les hommes et les femmes qui ont fait le choix de la médiocrité et des raccourcis en espérant un appel du pouvoir soient exhibés tous les soirs à la télé. Une manière de dire, peut être, aux citoyens Djiboutiens que la seule voie possible pour réussir est la soumission et le mensonge.
Aujourd’hui, les hommes et les femmes de la société civile sont à la fois membre du parti au pouvoir et de certaines associations qui servent de faire valoir comme ceux du Conseil National de la Jeunesse qui ne sont qu’un regroupement des jeunes du parti au pouvoir.
Ils ont délibérément fait le choix de dilapider leur dignité, violer leur conscience, prostituer leur foi mais le pire ce qu’ils travaillent inlassablement à convaincre les autres que l’intégrité, l’honnêteté, le courage n’engendrent que des problèmes et qu’il faut se débarrasser le plus vite possible de ces valeurs, surtout s’éloigner de ceux qui en parlent. Ils travaillent inlassablement à convaincre leurs concitoyens que le rêve pour un avenir meilleur est impossible en Afrique en général et à Djibouti en particulier.
Il n’est pas rare d’entendre malheureusement de la part des djiboutiens, cette réflexion : « Rien ne peut changer à Djibouti comme partout en Afrique et pour ne pas avoir des ennuis il faut mieux se taire et/ou se terrer à moins de faire le choix de l’exil » ou encore « Moi seul, qu’est-ce que je peux faire ? ».
Nous sommes devenus un pays où l’individu n’a pas une conscience claire de l’impact que peut avoir son action sur sa famille, ses amis, ses enfants voire sur la société entière. Dans ce sauve-qui-peut généralisé la majorité a décidé de se préoccuper que de soi et de sa famille en se drapant des habits de la religion, ressassant à longueur des journées des citations sorties de leur contexte pour maquiller leur démission, leur lâcheté voire leur morale à géométrie variable.
Le choix du silence et de la neutralité parait être la seule voie possible.
Chacun persévérant dans le choix de l’inaction et de « la paix des lâches » c’est-à-dire « la paix des solitaires. Le mieux serait peut être d’adopter une sorte de neutralité passive (…). La paix des neutres : ne pas prendre position, ne se disputer avec personne, ne jamais s’engager complètement ». Et dans ce cas le choix entre la soumission pour sauver sa famille et la conscience pour sauver le pays est vite fait.
Dans ce désordre ambiant où l’inversion des valeurs est la règle, il devient difficile de trouver des pistes salutaires. La religion ? Elle a été mutilée de ses dimensions essentielles par les hommes et les femmes de ce contré sans ombre.
En effet, « les mosquées poussent comme des champignons. Elles sont remplies … de fidèles. On y prêche nuit et jour des vertus … . Cependant, les grands voleurs, les corrompus, les prostitués moraux, ne sont pas des athées. Pire, la grande majorité aujourd’hui prie pour résoudre ses problèmes personnels.
Hors, de la Maison de Dieu, on achète les consciences, on se vend soi-même, on corrompt à tour de bras, on est corrompu, on tue, on vole le prochain et toute la société. » N. Zongo. L’humanisme ? Il a ètè perverti par une manipulation de la tribu en tribalisme.
Le salut viendrait sûrement d’un appel à notre potentiel à comprendre les secrets de l’univers, notre instinct de recherche de la vérité, notre amour de la justice, notre propension à avoir une foi sincère et sans fard, …pour imaginer un monde où l’épanouissement et la dignité humaine seraient l’emblème.
Un monde où il y aurait un arc-en-ciel d’espoir pour nos enfants.
Un monde où les rêves seraient permis pour nos filles et nos fils.
Un monde où l’exil ne serait plus une espérance ni une assurance.
Farah Abdillahi Miguil