10/12/10 (B581) Nouvelles de Somalie – Des milliers de personnes en danger alors qu’une grave sécheresse frappe Mudug – les Etats-Unis minimisent l’influence d’Al-Qaida en Somalie – Projets d’attentats-suicide en Somalie: 4 ans de prison pour deux Suédois – KENYA. LES RÉFUGIÉS SOMALIENS ONT BESOIN D’UNE PROTECTION CONTRE LES ATTEINTES AUX DROITS HUMAINS (4 articles)

________________________ 4 – Irin News (ONU)

SOMALIE: Des milliers de personnes en danger alors qu’une grave sécheresse frappe Mudug

« L’ampleur des besoins est bien plus grande que ce que nous pouvons livrer », a dit à IRIN Mustafa Abdulaziz

Des dirigeants locaux ont demandé une aide urgente pour des milliers de gens qui sont en danger après une grave sécheresse dans la région de Mudug en Somalie centrale.

« Nous avons eu très peu de pluies durant la période du Gu [la saison de pluies longues allant d’avril à juin] et les pluies de Dayr [allant d’octobre à décembre] ne sont pas venues du tout, ce qui a empiré une situation déjà très mauvaise », a dit à IRIN Abdullahi Mahamud Nur, un ancien, le 8 décembre.

M. Nur a dit qu’au moins 5 000 familles (30 000 personnes) dans 13 villages au nord-est et au sud-est de la capitale régionale, Galkayo, avaient besoin d’une aide immédiate.

Galkayo se situe à 700 kilomètres au nord de Mogadiscio.

La plupart des gens comptent sur le bétail [pour vivre], mais les faibles chutes de pluie les forcent à se battre pour joindre les deux bouts, a ajouté M. Nur. Il a dit que les plus durement touchés étaient des villages dans les régions de Towfiq, Eil Dhanane, Dhinowda et Afbarwaqo.

« J’ai vu de mes propres yeux des chèvres et des moutons et des bovins agonisant ; ceux qui restent du cheptel sont si faible qu’ils ne peuvent aller nulle part pour de l’eau », a dit M. Nur. « Ils ne peuvent pas être vendus et ils sont inutilisables pour du lait ou de la viande ».

Il a dit qu’il était prêt à accompagner toute agence dans cette zone et il a demandé aux agences d’accroître leurs activités.

La situation a aussi forcé certains nomades à se rendre dans les villes, selon M. Nur. « Ils y en a qui sont déjà arrivés à Galkayo ».

Abdiaziz Aw Yusuf, également connu comme Harin, un ancien commissaire du district de Jariiban dans la région de Mudug – la grande ville la plus proche de la zone concernée – a dit que les villages les plus touchés étaient proches de la côte.

« Ils n’ont eu aucune pluie et ils n’ont pas de barkads [bassin de rétention d’eau] », a-t-il dit. « Le premier besoin, c’est l’eau et ensuite la nourriture. Beaucoup de gens qui n’ont pas encore perdu leurs animaux les perdront s’ils ne reçoivent pas d’eau bientôt ».

Harin a dit que la zone habitée par les clans Dir et Sheikhal se trouvait entre les deux principaux clans dans la région, les Habar Gedir et les Majerteen, et étaient souvent ignorés.

Comme dans la majorité de la Somalie centrale, la région n’a pas connu de précipitations durant la dernière saison des pluies et les points d’eau et puits de forage ont séchés, ou ce qu’il y reste d’eau n’est potable ni pour les gens ni pour le bétail, a dit Mustafa Abdulaziz, de l’ONG locale Homboboro Relief and Rehabilitation Organization.

« Nous prévoyons de transporter de l’eau par camion dans certains des villages les plus durement touchés comme Towfiq, mais l’ampleur des besoins est bien plus grande que ce que nous pouvons livrer », a-t-il dit.

Selon les Nations Unies, on estime à deux millions le nombre de Somaliens qui ont besoin d’une assistance humanitaire.

_______________ 3 – Le Monde avec WikiLeaks

WikiLeaks : les Etats-Unis minimisent l’influence d’Al-Qaida en Somalie

Jean-Philippe Rémy

Les groupes armés islamistes qui tentent de prendre le pouvoir dans le sud de la Somalie et poursuivent la guerre à Mogadiscio contre les forces divisées du Gouvernement fédéral de transition (TFG) menacent-ils de créer un nouveau foyer mondial pour des combattants de la nébuleuse Al-Qaida?

Les Etats-Unis s’interrogent, alors qu’ils interviennent de manière discrète, mais indirecte, en Somalie. Ce dossier a pris de l’importance ces dernières années, avec la crainte de voir tomber Mogadiscio, son port et son aéroport, fournissant une plateforme pour les groupes en contact avec les Somaliens d’Al-Chabab, eux-mêmes liés à Al-Qaida.

Les diplomates américains notent bien "l’arrivée de combattants étrangers" en Somalie, mais ils précisent : "Beaucoup d’entre eux sont d’ethnie somalie, recrutés dans les pays voisins ou dans la diaspora (…) Ceci inclut des Nord-américains, dont au moins vingt jeunes hommes recrutés à Minneapolis, et d’autres venus d’Europe."

"PIPELINE" DE COMBATTANTS MIS EN DOUTE

Dans le même télégramme, il est aussi fait mention de combattants venus "d’Afrique de l’Est, surtout du Kenya et du Soudan", ainsi que de "non-somalis" originaires de "l’Asie du Sud et du Proche-Orient, incluant des Pakistanais, des Yéménites et d’autres ‘arabes’ non identifiés." Mais le diplomate prend le soin de préciser : "Pas plus que le gouvernement somalien, nous ne connaissons [leur] nombre exact (…) Les déclarations d’officiels somaliens parlant de milliers d’étrangers semblent exagérées."

Et l’ambassadeur note qu’en dépit du "soutien public" d’Al-Qaida aux combattants somaliens, "il y a bien peu de preuves de liens significatifs de soutien direct d’Al-Qaida, en termes financiers ou militaires, en provenance d’Irak ou d’Afghanistan", ni même d’un "pipeline" de combattants depuis ces deux pays. Au contraire, son télégramme met en évidence des sources d’approvisionnement régionales (Yémen et Erythrée) pour les armes et l’argent.

Et si les Etats-Unis se fourvoyaient? Des télégrammes révèlent à quel point les dirigeants somaliens du TFG sont des alliés incommodes. En témoigne un télégramme relatant une discussion, en mai 2009, entre Ali Sharmake, premier ministre à l’époque, avec le chargé des affaires somaliennes à l’ambassade américaine de Nairobi, au Kenya.

M. Sharmake brosse un tableau inquiétant des divisions du TFG. Il "s’inquiète de l’influence" d’un groupe armé allié, Ahlu Sunna Wal Jama’a, pourtant activé pour lutter aux côtés du TFG. Il admet que les contre-attaques du TFG enregistrent des résultats médiocres, mais en impute la responsabilité à des "problèmes de logistique et de communication." Il en profite pour réclamer "des radios" et du "conseil militaire".

A propos d’argent, le premier ministre promet de justifier "très rapidement" l’emploi mystérieux d’un demi-million de dollars (378 000 euros) versé par le gouvernement américain. Dans l’immédiat, il assure ses interlocuteurs de sa "profonde gratitude" d’avoir reçu des "munitions et des armes de gros calibre."

Ali Sharmake redemande aussi aux Etats-Unis de procéder à des frappes pour éliminer des chefs de la guérilla islamiste. Il rappelle à cet effet que peu de temps auparavant, il a appelé depuis Mogadiscio, le 16 mai, pour demander qu’une frappe américaine "efface si possible" les participants à un conclave réunissant des responsables d’Al-Chabab et du Hizbul Islam, alliés contre le TFG. Le diplomate américain demande si le TFG pourrait faire face à "des dommages collatéraux". Le premier ministre somalien répond "oui, sans hésiter".

_______________ 2 – Radio Nederland avec AFP

Projets d’attentats-suicide en Somalie: 4 ans de prison pour deux Suédois

Deux Suédois d’origine somalienne membres de la milice islamiste radicale shebab ont été condamnés mercredi à quatre ans de prison ferme pour "préparation de crimes terroristes" en Somalie, a annoncé le tribunal suédois de Göteborg.

Leur peine est plus lourde que les réquisitions du procureur, qui avait demandé 3 ans de prison ferme.

"Le procureur a démontré que les deux accusés ont endossé la responsabilité, et décidé en association avec la milice islamiste somalienne shebab, de commettre des crimes terroristes via des attentats-suicide", écrit la cour dans sa décision.

Mohamoud Jama, 22 ans, et Bille Ilias Mohamed, 26 ans, avaient été arrêtés par le renseignement intérieur suédois, le premier à Göteborg (sud-ouest) en mai et le deuxième à Stockholm en juin.

Les deux Suédois naturalisés sont "membres" et "ont de fortes sympathies" pour le mouvement islamiste radical somalien des shebab, qui a déclaré son allégeance au réseau Al-Qaïda et contrôle la plus grande partie du sud et du centre de la Somalie, souligne la cour.

_______________________ 1 – Amnesty International

KENYA. LES RÉFUGIÉS SOMALIENS ONT BESOIN D’UNE PROTECTION CONTRE LES ATTEINTES AUX DROITS HUMAINS

Françoise Guillitte

Au Kenya, les violations des droits humains infligées aux réfugiés et demandeurs d’asile somaliens mettent des milliers de vies en danger, a indiqué Amnesty International dans un rapport publié mercredi 8 décembre 2010.

Intitulé From life without peace to peace without life , ce document montre que les milliers de personnes qui fuient les violences perpétrées en Somalie ne trouvent pas refuge, protection ni solutions durables au Kenya, la frontière entre les deux pays ayant été fermée il y a près de quatre ans pour des raisons de sécurité.

« Les combats incessants et les atteintes aux droits humains abominables commises en Somalie constituent une menace avérée pour la vie de dizaines de milliers d’enfants, de femmes et d’hommes. Aucun Somalien ne doit être renvoyé de force dans le sud et le centre de la Somalie », a expliqué Michelle Kagari, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International.

Au mois de novembre, quelque 8 000 Somaliens, qui s’étaient réfugiés au Kenya pour fuir les combats intenses dans la ville somalienne de Belet Hawo, ont été sommés de retourner dans leur pays par les autorités kenyanes. La police kenyane a ensuite contraint quelque 3 000 d’entre eux à retourner en Somalie, où ils courent toujours le risque d’être soumis à de graves violations des droits humains.

« De nombreux Somaliens n’ont pas d’autre choix que de franchir la frontière kenyane. Cependant, le Kenya ayant fermé le centre de filtrage situé près de la frontière, aucun Somalien n’est enregistré immédiatement et personne ne fait l’objet d’un filtrage. Comme on pouvait s’y attendre, cette mesure ne permet aucunement de régler les problèmes de sécurité nationale au Kenya. »

Au lendemain d’une flambée de violence en décembre 2006, le Kenya a fermé sa frontière de 682 kilomètres avec la Somalie, affirmant que des combattants qui entretiendraient des liens avec al Qaïda risquaient d’entrer dans le pays et de mettre en péril la sécurité nationale.

Pourtant, en raison de la porosité de la frontière, les Somaliens ont continué à fuir leur pays et à chercher refuge au Kenya. Les autorités kenyanes ont fermé les yeux sur l’afflux continu de demandeurs d’asile somaliens franchissant la frontière, ce qui remet en cause l’effet, si tant est qu’il existe, de cette fermeture sur la situation en termes de sécurité.

Lors d’une rencontre avec Amnesty International en mars 2010, le ministre kenyan de l’Immigration a en effet admis que « fermer la frontière n’a[vait] pas d’effet bénéfique. Nous ferions mieux de filtrer [les demandeurs d’asile somaliens], afin de savoir qui ils sont. »

Dans son rapport circonstancié, Amnesty International explique que depuis la fermeture de la frontière, les forces de sécurité kenyanes ont renvoyé de force des demandeurs d’asile et des réfugiés en Somalie, leur ont extorqué des pots-de-vin et les ont arrêtés et détenus de manière arbitraire. Les Somaliens sont régulièrement harcelés par la police kenyane dans les régions frontalières, dans les camps de réfugiés de Dadaab, situés dans le nord-est du Kenya, et dans les zones urbaines, y compris à Nairobi.

Une Somalienne de 55 ans a raconté à Amnesty International en mars 2010 : « Je suis arrivée à Dadaab il y a sept jours en passant par Dobley. Arrêtée après Dobley, j’ai passé six jours en prison à Garissa. Je suis venue en voiture avec 25 autres Somaliens. Nous avons tous été emprisonnés… J’avais quatre enfants avec moi : une fillette de 11 ans, et trois garçons de neuf, huit et trois ans. La police kenyane nous a dit : « Vous êtes entrés illégalement par la mauvaise route. » J’ai dû leur donner 5 000 shillings kenyans [47 euro]. Mes proches ont dû m’envoyer de l’argent. »

Les trois camps de Dadaab sont déjà extrêmement surpeuplés. Conçus à l’origine pour accueillir 90 000 réfugiés, ils en hébergent désormais plus de 280 000. La pression est par conséquent considérable sur l’accès des habitants à un abri, à l’eau, aux installations sanitaires, à la santé et à l’éducation. Le gouvernement kenyan a traîné les pieds avant d’attribuer de nouveaux terrains pour recevoir la population croissante de réfugiés.

Les réfugiés installés à Dadaab ont expliqué à Amnesty International que les camps eux-mêmes devenaient de moins en moins sûrs et que des membres et des sympathisants d’al Shabab, groupe armé islamiste somalien, y habitaient ou y circulaient et, parfois, y recrutaient des réfugiés pour aller combattre en Somalie. Les forces de sécurité kenyanes auraient également été impliquées dans le recrutement de réfugiés somaliens aux fins de formation militaire fin 2009.

« Dans les camps de Daadab, nous sommes désormais face à une situation de crise, a fait valoir Michelle Kagari. Les réfugiés somaliens se retrouvent coincés entre une zone de conflit et ce que d’aucuns décrivent comme une prison ouverte, car le Kenya ne les autorise pas à sortir des camps sans une autorisation spéciale. Les réfugiés qui se sont rendus dans des villes kenyanes vivent dans la précarité et sont exposés aux violences policières. « Le Kenya prend en charge de manière disproportionnée la responsabilité des flux massifs de réfugiés venus de Somalie et a besoin d’une aide accrue de la communauté internationale, notamment des pays de l’Union européenne (UE), en vue d’offrir des solutions durables à ces personnes. » Amnesty International engage le gouvernement kenyan à veiller à ce que les Somaliens fuyant les violations flagrantes des droits humains et les violences exercées sans discrimination trouvent refuge sur le sol kenyan et y bénéficient d’une réelle protection.

Elle demande aussi à la communauté internationale et aux partenaires donateurs du Kenya de partager la responsabilité de la crise des réfugiés au Kenya, de renforcer les programmes de réinstallation et de soutenir les projets d’intégration locale visant à améliorer la vie des réfugiés au Kenya.