10/06/2025 (Brève 2499) Guelleh cacherait-il des magouilles fiancières internes. Selon le site HCH24

Article du site HCH24 : (LIEN)

Le rapport d’évaluation mutuelle de Djibouti, publié en novembre 2024 par le Groupe d’action financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENAFATF), révèle des manquements graves aux standards internationaux de lutte contre le blanchiment de capitaux (BC) et le financement du terrorisme (FT). Malgré des réformes récentes, le pays ne respecte pas pleinement les 40 recommandations du GAFI, exposant sa stabilité financière et sécuritaire à des risques majeurs. Voici les principaux points de non-conformité. Lien : Republic of Djibouti MER_Fr.pdf.coredownload.inline.pdf

1. Évaluation et gestion des risques (Recommandations 1 et 2) 

Violation flagrante :

– Compréhension incomplète des risques : Djibouti identifie des menaces internes (détournement de fonds, trafic de stupéfiants) mais ignore des crimes à haut risque comme la corruption, la traite d’êtres humains ou la fraude fiscale (p. 11, 22). L’évaluation nationale des risques (ENR), bien qu’existentielle, repose sur des données statistiques « insuffisantes » et exclut des secteurs clés (économie informelle, zones franches).

– Stratégie nationale inefficace : Adoptée début 2024, elle n’est « pas fondée sur une approche basée sur les risques » (p. 53) et ne priorise pas les menaces transfrontalières, pourtant cruciales pour un pays carrefour comme Djibouti.

– Absence de mesures différenciées : Aucune dérogation aux obligations de vigilance (simplifiée pour les risques faibles, renforcée pour les élevés) n’est appliquée (p. 11).

 2. Cadre juridique opérationnel (Recommandations 3, 4, 5, 6, 7, 8) 

Défaillances critiques :

– Enquêtes et poursuites symboliques : Le cadre légal permet d’identifier les cas de BC, mais les autorités se concentrent sur les « infractions sous-jacentes » (escroquerie, trafic) sans traiter spécifiquement le blanchiment (p. 12). Un seul cas de BC a été jugé en 2024 (p. 7).

– Confiscation quasi-inexistante : Malgré un cadre juridique « existant », la saisie des produits du crime est « peu développée » par manque de mécanismes et de formation (p. 13). Les statistiques de confiscation liées à la corruption ou au trafic de migrants sont « limitées » (p. 20).

– Financement du terrorisme impuni : Aucune condamnation pour FT malgré des cas reconnus (p. 13). Le pays « manque d’une stratégie nationale cohérente » et ne comprend pas les circuits de financement des groupes terroristes (Al-Shabaab, Al-Qaïda, FRUD Armé) (p. 49-50).

– Sanctions financières non appliquées : Aucun mécanisme opérationnel pour geler les avoirs liés au terrorisme (résolutions 1267/1373 de l’ONU) (p. 13, 124). Les entreprises non financières ignorent leurs obligations (p. 14).

– Organismes à but non lucratif non contrôlés : Aucune mesure de supervision pour prévenir leur exploitation par le FT (Recommandation 8, p. 220).

3. Mesures préventives (Recommandations 9 à 23) 

Secteur financier vulnérable :

– Secteur informel dominant : Il représente 32% du PIB (p. 25) et échappe aux contrôles, facilitant le BC/FT via les flux d’espèces (USD et DJF).

– Déclarations de soupçon rares : Seules quelques banques déclarent des opérations suspectes. Les auxiliaires financiers (19 acteurs) n’ont soumis « qu’une seule déclaration » entre 2018 et 2024 (p. 14). Les entreprises non financières (EPNFD) : zéro déclaration (p. 14).

– Vigilance client défaillante : Les petites banques et institutions évitent les clients à risque sans les signaler (p. 8). Les assurances, faute de produits d’épargne, n’appliquent « aucune mesure » (p. 14).

– Nouvelles technologies non régulées : Les actifs virtuels et prestataires associés (PSAV) ne font l’objet d’ »aucun contrôle » (Recommandation 15, p. 240 : évaluée NC).

4. Supervision et transparence (Recommandations 24, 25, 26, 27, 28, 34, 35) 

Contrôles inefficaces :

– Bénéficiaires effectifs opaques : Aucun mécanisme ne garantit la mise à jour des données sur les propriétaires réels de personnes morales (p. 15, 38). Les autorités y accèdent « par demandes écrites », ralentissant les enquêtes (p. 39).

– Sanctions administratives absentes : Aucune sanction liée à la LBC/FT n’a été imposée à ce jour (p. 15). Les superviseurs des EPNFD (experts-comptables, notaires) manquent de moyens coercitifs (p. 271).

– Supervision non fondée sur les risques : La Banque centrale effectue des contrôles mais sans « approche par les risques » systématique (p. 15). Les notations LBC/FT sont « incomplètes » (p. 15).

5. Coopération internationale (Recommandations 36 à 40) 

Isolement préoccupant :

– Demandes ciblant des crimes mineurs : L’entraide judiciaire se limite au détournement de fonds ou au trafic de stupéfiants, ignorant le FT et la restitution des avoirs (p. 16).

– ANRF inactive : L’agence financière « ne sollicite pas la coopération internationale » par manque de ressources (p. 16).

– Échanges sectoriels inexistants : Aucune coopération sur la transparence des bénéficiaires effectifs ou la supervision des institutions financières avec des homologues étrangers (p. 16).

Un tableau technique accablant

Le rapport attribue à Djibouti des notations sévères dans son annexe technique :

– Efficacité globale : « Faible » pour 8 des 11 résultats immédiats (p. 17).

– Conformité : 15 recommandations sur 40 sont « partiellement conformes » (PC) ou « non conformes » (NC), dont les fondamentales : R.1 (PC), R.4 (PC), R.5 (PC), R.6 (PC), R.8 (PC), R.15 (NC) (p. 18-19).

Actions prioritaires : Une feuille de route urgente

Le MENAFATF exige que Djibouti :

a. Mette à jour d’urgence son ENR pour inclure la corruption, les flux transfrontaliers et le FT interne (FRUD Armé).

b. Systématise les enquêtes financières parallèles pour tous les crimes générant des profits.

c. Opérationnalise le gel des avoirs terroristes (SFC) et forme les institutions financières.

d. Renforce la supervision des banques, change manuel et EPNFD avec des sanctions dissuasives.

e. Améliore la transparence des bénéficiaires effectifs et la coopération internationale.

Conclusion 

Si Djibouti a initié des réformes (loi de mars 2024, stratégie nationale), le rapport souligne un « décalage » persistant entre les risques et les actions (p. 11). Dans un contexte régional instable (voisinage avec la Somalie, le Yémen), ces faiblesses font de son système financier une cible pour les réseaux criminels et terroristes. La balle est désormais dans le camp des autorités djiboutiennes : sans mise en œuvre rapide des recommandations, le pays s’expose à un grey-listing aux conséquences économiques sévères.

Hassan Cher