26/02/02 « Coup de force »… (SURVIE)

C O M M U N I Q U E Paris, le 26 février 2002

Dans plus d’une dizaine de pays, la Françafrique a institutionnalisé la tricherie électorale avec des coopérants très spéciaux – employés fictifs du Paris chiraquien ou affiliés des réseaux Pasqua, principalement. Tandis qu’ils diffusaient les mille et une ficelles de la fraude (depuis les listes électorales jusqu’au décompte des résultats), des juristes de haut vol, genre Charles Debbasch, pipaient les règles du jeu constitutionnel afin d’invalider les candidats gênants ou la contestation des scrutins. Ainsi fut validée au Togo la réélection-bidon du tyran Eyadema, contre l’élu du peuple Gilchrist Olympio. Le lot de consolation, une médiation « européenne » pilotée par Paris, a achevé de montrer sa finalité : le digestif d’une forfaiture.

Le scénario s’est répété au Tchad en juin 2001, avec la réélection de Déby contre un Yorongar porté par un raz-de-marée de votants. Il va avoir lieu au Congo-Brazzaville, où l’Union européenne va scandaleusement bénir, par l’envoi d’observateurs impuissants, le sacre électoral truqué d’un criminel contre l’humanité, Denis Sassou Nguesso.

À Madagascar, une nette majorité de l’électorat a élu le 16 décembre Marc Ravalomanana ; toutes sortes de manipulations de dernière heure (dont l’apparition de nouveaux bureaux de vote) ont rogné ce résultat, mais deux décomptes parallèles démontrent un solde supérieur à 50 %. Chéri par les réseaux françafricains, l' »amiral » Didier Ratsiraka, qui fit tirer sur la foule en 1991, refuse obstinément un examen de ces décomptes. Il préfère les « calculs » d’une Haute Cour constitutionnelle à sa botte qui, ramenant à 46,21 % le score du vainqueur, exige un second tour.

Marc Ravalomanana et ses partisans refusent ce nouveau round, selon le principe simple qu’un décompte truqué au premier tour le sera aussi au second. Paris, avec ses relais diplomatiques et médiatiques, a tout fait pour rendre inéluctable ce deuxième tour. Après deux mois de grandes manifestations non violentes et le refus par Ratsiraka de tout arbitrage international sur les chiffres du scrutin, l’élu du premier tour a décidé le 22 février de se proclamer Président.

Aussitôt le Quai d’Orsay, en phase avec l’Élysée, s’est indigné d’une  » tentative de coup de force « . En 1998, face au renversement du dictateur nigérien Baré Maïnassara, trois fois désavoué par le suffrage populaire, les mêmes avaient crié à  » l’interruption du processus démocratique  » ! En était résulté, sans la « coopération » française, les élections les plus incontestées depuis des décennies en Afrique francophone…

La Françafrique n’aime pas Ravalomanana, trop imperméable à ses réseaux, trop soutenu localement. Elle le comparerait au  » choléra « , bien obligée d’admettre que la corruption du régime en place est une forme de  » peste « . Entre les deux, il faudrait ne pas choisir, c’est-à-dire ne rien changer. Or, le peuple malgache a choisi. Déjà, Ratsiraka fourbit l’arme ultime des dictateurs acculés : il attise chez les ethnies côtières la haine de l’ethnie de son vainqueur, maire de la capitale Antananarivo, et suscite des barrages miliciens.

Voici un peu plus d’un demi-siècle, la France coloniale opposa au désir d’indépendance des Malgaches le massacre de plus de cent mille d’entre eux.

La France néocoloniale continuera-t-elle de soutenir, contre une volonté politique explicite, le possible concepteur d’un cauchemar à la rwandaise ?