23/05/03 (B199) Appel international de RSF en faveur des journalistes emprisonnés en Erythrée
23 mai 2003
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ERYTHRÉE
A l’occasion du dixième
anniversaire de l’indépendance de l’Erythrée, Reporters sans
frontières lance un appel en faveur des dix-huit journalistes emprisonnés
A la veille de la célébration
du dixième anniversaire de l’indépendance de l’Erythrée,
le 24 mai, Reporters sans frontières exhorte les autorités érythréennes
à mettre fin immédiatement et sans condition à l’incarcération
illégale de dix-huit journalistes, détenus au secret, sans raison
officielle ni procès.
» Nous vous rappelons
que, selon les Nations unies, l’emprisonnement en tant que condamnation de
l’expression pacifique d’une opinion constitue une grave violation des droits
de l’homme. À notre connaissance, ces journalistes n’ont fait qu’exercer
leur activité professionnelle et leur droit à informer leurs
concitoyens ; un droit garanti par plusieurs traités internationaux
ratifiés par l’Erythrée. Cette absence de liberté d’expression
empêche les citoyens d’exercer pleinement leurs droits et devoirs pourtant
acquis, il y a dix ans, après trente années de lutte contre
le dictateur éthiopien, Mengistu Hailemariam. À quelques jours
de la commémoration de l’indépendance de l’Erythrée,
la libération de ces journalistes constituerait un signe fort de votre
engagement en faveur des droits de l’homme et de la liberté de la presse
« , a déclaré Robert Ménard, secrétaire général
de Reporters sans frontières, dans une lettre adressée au président
de la République, Issaias Afeworki.
Le 18 septembre 2001,
le gouvernement ordonnait la suspension de tous les titres de la presse privée.
Dans le même temps, débutait une vague d’arrestations sans précédent
des journalistes érythréens. Un an et demi après, dix-huit
professionnels de la presse sont toujours derrière les barreaux, détenus
dans un lieu gardé secret par les autorités, sans raison officielle
ni procès. Les autres journalistes ont fui le pays, trouvant asile
en Europe, en Amérique du Nord ou en Afrique.
Reporters sans frontières
estime qu’il n’est pas acceptable qu’un Etat puisse, en toute impunité,
priver purement et simplement un peuple de son droit à être informé.
Aujourd’hui, l’Erythrée est le seul pays du continent africain, et
l’un des derniers dans le monde, sans presse privée. Seuls les médias
d’Etat, étroitement contrôlés par le régime, ont
droit de parole. Les rares correspondants étrangers ne peuvent pas
travailler librement ni en toute sécurité.
Au moins dix-huit journalistes
sont emprisonnés en Erythrée. Zemenfes Haile, ancien directeur
et fondateur de Tsigenay, serait détenu dans un camp dans le désert
depuis 1999. Ghebrehiwet Keleta, également de Tsigenay, aurait été
arrêté en juillet 2000. Aucune information n’est disponible sur
les lieux et les raisons de la détention de ces deux journalistes.
Entre le 18 et le 21 septembre
2001, au moins dix journalistes de la presse privée ont été
interpellés par les forces de l’ordre et conduits au poste de police
n°1 d’Asmara. Le motif exact de leur arrestation n’a pas été
rendu public, mais la plupart d’entre eux avaient donné la parole aux
opposants arrêtés. Ces dix journalistes interpellés sont
: Yusuf Mohamed Ali, rédacteur en chef de Tsigenay, déjà
incarcéré plusieurs semaines en octobre 2000 ; Mattewos Habteab,
rédacteur en chef de Meqaleh, déjà arrêté
à plusieurs reprises en 2000 et en 2001 ; Dawit Habtemichael, rédacteur
en chef adjoint de Meqaleh ; Medhanie Haile et Temesgen Gebreyesus, respectivement
rédacteur en chef adjoint et membre du conseil d’administration de
Keste Debena ; Emanuel Asrat, rédacteur en chef de Zemen ; Dawit Isaac
et Fessehaye Yohannes, du journal Setit ; Said Abdulkader, journaliste du
magazine Admas, et un photographe indépendant, Seyoum Tsehaye.
Le 31 mars 2002, les dix
journalistes ont entamé une grève de la faim. Dans une lettre
diffusée depuis leur prison, ils déclaraient vouloir ainsi protester
contre leur détention illégale et réclamaient « leur
droit à la justice ». Ils demandaient notamment un procès
devant un « tribunal juste et indépendant ». Le 3 avril, neuf
d’entre eux ont été transférés dans un lieu de
détention inconnu. Les responsables du poste de police n°1 d’Asmara
ont annoncé aux familles que les prisonniers n’étaient plus
dans leurs cellules. Ils auraient été conduits par des militaires
et des officiels de la présidence dans un nouvel endroit tenu secret.
Un dixième journaliste en grève de la faim, Dawit Isaac, a été
soigné à l’hôpital Halibet suite aux mauvais traitements
qu’il aurait subis pendant sa détention, avant d’être également
transféré dans un lieu inconnu. Deux autres journalistes – Selamyinghes
Beyene, de Meqaleh, et Binyam Haile, de Haddas Eritrea – auraient également
été interpellés à l’automne 2001.
Par ailleurs, en janvier
et février 2002, trois journalistes de la presse gouvernementale ont
été arrêtés : Hamid Mohamed Said et Saidia, de
la télévision publique Eri-TV, et Saleh Al Jezaeeri, de la radio
publique Voice of the Broad Masses. Aucune explication n’a été
fournie par les autorités.
Enfin, le 6 janvier 2002,
Simret Seyoum, directeur de Setit, a été arrêté
près de la frontière soudanaise alors qu’il cherchait à
s’enfuir. Il serait détenu dans une prison de la région.