07/07/06 (B357-B) Djibouti – Vivant en exil ou en survivance à Djibouti, chacun et chacune a le pouvoir de dire non à la tyrannie d’Ismaïl Omar Guelleh et à celle de ses spadassins.(Justicia)


Roger Picon
Ne voyez pas dans les écrits qui vont suivre une quelconque intention d’imposer aux lecteurs/lectrices de ce site un cours de philosophie car je n’en ai ni la compétence, ni cette prétention. Mon but est tout simplement d’amener à une réflexion commune sur le pouvoir tyrannique, sur le pourquoi de ses complicités mais aussi sur notre désir de justice et notre insoumission face à la pensée unique d’un pouvoir qui lamine tout à la fois l’État, ses populations et toutes leurs libertés.

Affirmer qu’Ismaïl Omar Guelleh est un tyran relève d’une triste vérité que nul ne peut contester tant sont nombreuses les victimes innocentes de son régime qui sévissait déjà à Djibouti bien avant qu’il n’accède officiellement à la plus haute magistrature de l’État par la falsification des élections présidentielles d’avril 1999 et qu’il a rééditée en 2005.

A la manière d’un animal reniflant l’air pour localiser sa proie et frapper, IOG fut durant des années le bras spatio-temporel d’un crédule et bien pâle président Hassan Gouled Aptidon. Président de façade qui outre le fait qu’il ne respectera pas ses engagements pris avant l’indépendance vis-à-vis de TOUS les Issas sera officieusement dépossédé de ses attributions de Chef de l’État. Le neveu ambitieux s’en « débarrassera politiquement » le moment venu pour le confiner certes dans un Palais mais en résidence surveillée afin de mieux le contrôler par la menace permanente qu’il exercera sur lui et indirectement sur le clan des Gouled.

Qu’Hassan Gouled murmure ne serait-ce qu’un bref moment, alors Ismaïl Omar menace aussitôt de suspendre le versement des ses « indemnités » mensuelles d’ancien Chef de l’État et – pire encore – de faire licencier de son poste dans l’administration ; voire de supprimer l’un ou l’autre des membres de sa famille.

Au fil des années, le vieux lion de l’indépendance a perdu ses griffes en perdant toute volonté d’intervenir dans la vie politique djiboutienne, Ce qui était vrai dans les années 80 ne l’est plus aujourd’hui dans une supposée république où il ne reste de lui dans l’esprit et la mémoire des jeunes générations de Djiboutiens/Djiboutiennes qu’un nom qui a perdu sa dignité ; son « aura » de l’après indépendance s’en est allée avec le temps et ses silences face à toutes les misères des populations du pays ; elle est réduite presque à néant. Le système politique qu’il a laissé s’imposer a dépassé ces dernières années – et de loin – un féodalisme primaire qui maintient plus que jamais Djibouti et ses populations dans une bulle étouffante et malsaine.

Une lueur envoûtante et une intelligence malsaine se sont emparées du pays et véritablement exprimées en 1999 devenu celui de tous les artifices d’une propagande outrancière ; subterfuges destinés exclusivement à servir les desseins et les intérêts d’un Ismaïl Omar Guelleh qui distribue – au passage – quelques subsides pour acheter, çà et là, quelques consciences fragilisées et cupides à l’extrême ; y compris à l’étranger.

L’histoire se répète éternellement ! 2.400 ans plus tard.

Si l’on se réfère au mythe grec d’Antigone (texte de Sophocle vieux de 2.400 ans) on constate que l’histoire se répète éternellement avec un désir de justice et une insoumission à l’autorité lorsqu’elle dépasse la tyrannie. Hémon, le fils du tyran Créon de l’époque – que l’on pourrait transposer actuellement à la diaspora qui entoure IOG – bien qu’il trouve son père injuste et tyrannique, n’ose pas prendre des mesures fortes pour s’y opposer et défendre ainsi ses propres convictions. Hémon et la diaspora qui entoure Ismaïl Omar sont-ils pour autant cruels ?

« La clémence qui compose avec la tyrannie est barbare». C’est par ces quelques mots de son réquisitoire – lors du procès de Louis XVI – que Robespierre exprima on ne peut plus clairement son intransigeance et sa conviction de voir condamner et conduire le souverain déchu à la guillotine. Le régime de Terreur qu’il instituera par la suite sera caractérisé par de nombreux excès qui le conduiront – à son tour – à sa propre perte sur l’échafaud. Adepte des solutions radicales, Robespierre témoigna – comme la tyrannie monarchique d’avant 1789 et qui l’avait précédé – de très peu de tolérance envers ceux qui étaient plutôt tièdes envers son propre régime.

Prenons garde qu’à Djibouti on ne remplace demain la tyrannie d’un Ismaïl Omar Guelleh par de petits « roitelets » chefs de clans pour le moins aussi tyranniques que leur prédécesseur car ce serait alors la fin du pays.

Face à la tyrannie, les causes de la clémence sont diverses.

On peut dégager deux cas différents ; le fait d’être clément face à un tyran et le fait de laisser agir cette même tyrannie en lui donnant toutes les excuses de ses agissements.

Lorsqu’un tyran est mis en état d’arrestation, on s’attend généralement à ce que les victimes de son régime et les familles des défunts veuillent se venger de tout ce qu’elles ont subi. La raison en est généralement qu’il convient pour l’opinion publique – sur l’instant – d’en « faire un exemple » en donnant à l’évènement une large publicité, donc un impact recherché tant sur le plan national qu’international.

Dans ce cas, faire preuve de clémence à l’égard du tyran déchu est forcément mal interprété ; pourtant, certains font le choix de faire preuve de clémence en justifiant ce positionnement par le fait qu’ils ne veulent pas s’abaisser à rendre la pareille. Ils/elles estiment que s’ils/elles agissaient sans procès préalable et en privant le tyran déchu du droit d’être entendu, défendu ou de se défendre devant la Justice, ils/elles ne vaudraient pas mieux que le tyran.

Bien que sous la tyrannie, l’être humain a des difficultés à désobéir à l’autorité établie ; fut-elle celle des désordres et de la tyrannie !

Constat est fait au regard de ce qu’il se passe dans le monde, la clémence transige souvent avec les convictions intimes de la plupart des gens car il est difficile de se mettre en danger – soi-même et sa propre famille – et bien plus facile pour l’être humain d’obéir que de défendre les valeurs de la démocratie et de se battre pour elle.

C’est l’instinct de survie – que l’on retrouve à Djibouti depuis bien des années – qui pousse certains hommes et certaines femmes à préférer une vie tranquille – malgré l’oppression tyrannique qui les étouffe – à une vie mouvementée en se révoltant. Il est par principe …plus facile de se mettre du côté du plus fort, a fortiori s’il vous verse des dividendes…

La perversité de la tyrannie d’Ismaïl Omar Guelleh est – par ses caciques interposés –de ne toucher qu’une partie de la population. En l’occurrence les Afars pour qui on peut clairement parler de tentative d’épuration ethnique tout en ne conservant que ceux qui baissent la tête devant le régime en lui « embrassant » les pieds – le reste aussi parfois – et d’appliquer un génocide programmé pour les autres.

L’idée d’un « État Issa » recomposé géographiquement comme sur le plan des populations (avec quelques tribus « étrangères » et minoritaires en périphérie qui n’auraient que le droit de se taire et de n’être que « serviteurs » du régime) est relancée épisodiquement par Ismaïl Omar Guelleh dès l’instant où il se trouve en difficultés.

Dès lors on comprend que dans ce genre de situations, la peur et l’égoïsme inhérent à la nature humaine – dans le cas des Afars inféodés à la tyrannie – peuvent pousser à ne rien faire, à fermer les yeux pour nier l’existence de la situation. De plus, l’homme est – par égoïsme naturel – plus difficilement affecté par ce qui ne le touche pas de près ce qui confirme bien que la pseudo évolution dans un monde en plein chamboulement s’accompagne de l’abandon – pour certains êtres faibles, pleure-misères et cupides – de toutes les saines traditions ancestrales de solidarité humaine comme religieuse à l’intérieur d’une même tribu.

Le sentiment de vengeance est un sentiment humain, mais est-ce faire preuve de complicité que de ne pas se venger ?

Refuser la peine de mort par exemple est une preuve d’humanité tant envers le tyran qu’envers la personne à qui incombe la lourde responsabilité de prononcer la sentence et de la faire exécuter. Il est donc très difficile de juger ce genre de situation lorsqu’on n’y est pas directement confronté mais faire preuve de clémence dans cette situation n’est certainement pas barbare mais relève d’un esprit d’humanité sans pour cela faire démonstration de faiblesse.

En revanche, l’indulgence au moment des faits tyranniques est beaucoup plus sujette à discussion.

Certes, il est difficile de prendre des positions fortes. Il est clair qu’il est important de savoir conserver ses limites et de refuser sa complicité à la tyrannie mais peut-on considérer pour autant que les personnes qui laissent faire sont barbares ?

Par exemple, on ne peut pas considérer une population complice de son dictateur parce qu’elle se soumet. En effet, la plupart des personnes qui sont clémentes envers la tyrannie ne le sont pas par cruauté gratuite mais par peur.

Qui pourrait me contredire lorsque j’affirme qu’à Djibouti – sous la tyrannie imposé par IOG – il est difficile de s’opposer à ce régime sans y laisser la vie et celle de membres de sa famille ?

Néanmoins, ne pas exprimer son opinion, c’est consentir, c’est trahir ses idéaux, les valeurs du respect de l’être humain pour être en sécurité et c’est permettre que d’autres personnes soient la proie d’actes barbares. Enfin, la peur de s’attirer des ennuis peut pousser certains à se laisser convaincre petit à petit par les arguments fallacieux de la tyrannie et devenir des alliés de choix pour le régime. Il est alors facile d’en faire des bourreaux qui feront preuve de barbarie ne serait-ce que pour plaire au nouveau maître et s’attirer ses bonne grâces.

Observons l’histoire récente et tirons-en une leçon avec ce qu’il s’est passé lors du conflit entre les Tutsis et les Hutus au Rwanda : la Belgique a en effet décidé d’arrêter toute intervention au moment où le Rwanda avait le plus besoin d’aide, ce qui a permis au génocide de prendre toute son ampleur. Le manque de réaction d’autres pays du monde occidental a donc provoqué la mort et la souffrance de nombreuses personnes.

Ainsi, l’indulgence a posteriori ne peut être considérée comme barbare. Pour ce qui est de ceux qui laissent faire la tyrannie, certains contribuent malheureusement indirectement et involontairement à la souffrance collective, d’autres par leur clémence voire leur complicité permettent à la barbarie de s’exprimer dans toute son horreur et de triompher.

Réagir est donc important. Certaines valeurs telles que les libertés fondamentales méritent d’être défendues.

Au cours de l’histoire, des hommes et des femmes n’ont pas hésité à prendre des risques, à affirmer des valeurs qu’ils considéraient comme justes. C’est le cas par exemple de Beaumarchais qui a subi les lettres de cachet pour faire passer ses idées ou plus récemment de Shirin Ebadi (prix Nobel de la Paix 2003) qui se bat depuis des années pour la liberté d’expression en Iran, un pays où ces droits ne vont pas de soi.

Il est évident que peu de gens ont le courage de se révolter ouvertement face à l’autorité de la tyrannie mais là n’est pas toujours la question. Les journaux clandestins diffusés pendant la guerre 1939/1945 ont à leur manière contribué à perpétuer la liberté de pensée alors que les écrits qui paraissent depuis bien des années sur le site de l’Association pour le Respect des Droits Humains à Djibouti (ARDHD) contribuent modestement, mais contribuent tout de même à l’instauration – dans un avenir proche – d’un État de Droit dans le pays.

Mais il est important aussi de conserver une grande vigilance critique et les yeux grands ouverts. N’oublions pas que Hitler est arrivé au pouvoir de manière tout à fait démocratique alors qu’il avait exposé toutes ses idées dans son livre, Mein Kampf. Une plus grande attention du citoyen/citoyenne dans la vie quotidienne du (de la) Djiboutien/Djiboutienne est donc nécessaire pour éviter de telles prises de pouvoir.

Grèves, manifestations, articles de presse écrits avec les mots du cœur et ceux de la conscience, lettres ouvertes sont autant d’armes utiles et nécessaires qui permettent de responsabiliser les autorités du monde occidental sur ce qu’il se passe en vérité à Djibouti.

La clémence envers la tyrannie mène souvent à la barbarie et laisser faire un tyran équivaut à entrer dans son jeu. Pour nos familles, pour nos enfants, n’oublions jamais que « le pouvoir de dire non est un pilier de la démocratie ».

Nous n’avons qu’une seule et éternelle liberté, la liberté de nous battre pour conquérir la liberté face à toute pensée unique ….