Roger Picon
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Ne voyez pas dans les écrits qui vont suivre une quelconque intention dimposer aux lecteurs/lectrices de ce site un cours de philosophie car je nen ai ni la compétence, ni cette prétention. Mon but est tout simplement damener à une réflexion commune sur le pouvoir tyrannique, sur le pourquoi de ses complicités mais aussi sur notre désir de justice et notre insoumission face à la pensée unique dun pouvoir qui lamine tout à la fois l’État, ses populations et toutes leurs libertés.
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Affirmer quIsmaïl Omar Guelleh est un tyran relève dune triste vérité que nul ne peut contester tant sont nombreuses les victimes innocentes de son régime qui sévissait déjà à Djibouti bien avant quil naccède officiellement à la plus haute magistrature de l’État par la falsification des élections présidentielles davril 1999 et quil a rééditée en 2005.
A la manière dun animal reniflant lair pour localiser sa proie et frapper, IOG fut durant des années le bras spatio-temporel dun crédule et bien pâle président Hassan Gouled Aptidon. Président de façade qui outre le fait quil ne respectera pas ses engagements pris avant lindépendance vis-à-vis de TOUS les Issas sera officieusement dépossédé de ses attributions de Chef de l’État. Le neveu ambitieux sen « débarrassera politiquement » le moment venu pour le confiner certes dans un Palais mais en résidence surveillée afin de mieux le contrôler par la menace permanente quil exercera sur lui et indirectement sur le clan des Gouled.
QuHassan Gouled murmure ne serait-ce quun bref moment, alors Ismaïl Omar menace aussitôt de suspendre le versement des ses « indemnités » mensuelles dancien Chef de l’État et – pire encore – de faire licencier de son poste dans ladministration ; voire de supprimer lun ou lautre des membres de sa famille.
Au fil des années, le vieux lion de lindépendance a perdu ses griffes en perdant toute volonté dintervenir dans la vie politique djiboutienne, Ce qui était vrai dans les années 80 ne lest plus aujourdhui dans une supposée république où il ne reste de lui dans lesprit et la mémoire des jeunes générations de Djiboutiens/Djiboutiennes quun nom qui a perdu sa dignité ; son « aura » de laprès indépendance sen est allée avec le temps et ses silences face à toutes les misères des populations du pays ; elle est réduite presque à néant. Le système politique quil a laissé simposer a dépassé ces dernières années – et de loin – un féodalisme primaire qui maintient plus que jamais Djibouti et ses populations dans une bulle étouffante et malsaine.
Une lueur envoûtante et une intelligence malsaine se sont emparées du pays et véritablement exprimées en 1999 devenu celui de tous les artifices dune propagande outrancière ; subterfuges destinés exclusivement à servir les desseins et les intérêts dun Ismaïl Omar Guelleh qui distribue au passage quelques subsides pour acheter, çà et là, quelques consciences fragilisées et cupides à lextrême ; y compris à létranger.
Lhistoire se répète éternellement ! 2.400 ans plus tard.
Si lon se réfère au mythe grec dAntigone (texte de Sophocle vieux de 2.400 ans) on constate que lhistoire se répète éternellement avec un désir de justice et une insoumission à lautorité lorsquelle dépasse la tyrannie. Hémon, le fils du tyran Créon de lépoque – que lon pourrait transposer actuellement à la diaspora qui entoure IOG – bien quil trouve son père injuste et tyrannique, n’ose pas prendre des mesures fortes pour s’y opposer et défendre ainsi ses propres convictions. Hémon et la diaspora qui entoure Ismaïl Omar sont-ils pour autant cruels ?
« La clémence qui compose avec la tyrannie est barbare». Cest par ces quelques mots de son réquisitoire – lors du procès de Louis XVI – que Robespierre exprima on ne peut plus clairement son intransigeance et sa conviction de voir condamner et conduire le souverain déchu à la guillotine. Le régime de Terreur qu’il instituera par la suite sera caractérisé par de nombreux excès qui le conduiront à son tour – à sa propre perte sur léchafaud. Adepte des solutions radicales, Robespierre témoigna comme la tyrannie monarchique davant 1789 et qui lavait précédé – de très peu de tolérance envers ceux qui étaient plutôt tièdes envers son propre régime.
Prenons garde quà Djibouti on ne remplace demain la tyrannie dun Ismaïl Omar Guelleh par de petits « roitelets » chefs de clans pour le moins aussi tyranniques que leur prédécesseur car ce serait alors la fin du pays.
Face à la tyrannie, les causes de la clémence sont diverses.
On peut dégager deux cas différents ; le fait dêtre clément face à un tyran et le fait de laisser agir cette même tyrannie en lui donnant toutes les excuses de ses agissements.
Lorsquun tyran est mis en état darrestation, on sattend généralement à ce que les victimes de son régime et les familles des défunts veuillent se venger de tout ce quelles ont subi. La raison en est généralement quil convient pour lopinion publique sur linstant – den « faire un exemple » en donnant à lévènement une large publicité, donc un impact recherché tant sur le plan national quinternational.
Dans ce cas, faire preuve de clémence à légard du tyran déchu est forcément mal interprété ; pourtant, certains font le choix de faire preuve de clémence en justifiant ce positionnement par le fait quils ne veulent pas sabaisser à rendre la pareille. Ils/elles estiment que sils/elles agissaient sans procès préalable et en privant le tyran déchu du droit dêtre entendu, défendu ou de se défendre devant la Justice, ils/elles ne vaudraient pas mieux que le tyran.
Bien que sous la tyrannie, lêtre humain a des difficultés à désobéir à lautorité établie ; fut-elle celle des désordres et de la tyrannie !
Constat est fait au regard de ce quil se passe dans le monde, la clémence transige souvent avec les convictions intimes de la plupart des gens car il est difficile de se mettre en danger soi-même et sa propre famille et bien plus facile pour lêtre humain dobéir que de défendre les valeurs de la démocratie et de se battre pour elle.
Cest linstinct de survie que lon retrouve à Djibouti depuis bien des années qui pousse certains hommes et certaines femmes à préférer une vie tranquille – malgré l’oppression tyrannique qui les étouffe – à une vie mouvementée en se révoltant. Il est par principe
plus facile de se mettre du côté du plus fort, a fortiori sil vous verse des dividendes
La perversité de la tyrannie dIsmaïl Omar Guelleh est par ses caciques interposés de ne toucher quune partie de la population. En loccurrence les Afars pour qui on peut clairement parler de tentative dépuration ethnique tout en ne conservant que ceux qui baissent la tête devant le régime en lui « embrassant » les pieds le reste aussi parfois – et dappliquer un génocide programmé pour les autres.
Lidée dun « État Issa » recomposé géographiquement comme sur le plan des populations (avec quelques tribus « étrangères » et minoritaires en périphérie qui nauraient que le droit de se taire et de nêtre que « serviteurs » du régime) est relancée épisodiquement par Ismaïl Omar Guelleh dès linstant où il se trouve en difficultés.
Dès lors on comprend que dans ce genre de situations, la peur et l’égoïsme inhérent à la nature humaine dans le cas des Afars inféodés à la tyrannie – peuvent pousser à ne rien faire, à fermer les yeux pour nier l’existence de la situation. De plus, l’homme est par égoïsme naturel – plus difficilement affecté par ce qui ne le touche pas de près ce qui confirme bien que la pseudo évolution dans un monde en plein chamboulement saccompagne de labandon pour certains êtres faibles, pleure-misères et cupides de toutes les saines traditions ancestrales de solidarité humaine comme religieuse à lintérieur dune même tribu.
Le sentiment de vengeance est un sentiment humain, mais est-ce faire preuve de complicité que de ne pas se venger ?
Refuser la peine de mort par exemple est une preuve d’humanité tant envers le tyran qu’envers la personne à qui incombe la lourde responsabilité de prononcer la sentence et de la faire exécuter. Il est donc très difficile de juger ce genre de situation lorsqu’on n’y est pas directement confronté mais faire preuve de clémence dans cette situation n’est certainement pas barbare mais relève dun esprit dhumanité sans pour cela faire démonstration de faiblesse.
En revanche, l’indulgence au moment des faits tyranniques est beaucoup plus sujette à discussion.
Certes, il est difficile de prendre des positions fortes. Il est clair qu’il est important de savoir conserver ses limites et de refuser sa complicité à la tyrannie mais peut-on considérer pour autant que les personnes qui laissent faire sont barbares ?
Par exemple, on ne peut pas considérer une population complice de son dictateur parce qu’elle se soumet. En effet, la plupart des personnes qui sont clémentes envers la tyrannie ne le sont pas par cruauté gratuite mais par peur.
Qui pourrait me contredire lorsque jaffirme quà Djibouti sous la tyrannie imposé par IOG il est difficile de s’opposer à ce régime sans y laisser la vie et celle de membres de sa famille ?
Néanmoins, ne pas exprimer son opinion, c’est consentir, c’est trahir ses idéaux, les valeurs du respect de lêtre humain pour être en sécurité et c’est permettre que d’autres personnes soient la proie d’actes barbares. Enfin, la peur de s’attirer des ennuis peut pousser certains à se laisser convaincre petit à petit par les arguments fallacieux de la tyrannie et devenir des alliés de choix pour le régime. Il est alors facile d’en faire des bourreaux qui feront preuve de barbarie ne serait-ce que pour plaire au nouveau maître et sattirer ses bonne grâces.
Observons lhistoire récente et tirons-en une leçon avec ce quil s’est passé lors du conflit entre les Tutsis et les Hutus au Rwanda : la Belgique a en effet décidé d’arrêter toute intervention au moment où le Rwanda avait le plus besoin d’aide, ce qui a permis au génocide de prendre toute son ampleur. Le manque de réaction dautres pays du monde occidental a donc provoqué la mort et la souffrance de nombreuses personnes.
Ainsi, l’indulgence a posteriori ne peut être considérée comme barbare. Pour ce qui est de ceux qui laissent faire la tyrannie, certains contribuent malheureusement indirectement et involontairement à la souffrance collective, d’autres par leur clémence voire leur complicité permettent à la barbarie de sexprimer dans toute son horreur et de triompher.
Réagir est donc important. Certaines valeurs telles que les libertés fondamentales méritent d’être défendues.
Au cours de l’histoire, des hommes et des femmes n’ont pas hésité à prendre des risques, à affirmer des valeurs qu’ils considéraient comme justes. C’est le cas par exemple de Beaumarchais qui a subi les lettres de cachet pour faire passer ses idées ou plus récemment de Shirin Ebadi (prix Nobel de la Paix 2003) qui se bat depuis des années pour la liberté d’expression en Iran, un pays où ces droits ne vont pas de soi.
Il est évident que peu de gens ont le courage de se révolter ouvertement face à l’autorité de la tyrannie mais là n’est pas toujours la question. Les journaux clandestins diffusés pendant la guerre 1939/1945 ont à leur manière contribué à perpétuer la liberté de pensée alors que les écrits qui paraissent depuis bien des années sur le site de lAssociation pour le Respect des Droits Humains à Djibouti (ARDHD) contribuent modestement, mais contribuent tout de même à linstauration – dans un avenir proche – dun État de Droit dans le pays.
Mais il est important aussi de conserver une grande vigilance critique et les yeux grands ouverts. N’oublions pas que Hitler est arrivé au pouvoir de manière tout à fait démocratique alors qu’il avait exposé toutes ses idées dans son livre, Mein Kampf. Une plus grande attention du citoyen/citoyenne dans la vie quotidienne du (de la) Djiboutien/Djiboutienne est donc nécessaire pour éviter de telles prises de pouvoir.
Grèves, manifestations, articles de presse écrits avec les mots du cur et ceux de la conscience, lettres ouvertes sont autant d’armes utiles et nécessaires qui permettent de responsabiliser les autorités du monde occidental sur ce quil se passe en vérité à Djibouti.
La clémence envers la tyrannie mène souvent à la barbarie et laisser faire un tyran équivaut à entrer dans son jeu. Pour nos familles, pour nos enfants, n’oublions jamais que « le pouvoir de dire non est un pilier de la démocratie ».
Nous navons quune seule et éternelle liberté, la liberté de nous battre pour conquérir la liberté face à toute pensée unique
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