28/11/06 (B371) Conférence de presse, lundi 27 novembre 2006 au CAPE (Centre d’accueil de la Presse étrangère – Maison de la Radio). Ismaïl Hurre Buba, Ministre des affaires étrangères du Gouvernement somalien de transition – Débat animé par Jamila Mimouni. (Compte-rendu ARDHD)

A
la tribune, étaient aussi présents, Messieurs Daniel Bourzat,
conseiller du Premier Ministre, délégué par la France
et Saïd Farah, Ambassadeur de Somalie à Paris.

Réserves
et limites : ce compte-rendu a été rédigé par
l’ARDHD sur la base des notes qui ont été prises au cours de
la Conférence de presse. Il n’a pas l’ambition ni d’être totalement
exhaustif, ni de reprendre mot par mot les paroles de M. Ismaïl Hurre Buba

Extrait
de l’intervention préalable de M Ismaïl Hurre Buba.

« Après
15 ans d’anarchie, le Gouvernement de transition a été
formé en 2004. C’est la concrétisation d’un processus
qui avait été engagé deux ans et demi auparavant, sur
la base d’une représentation de toutes les composantes de la
société somalienne.

Le
principe retenu est celui de 4.5. Il correspond aux 4 clans majoritaires et
0.5 pour les minoritaires.

Le
Premier Ministre a été confirmé à son poste par
un vote du Parlement.

La
Somalie est divisée en 18 régions. Huit d’entre elles
sont regroupées au sein du Somaliland et du Putland. Le GNT s’occupe
en priorité des dix autres régions au Centre et au Sud du pays.
La priorité a été d’organiser l’administration
de ces régions.

Un
plan a été conçu et voté par le Parlement. Il
a été soumis à l’Union africaine qui l’a
présenté à l’ONU. Dans ce cadre chaque district
(il y en a 5 à 7 par région) doit engager un processus de réconciliation
dont la finalité est l’élection d’une assemblée
de réconciliation.

La
deuxième étape est le choix et la désignation des représentants
et des administrateurs, car le GNT se refuse à intervenir sur ce plan,
par le biais par exemple de nomination. Ce sont les districts qui désignent
leurs administrateurs : maires, responsables de la police, juges, comités
de développement, etc…

Lorsque
tous les districts d’une région ont achevé cette première
phase, on passe au niveau supérieur, qui est la région et on
reprend le même processus. Le tour suivant sera de réaliser ce
processus au niveau du Gouvernement. La base 4.5 est la règle adoptée
et acceptée par la majorité.

En
juin 2006, il a été proposé aux tribunaux islamiques
de participer à ce processus, mais ils l’ont rejeté car
ils veulent imposer un système de Gouvernement qui ne laisse aucune
place au citoyen. Personne n’a jamais réussi à diriger
la Somalie de cette façon, a ajouté le Ministre.

La
Position du GNT face à l’islam est une position modérée,
centriste. Les membres reconnaissent l’importance de la religion, mais
ils rejettent toute utilisation des textes à des fins personnelles
: enrichissement, pouvoir, domination par exemple. »

Question
: les tribunaux islamiques ont-ils des liens avec Al Quaida ?
Réponse
: le peuple somalien a toujours eu des liens privilégiés avec
la péninsule arabique. Il n’est donc pas surprenant qu’Al
Quaïda puisse exercer une influence certaine sur les tribunaux islamiques
au travers de groupes ou d’associations « caritatives ».

Q
: Baïdoa va-t-elle être attaquée par les forces des Tribunaux
islamiques ?

R : attaquer Baïdoa serait un geste
suicidaire de la part des T.I., qui ne sont pas aussi puissants qu’on
pourrait l’imaginer, au regard des points qu’ils ont marqués
récemment sur le terrain. Une telle attaque ne les ménerait
nulle part. Mais on ne peut pas ignorer le risque.
Le GNT a établi un plan de défense qui passe par trois points
et qui implique directement les voisins :
– formation des unités de défense,
– fourniture de moyens militaires,
– assistance militaire en cas de besoin ou de situation qui menacerait le
travail qui a été réalisé à ce jour.

Q
: en impliquant directement les pays voisins, n’avez-vous pas peur de
contribuer à transformer le territoire somalien en un vaste champ d’affrontement
des pays voisins. Cela est arrivé au Congo où tous les voisins
sont intervenus et qu’ils se sont battus …

R : nous tenons essentiellement à
développer des relations de partenariat avec tous nos voisins et nous
voulons éviter la guerre avec eux, car le pays souhaite la paix.
Par opposition, les T.I. font des appels à la Jihad contre l’Ethiopie
et le Kenya… Où veulent-ils entraîner le pays, vers quel
abime ? Nous avons le devoir de les arrêter à tout prix, y compris
par la force.

Q
: que pensez-vous de la récente déclaration de Meles Zenawi,
qui s’est déclaré prêt à la guerre avec les
T.I.
R : le problème n’est pas l’Ethiopie,
mais les T.I. Chacune de leurs actions de provocation déclenchera naturellement
une réaction éthiopienne …

Q
: quelle est votre position vis-à-vis des pays qui ont été
accusés de fournir des armes aux T.I.
R : une liste de pays soupçonnés
de livrer des armes aux tribunaux islamiques, en violation de l’embargo,
a été déposée à l’ONU. Ces pays devront
s’expliquer. Quant à l’Erythrée, nous souhaitons
entretenir des relations de partenariat avec elle. Elle s’apercevra
tôt ou tard qu’il ne sert à rien de financer des extrèmistes,
car cela se retournera contre elle ..

Q
: pourquoi n’avez-vous pas inclus le Puntland et le Somaliland dans
votre processus de réconciliation ?
R
: l’analyse de la situation a montré que l’urgence était
de réorganiser les dix régions du centre et du Sud. Ce n’est
que lorsque cette étape sera achevée, que nous discuterons avec
le Somaliland et le Puntland qui ont déjà réalisé
cette étape, pour qu’ils s’intègrent dans notre
processus constitutionnel qui prévoit d’accorder une très
large autonomie aux régions.
Le moment n’est pas encore venu d’ouvrir des discussions avec
eux.
Mais je vous rappelle que le Somaliland est très menacé lui
aussi par les T.I.

Q
: Quelles sont vos relations avec la France et l’U.E. Qu’attendez-vous
?

R : demain mardi, je vais rencontre la Ministre
française Mme Brigitte Girardin. L’une des choses que je vais
lui demander est une aide pour les populations civiles, victimes des graves
inondations. Les Français ont à la fois des moyens importants
sur place (flotte, hélicoptères, ..) et une grande expérience
de ces situations. Sur un deuxième plan, nous attendons une écoute
un soutien de l’U.E.. Nous ne voudrions pas nous retrouver dans la situation
du Commandant Massoud qui avait prévenu du risque généré
par la montée des Talibans en Afghanistan et pourtant que personne
n’a écouté.

Q
: vous vous avez parlé de vos voisins, mais vous n’avez pas évoqué
les USA, qui avec leur forte implantation à Djibouti, sont des voisins
de fait. On sait que la décision américaine de financer les
chefs de guerre a eu pour conséquence de renforcer les T.I. En effet
la population excédée par les exactions commises par les chefs
de guerre a soutenu les T.I pour en être débarrassés,
ce qu’ils ont fait en grande partie. Les USA vous soutiendront-ils contre
un ennemi commun : l’islamisme extrême ?
R : effectivement les américains
sont présents et ils nous soutiennent. Nous avons des discussions avec
eux et nous avons exposé la situation d’urgence qui est la nôtre.
Ils étudient leur réponse mais nous espérons qu’ils
nous apporteront leur aide.