07/04/99 (LIB 001) Association Française des Amis des Démocrates de Djibouti LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DE DJIBOUT

Monsieur
le Président de la République,

Le 9 avril
1999, un Djiboutien sera élu pour vous succéder aux fonctions suprêmes de
Chef de l’Etat.
Il aura la charge d’assurer la gestion de ce pays et de ce peuple, dans l’état
où il les trouvera après votre départ et 22 années de votre administration.

Vous avez
pris la sage décision de vous retirer des affaires en laissant le peuple s’exprimer
sur son destin.

On aurait
pu croire
que les valeurs de la démocratie étaient en train de pénétrer
l’esprit de ce régime pour marquer de cette façon une page d’histoire de ce
pays, pour tenter d’effacer les longues années d’obscurité, de tyrannie, de
torture et de crimes contre l’humanité, tous actes pour lesquels un Tribunal
est saisi.

On aurait
pu croire
que vous auriez voulu laisser comme dernier sentiment dans le
coeur de votre peuple une lumière d’espoir, un pincement imperceptible, presque
comme un regret.

On aurait
voulu croire
que votre volonté était de laisser le peuple, au moins une
fois sous votre férule, la seule et dernière fois, décider librement de son
avenir à l’occasion du scrutin présidentiel. Or, ce rêve était fugace et la
réalité était conforme à la barbarie de votre fin de règne.
Non seulement, vous avez présenté votre neveu, directeur
de cabinet, trafiquant en tout genre et chef de la sécurité, comme votre successeur
naturel – ce qui fait tressaillir d’horreur tout électeur conscient de ses
responsabilités, mais en plus vous usez des derniers pouvoirs que vous détenez
pour tenter par tous les moyens de circonvenir ce scrutin.

Vous n’hésitez
pas à arrêter les démocrates, à les faire condamner, à leur faire subir des
actes de torture et des traitements inhumains. Vous n’avez aucun scrupule
à laisser mourir dans vos prisons les prisonniers politiques que vous avez
enlevés depuis leur refuge étranger, en les privant de soins médicaux appropriés.

Vous n’avez
pas tenté de préserver une des grandes figures de votre pays, un fils de cette
terre, MOHAMED AREF, défenseur des droits de l’homme, avocat estimé de tous,
ici et ailleurs, cet homme dont l’esprit illumine votre drapeau à l’intérieur
et à l’extérieur de Djibouti. Et au lieu de travailler à la restauration de
la démocratie en collaborant avec cet homme juste, vous l’avez illégalement
fait condamner et conduire à Gabode.

Mais
vous n’en êtes pas resté là: vous avez ordonné que sa famille soit soumise
à une surveillance humiliante, aux manoeuvres de vos sicaires, pour terroriser
cette femme et ses jeunes enfants.

Sachez,
Monsieur le Président de la République, que le peuple de Djibouti et le monde
entier regardent ce qui se passe ici et que si l’histoire vous a déjà jugé,
les hommes se préparent à le faire.

Sachez
aussi, que toutes les femmes, toutes les mères de famille, s’identifient à
Madiha AREF et à ses enfants et la soutiennent par la force de leur esprit.

Sachez
enfin que le peuple souverain, vendredi prochain, s’exprimera – aussi librement
que possible – compte tenu des pressions, fraudes, manipulations et autres
exactions d’ores et déjà commises sur place par vos services. Vous avez voulu
poursuivre votre vie politique en mettant en avant Ismaël Omar GUELLEH, un
criminel qui aurait chausser vos bottes sur le chemin de l’iniquité.

Vous n’avez
pas choisi la voie de l’honneur pour quitter vos fonctions: c’est ce qui sera
retenu, de façon indélébile, par l’histoire.

Après
ce suffrage qui ouvrira une nouvelle ère pour votre peuple, chacun retrouvera
sa place et l’avenir démontrera que la démocratie, la justice, la vérité et
la liberté finissent toujours par vaincre.

Je vous prie
d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma parfaite
considération.

LE
PRESIDENT,
Roger-Vincent
CALATAYUD