12/07/07 (B403) AP / Le Yémen sous contrat avec des militants d’Al-Qaïda pour limiter les attentats

Le Yémen a mis en place un programme inédit destiné aux militants d’Al-Qaïda condamnés par la justice: les islamistes sont laissés en liberté s’ils jurent de respecter la loi.

Ainsi, Ali Mohammed al-Kurdi reconnaît avoir envoyé deux kamikazes en Irak et formé plusieurs autres. Condamné à la peine de mort pour sa participation dans l’attentat d’un hôtel d’Aden, il s’est évadé avant d’être rattrapé par la police.

Fawzi al-Wajeh, un garde du corps d’Oussama ben Laden, a été condamné pour un attentat contre un pétrolier français en 2002. Il s’est évadé de prison avant de se rendre.

Naseer Ahmed al-Bahri, un autre garde du corps de Ben Laden, a combattu en Bosnie, en Afghanistan et en Somalie.

Tous trois continuent d’idolâtrer le chef du réseau terroriste Al-Qaïda et de prôner le djihad (ou guerre sainte) contre les soldats américains, au Moyen-Orient et en Afghanistan.

Les trois hommes sont toutefois libres de leurs mouvements car ils ont promis au gouvernement de respecter les lois, de ne pas organiser d’attaques au Yémen ni d’utiliser le pays comme base pour en préparer d’autres ailleurs. En contrepartie, ils ont recouvré leur liberté et reçu de l’argent et un travail, précise le ministre de l’Intérieur Rashad Al-Alimi. En cas de non respect du contrat, ils seront de nouveau incarcérés pour terminer leur peine -eux, ou le proche qui leur sert de garant.

Les autorités yéménites n’exigent pas que les signataires renient leurs convictions ou s’excusent pour les actes terroristes commis. "Pour les occidentaux, Ben Laden est un terroriste, mais pour nous c’est un saint", a déclaré Al-Bhari.


Le programme du Yémen est unique parmi les alliés des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme. Les autorités soutiennent qu’il s’agit d’une réponse pragmatique au problème d’Al-Qaïda au Yémen, pays d’origine de la famille Ben Laden où l’islamisme radical est répandu. La prison américaine de Guantanamo compte plus de Yéménites que n’importe quelle autre nationalité.

"Notre pays est l’un des premiers à avoir mis en place un comité pour dialoguer avec les membres d’Al-Qaïda", souligne Rashid Al-Alimi, précisant que l’organisme a pour but de modérer les positions radicales.

Pour Mohammed Ali Abulahoum, à la tête du département des relations extérieures du parti au pouvoir, cette méthode est "efficace la plupart du temps". "Nous avons deux options: soit nous tentons de les contenir, soit nous nous battons avec eux. L’affrontement est inefficace dans le long terme", juge-t-il.

Gregory Johnsen, analyste de la Jamestown Foundation, un centre de recherche américain, estime pour sa part que le programme est un échec, un simple "pacte de non-agression tacite avec les islamistes". Pour lui, le gouvernement n’a pas convaincu les militants de leurs torts mais leur a plutôt "fait comprendre qu’ils agissaient contre leur propre cause en se livrant à des actes violents à l’intérieur du Yémen".

C’est au Yémen qu’a eu lieu en 2000 l’attaque contre le navire de guerre USS Cole dans laquelle sont morts 17 marins américains. Ces dernières années, le pays a connu des regains de violence. Lundi, un kamikaze a tué sept touristes espagnols.

Le Yémen est un allié complexe des pays combattant le terrorisme. Le gouvernement du président Ali Abdullah Saleh estime coopérer avec les occidentaux, mais il a aussi été étroitement lié avec des islamistes radicaux dans le passé, parmi lesquels le cheikh Abd al-Majid al-Zindani, qualifié par les Etats-Unis de "terroriste d’ampleur internationale".

De nombreux groupes d’extrémistes viennent recruter des combattants au Yémen.

Ceux-ci reçoivent 1.300 dollars pour se rendre en Irak, selon le ministre de l’Intérieur Al-Alimi. "Selon nous, le plus gros problème du Yémen, c’est le chômage et la pauvreté", déclare-t-il. Le Yémen est l’un des pays les plus pauvres du monde.