27/03/08 (B440) LE MONDE / Affaire Borrel : deux dignitaires djiboutiens condamnés par contumace à des peines de prison ferme

Pour la première fois depuis le début de l’enquête sur la mort du juge français Bernard Borrel, il y a douze ans, deux hauts dignitaires djiboutiens, Djama Souleiman, procureur de Djibouti, et Hassan Saïd, chef des services secrets, ont été condamnés jeudi 27 mars par le tribunal correctionnel de Versailles à dix-huit mois et un an de prison ferme pour "subornation de témoin".

Les mandats d’arrêts internationaux délivrés à l’encontre des deux dignitaires ont été maintenus.

Car l’audience s’est tenue mi-mars en l’absence des deux prévenus et des deux témoins clés de l’affaire sur lesquels les premiers sont accusés d’avoir fait pression pour annuler ou discréditer leurs témoignages.

Condamné à dix-huit mois de prison ferme, le procureur général de Djibouti a été reconnu coupable d’avoir fait pression sur Mohammed Alhoumekani, ancien militaire djiboutien qui a mis en cause sur procès-verbal l’actuel président de Djibouti, Ismaël Omar Guelleh.

Condamné à un an de prison, le chef des services secrets djiboutiens est, lui, convaincu d’avoir fait pression sur un autre témoin, Ali Iftin, lié au premier.

Dans sa déposition, Mohammed Alhoumekani assurait avoir assisté, le soir de la mort du juge en 1995, à une conversation entre Ismaël Omar Guelleh et plusieurs autres hommes dans les locaux de la présidence, où il aurait été évoqué le meurtre du magistrat. C’est le seul élément à l’appui de la thèse du meurtre politique.

"CORPORATISME"

En condamnant les deux hommes à de la prison ferme, le tribunal, première juridiction française à examiner le fond de l’affaire, est allé beaucoup plus loin que les réquisitions du parquet qui n’avait demandé qu’un an de prison avec sursis, ce qui n’a pas manqué de faire vivement réagir leur avocat Me Francis Szpiner : "C’est un jugement marqué du sceau du corporatisme (…), j’espère que nous n’apprendrons pas un jour que les magistrats qui ont rendu ce jugement sont membres des syndicats de la magistrature, parties civiles dans l’affaire", a-t-il ajouté, précisant que "jamais ses clients ne se présenteront devant le tribunal". Il a indiqué son intention de faire appel.

"C’est une très belle victoire", a déclaré pour sa part l’avocat de Mme Borrel, Me Olivier Morice. "Il faut donc considérer aujourd’hui que le procureur général et le chef des services secrets de Djibouti sont considérés par la justice française comme des délinquants recherchés par des mandats d’arrêt (…). Mme Borrel est à la fois très satisfaite et peu surprise que des magistrats indépendants soient allés plus loin que les réquisitions. Les faits qui étaient reprochés étaient tellement graves qu’il convenait de prononcer des peines de prison ferme", a-t-il ajouté.