23/09/10 (B570) Le journal de la Flibuste – Piraterie maritime : état des lieux – CMA CGM, MSC et Maersk s’allient contre la piraterie (2 articles)

__________________ 2 – Affaires stratégiques (Source GRIP)

Piraterie maritime : état des lieux

La piraterie est toujours d’actualité. Depuis 2004, on compte de plus en plus d’actes de ce genre dans le Golfe d’Aden, au large des côtes du Yémen et de la Somalie. Certaines attaques ont été plus médiatisées que d’autres, comme celle du bateau français Le Ponant en avril 2008, mais il y en a des dizaines d’autres. Près de 217 ont été recensées en 2009. Une note d’analyse du GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité) fait le point sur la situation actuelle.

Longtemps cantonné à l’Asie du Sud-Est, le phénomène de la piraterie s’est développé au large de la Corne d’Afrique, particulièrement dans les eaux bordant la Somalie. Plusieurs raisons sont invoquées. La position géographique d’abord, puisque le Golfe d’Aden se trouve à la jonction entre mer Rouge et océan Indien, reliant l’Europe et l’Asie. Le trafic maritime y est très dense (45 navires par jour), puisque éviter ce détroit signifie effectuer un énorme détour par l’océan Atlantique. Pourtant, la zone n’est pas idéale pour la navigation. La complexité topographique implique pour les bateaux une allure réduite, ce qui augmente les risques d’attaque.

D’autre part, si les pirates viennent majoritairement de Somalie, c’est que le pays est en situation de guerre civile depuis des années. Ils sont souvent d’anciens combattants, qui se recyclent, attirés par les gains qu’ils peuvent obtenir relativement aisément. L’établissement de leurs bases-arrières est rendu possible par l’impuissance totale du gouvernement de transition à contrôler son territoire. Cette faiblesse de l’Etat s’exprime également dans l’impossibilité d’arrêter le pillage des eaux somaliennes, riches en poissons, par des multinationales étrangères. La réaction des pêcheurs, privés alors de leurs ressources, fut, au départ, de « taxer » illégalement les bateaux étrangers venus se servir dans la Zone économique exclusive (ZEE) somalienne. L’activité s’est rapidement transformée en piraterie pure et simple.

Ce phénomène a bien sûr des conséquences sur le commerce maritime : flambée des primes d’assurance, rançons, etc. La communauté internationale s’est donc attaquée au problème mais la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer comportait jusque-là un obstacle juridique : l’interdiction de poursuivre les pirates hors des eaux internationales. La chose est réglée puisqu’en 2008, un accord signé avec Mogadiscio permet d’appréhender les pirates dans la ZEE somalienne. La seconde étape est franchie quand l’autorisation est élargie au territoire somalien, pour faciliter les arrestations et le démantèlement des bases-arrières. Enfin, les pays voisins sont invités, eux aussi, à traduire les pirates en justice.

Concrètement, nous dit la note du GRIP, la sécurité des bateaux est désormais assurée par plusieurs forces internationales : celle de l’Union Européenne, de l’OTAN, du Big Four (Chine, Japon, Inde, Corée) ainsi que par des équipes iraniennes et russes. La priorité a d’abord été donnée à la protection des navires du Programme Alimentaire Mondial (PAM), porteurs de l’aide humanitaire pour la Somalie. Mais la zone est vaste et les équipes ont du mal à réduire le nombre d’attaques. A cela s’ajoute le problème des poursuites judiciaires souvent laborieuses et sans résultats. Cela mène parfois à des abus graves, comme des exécutions sans jugement de pirates capturés en pleine mer. Les Nations Unies travaillent à la question, et Ban Ki Moon a d’ailleurs récemment nommé Jack Lang conseiller spécial sur la piraterie pour qu’il trouve enfin une solution viable et efficace.

__________________ 1 – Mer et Marine

CMA CGM, MSC et Maersk s’allient contre la piraterie

Les trois leaders mondiaux du transport maritime conteneurisé ont décidé de coopérer dans la lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden et l’Océan Indien. Cette collaboration entre le Danois Maersk Line, le Suisse MSC et le Français CMA CGM, respectivement numéros 1, 2 et 3 mondiaux, comprend notamment l’échange d’informations sur les politiques, les mesures et procédures mises en place, les axes d’amélioration envisageables, et la volonté d’une coordination afin d’aborder la problématique avec toutes les parties prenantes. « Notre principale préoccupation reste la sécurité de nos équipages.

La piraterie est un problème récurrent pour l’industrie du transport maritime et si nous voulons l’aborder de manière efficace, nous devons, en tant qu’armateurs, coopérer », expliquent Maersk Line, MSC et CMA CGM. Une part importante des flottes de ces trois armements, qui alignent plus de 1000 porte-conteneurs, transite par le nord de l’océan Indien et le golfe d’Aden, où sévissent les pirates. Les eaux situées au large de la Somalie accueillent, en effet, l’une des principales routes maritimes mondiales, avec notamment les lignes entre l’Asie et l’Europe. Pour éviter autant que possible les détournements, les trois armements se sont se sont accordés sur l’importance des « Bonnes Pratiques Anti-Piraterie » pour assurer une navigation sûre dans la région.

Soutien au déploiement de forces navales

Par ailleurs, CMA CGM, MSC et Maersk Line « saluent et soutiennent » les efforts de la communauté internationale pour lutter contre le problème de la piraterie en matière de « présence navale dans le golfe d’Aden et de poursuite de cadres juridiques appropriés » pour s’assurer que les pirates soient poursuivis et tenus responsables de leurs crimes. Depuis deux ans, plusieurs forces navales, dont l’EU-NAVFOR, déployée dans le cadre de l’opération européenne Atalante, luttent contre la piraterie avec une certaine efficacité, sans toutefois venir à bout du phénomène.

« Les causes profondes de ce problème ne peuvent être réglées du jour au lendemain. Par conséquent, il est impératif que les forces navales soient fortement et dynamiquement mandatées pour s’adapter à la situation en évolution constante dans la région. Il est également vital que les actes de piraterie ne restent pas impunis, ce pourquoi des cadres juridiques appropriés pour poursuivre les pirates sont nécessaires », estiment les trois groupes maritimes. Ces derniers estiment aussi que la sécurité de la zone doit aussi passer par le renforcement des capacités régionales, comme l’instauration de garde-côtes par les pays riverains et d’éventuels couloirs de transit vers l’Afrique de l’Est.