05/11/2011 (B629) Un scoop grâce à WikiLeaks et aux analyses de Survie : la France aurait toujours des revendications territoriales sur l’lot de Doumeira. Non ce n’est pas une plaisanterie et cela pourrait expliquer certaines situations et prise de position, qui étaient difficiles à comprendre. ‘Extrait de Billet d’Afriquee, la publication mensuelle de l’Association Survie » (publié avec son aimable autorisation)

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La France a-t-elle des
prétentions territoriales en mer Rouge ?

C’est ce que révèle l’examen des câbles diplomatiques américains divulgués par Wikileaks.

La France n’aurait pas renoncé à sa revendication sur l’île de Doumeira dans le détroit de Bab el Manded !

De quoi expliquer, outre l’affaire Borrel, les tensions entre Paris et Omar Guelleh.

______________________________ Article

Djibouti
La France a-t-elle des prétentions
territoriales en mer Rouge ?

C’est ce que révèle l’examen
des câbles diplomatiques
américains divulgués
par Wikileaks.

La France
n’aurait pas renoncé à sa
revendication sur l’île de
Doumeira !

De quoi expliquer,
outre l’affaire Borrel, les
tensions entre Paris et Omar
Guelleh.

Selon l’accord de défense conclu
à son indépendance en 1977, les
militaires français ont l’obligation
de défendre l’intégrité territoriale de
Djibouti.
A lire les télégrammes de la diplomatie
américaine, il apparaît que les Français
sont très mal à l’aise avec cet aspect des
accords de défense avec les pays du pré
carré.

Ce serait en fait la principale raison
de leur révision – imminente dans le
cas de Djibouti, (le Somaliland français
comme disent les Américains), surtout
dans un contexte de conflit frontalier
avec l’Érythrée.

Ces nouveaux accords
imiteront-ils le programme de coopération
américain?

Celui-ci ne prévoit en effet
aucun engagement militaire en faveur du
pays hôte mais seulement une meilleure
surveillance des frontières.

Malgré les rencontres hebdomadaires
entre le commandant de la base française
et l’ambassade américaine à Djibouti
(04DJIBOUTI869, 04DJIBOUTI1212),
la cohabitation n’est pas toujours simple:
«la présence des Chinois, Libyens, Russes,
Français et autres nations, avec une longue
histoire d’opérations d’espionnage, est
un indicateur clair que la probabilité du
lancement d’une telle attaque est plus
grande que jamais» (04DJIBOUTI291).

Rappelons qu’en avril 2008, un incident
frontalier meurtrier éclate entre Djibouti
et l’Érythrée. Officiellement, les militaires
français se sont contentés d’un soutien
logistique avec près d’une centaine de
légionnaires contrairement à 1996 où ils
avaient fait le coup de feu, à la suite, déjà,
d’une incursion érythréenne en territoire
djiboutien.

L’Érythrée avait brandi une
carte italienne de 1935 incluant la région de
Ras Doumeira dans ses frontières. En effet,
l’accord «Laval-Mussolini», signé à Rome en janvier 1935 prévoyait de céder cette
région aux Italiens.

Bien que ratifié par
le parlement français, il a avorté puisque
jamais soumis aux parlementaires italiens.
L’accord reconnaissait la souveraineté
italienne sur la péninsule de Ras Doumeira
et sur l’île de Doumeira, dans le détroit de
Bab el Mandeb, c’est-à-dire l’entrée sud de
la mer Rouge.

En échange, l’Italie renonçait
secrètement à fortifier l’île ainsi qu’à ses
prétentions sur le chemin de fer Djibouti-
Addis Abeba.

L’Erythrée et Djibouti ont
donc hérité d’un conflit frontalier francoitalien
jamais tranché et ravivé par le fait
que l’approvisionnement de l’ennemi
éthiopien passe par le port de Djibouti.

Mais
le plus détonant tient en quelques lignes du
câble 08STATE62585 du Département
d’État américain:
«La France a un traité
de défense mutuelle avec Djibouti et est
préoccupée par l’agression érythréenne et
son obligation de défendre Djibouti qu’elle
pourrait déclencher selon ce traité. La
France prétend aussi ne pas avoir renoncé à
sa revendication sur l’île de Doumeira, une
revendication au mieux légalement ténue.
En raison de ces préoccupations, la France
tente de résoudre la situation discrètement,
sans l’implication du Conseil [de Sécurité
de l’ONU].»

Au grand dam des autorités
djiboutiennes, et malgré la persistance du
conflit territorial et l’entêtement érythréen
à refuser toute négociation, la France a
effectivement toujours traîné des pieds pour
s’engager sur le terrain tout comme dans les
projets de résolution onusienne.

La dernière résolution, adoptée en
décembre 2009, soutenue par l’Union
africaine et l’administration américaine
plus que par les Français, impose un
embargo et des sanctions à l’Erythrée.

Malgré son adoption, et peut-être informée
d’une revendication secrète de la France
sur l’île de Doumeira, le ministère des
Affaires étrangères djiboutien a distribué
en février 2010 une brochure intitulée
«La souveraineté de Djibouti sur le Ras
Doumeira et l’île de Doumeira»
.

Devant
les Américains, la diplomatie djiboutienne
s’en prend vertement à la France: «La
France a, depuis le début de la crise, joué un
rôle extrêmement négatif au détriment des
intérêts vitaux de la République de Djibouti
à Ras Doumeira et sur l’île de Doumeira.
[…] Cette attitude incompréhensible de
la France, allié historique et soutient prétendument indéfectible de la République
de Djibouti dans de telles circonstances, a
profondément déçu le gouvernement et le
peuple de Djibouti et risque d’affecter de
façon irrémédiable des intérêts commun
des deux pays»

(10DJIBOUTI203).
Le commentateur américain est plutôt
compréhensif de l’ire djiboutienne: «Cette publication révèle simplement
ce que les officiels djiboutiens disent en
privé quasiment depuis le début de la
dispute frontalière avec l’Erythrée: que
les militaires français se sont manifestés
seulement après que les combats se sont
arrêtés et que la diplomatie française a
retardé et affaibli à plusieurs reprises
l’action du Conseil de sécurité. Il est tout à
fait inhabituel que les Djiboutiens critiquent
si ouvertement les Français, mais ça reflète
la déception bien réelle du gouvernement
djiboutien sur le comportement de leur
allié historique le plus proche sur une
question de sécurité nationale centrale
pour Djibouti.»

Rafik Houra

_________________________ En pièces complémentaires


En moins d’une décennie, Djibouti
est devenu un véritable hub militaire
international.

A la présence française
héritée de l’époque coloniale, s’ajoute une
base américaine depuis 2003 et une base
japonaise inaugurée en juin.

Sans compter
les militaires européens de l’opération
Atalante et les sociétés militaires privées
qui luttent contre la piraterie.

Le loyer de la base militaire française
est de 30 millions d’euros (5 millions
d’euros d’équipement militaire et
25 millions d’euros «cash», (câble
05DJIBOUTI597), auxquels il faut ajouter
l’aide bilatérale.

Ainsi, pour améliorer
ses relations avec Djibouti – fortement
chahutées par l’affaire Borrel –, Paris
a accordé un programme d’aide de
76 millions d’euros sur la période 2006-
2010 (06DJIBOUTI338).

La France
est ainsi la principale source de revenus
de l’Etat djiboutien (08DJIBOUTI27).

Dans le même câble (06PARIS6177),
le M. Afrique de Chirac confirme que
l’homme de la France est un dictateur:
«Bonnecorse insistait sur la nécessité de
travailler avec le président