20/03/2012 (B648) Sergent Ariko : message de condoléances adressé au corps de la Gendarmerie et à la famille du défunt lieutenant Mohamed Awaleh Cheik.
N’oubliez pas de consulter la page du Sergent Ariko sur FaceBook (lien)
Je viens d’apprendre le décès, en Côte d’Ivoire du lieutenant de Gendarmerie Mohamed Awaleh Cheik.
C’était un brillant officier de Gendarmerie. Il avait commandé la brigade d’Ambouli. Dernièrement, le régime lui avait confié le commandement du Centre de la Gendarmerie qui regroupe les brigades des villes d’Arta, Douda, Damerjog et Ambouli.
C’est une zone où les contrebandiers s’organisent. A la nuit tombée, après avoir passé la frontière djibouto somalilandaise ils viennent écouler leurs marchandises à Djibouti. Le régime, qui voit des ennemis partout, a demandé à la Gendarmerie d’enquêter sur cette contrebande. Le sous-lieutenant Mohamed Awaleh et ses hommes de la brigade d’Ambouli et ceux d’Arta ont pu arrêter pas mal de contrebandiers … mais la moitié se réclamait du régime !!!
Chaque contrebandier travaille pour le compte d’un haut dignitaire du régime.
Le sous-officier Mohamed était déstabilisé, à chaque fois qu’il arrêtait des contrebandiers et que les barons du régime lui donnaient l’ordre de les relâcher sous peine de sanctions …
La contrebande a pris de l’envergure et cela nuit gravement aux finances du pays. Les soldats américains, qui s’entraînent la nuit, ont demandé à ce que l’état RPP fasse des progrès pour arrêter cette contrebande, qui perturbe leurs exercices de combat de nuit. Le régime a ouvert, en 2007, une brigade à Damerjog à la demande aussi de son ex-ami devenu son ennemi, Abou Yasser, d’origine saoudienne qui exporte le bétail du Somaliland vers les pays du golfe. La brigade de Damerjog, qui est la plus grande brigade, a été inaugurée par IOG en 2007.
Le sous lieutenant Mohamed Awaleh Cheik en a pris le commandement. Mais les premiers résultats obtenus ont fortement déplu à IOG et à Hassan Saïd, le chef de la sécurité.
Tous les contrebandiers, que les hommes du sous-lieutenant Mohamed Awaleh avaient arrêtés, travaillaient pour IOG depuis le Somaliland !!
Pour le punir (?), le régime lui colla une semaine d’arrêt à son domicile. Heureusement il a été secouru par le colonel Abdi Bogoreh Hassan, chef d’état major de la Gendarmerie. Le régime avait alors reculé et il avait annulé la sanction. Les officiers de la police du Somaliland, basés au poste frontière de Loyahada, ont alors adressé leurs félicitations au sous-lieutenant Mohamed Awaleh …
On imagine que cela n’a pas été du goût du régime qui a fini par se méfier de cet officier brillant qui fourrait son nez dans ses affaires. En 2009 le colonel Abdi Bogoreh l’a promu lieutenant, après qu’il ait pu déjouer une affaire d’Etat entre le Somaliland et Djibouti. Le régime accepta de lui accorder les galons mais il se méfiait de cet officier qui prenait sa tâche à cœur, de jour, comme de nuit.
Contrairement à la majorité de ses collègues, le lieutenant Mohamed Awaleh Cheik ne broutait pas et ne fumait pas : c’est l’un des rares officiers que j’ai connu dans toute ma carrière, qui évitait cela.
C’est lui qui avait arrêté, sans aucun concours ni de l’état RPP ni du SDS, le meurtrier du jeune docteur assassiné en 2004 sur la route de Venise par des agents de la sécurité yéménite recrutés pour la circonstance.
Ce jeune docteur qui était fraichement sorti de l’école de médecine du Mali avait découvert un vaste trafic d’organes à destination des pays européens. Médecin-chef de la ville d’Ali Sabieh, il avait alerté son ministre, Abdallah Abdillahi Miguil. Savait-il que le « gardien » (je veux dire le ministre Warabey Kalayieh) était les yeux et les oreilles du couple royale dans ce ministère.
Aussitôt, l’ordre de le liquider a été décidé en haut lieu. Le jeune docteur, qui était en compagnie de sa fiancée, sur la route de Venise, a été sauvagement abattu. L’enquête confiée à la police n’a rien donné.
Il a fallu l’intervention de ce commandant de brigade pour identifier, en un temps record, les coupables. Mais ils avaient déjà pris le large vers le Yémen.
A défaut, leurs complices djiboutiens, qui les avaient aidé, ont été tous arrêtés. Le régime le décora de la médaille d’honneur (commandeur de l’ordre national du 27 juin) avec une lettre de félicitations personnelle du dictateur.
Mais officieusement ce lieutenant devenait gênant pour ce régime mal élu, qui le supportait tant qu’il avait besoin de lui. Le commandant de brigade a contribué à ramener la fierté qui manquait dans la Gendarmerie.
Mais le problème se reposa quand il démantela une énorme affaire dans laquelle étaient impliqués des gros bonnets du régime. C’est alors que son protecteur, le colonel Abdi Bogoreh Hassan fut éliminé par le régime.
Meurtri par l’assassinat de son patron par le régime, le lieutenant Mohamed Awaleh avait perdu le moral. Il assistait impuissant au développement du banditisme qui franchissait sans encombre la frontière somalilando-djiboutienne.
C’est alors que le régime l’envoya en Côte d’Ivoire comme casque bleu en compagnie de l’adjudant Hassan Saïd Awa, patron du SRD, de l’adjudant Cheik Sharif ex-chauffeur du colonel Mahdi Cheik Moussa, de l’adjudant Mahamoud dit Hano de la brigade d’Enguela et plusieurs sous-officiers de la Gendarmerie, tous mal aimés du régime RPP.
Suite aux accrochages entre les jeunes et la multiplication des jets de pierres, le régime le rappela pour rétablir l’ordre. Dernièrement, en l’absence du commandant Hussein Nour Dalieh dit lagi, patron de la compagnie de Djibouti, le lieutenant Mohamed Awaleh Cheik fut nommé, a titre provisoire, commandant de la compagnie de Djibouti.
Il avait fait arrêter des jeunes qui avaient volé un butin.
La rue calmée, le régime le renvoya en Côte d’Ivoire. Il souffrait d’une maladie des yeux. Opéré, il ne s’est pas réveillé de l’anesthésie.
Djibouti perd ainsi un grand homme et un grand officier.
Au nom de la nation djiboutienne et de l’opposition en lutte contre l’injustice, que lui-même avait combattue, j’adresse à sa veuve, à sa famille, à ses proches et à tous ses collègues, ceux qui sont en Côte d’Ivoire et ceux qui sont à Djibouti, mes condoléances les plus attristées.
I
nalilah wa ina rajihoun.
A Allah nous appartenons et vers Allah nous retournerons.
Sergent Ariko
Ton camarade de promotion.
Londres