23/06/13 (Brève 145) Paris, Maison de l’Afrique, 22 juin 2013 – Intervention d’Aïnaché.
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Paris -Maison d’Afrique- 22 juin 2013. |
Quelle refondation démocratique en République de Djibouti ?
Et comment faire participer l’ensemble des forces politiques, associatives et de la diaspora au processus d’un dialogue inclusif ?
Le souci actuel de nous tous, opposants résidents à Djibouti et opposants de la diaspora consiste à sortir de l’impasse générée par la mise en place de la nouvelle assemblée suite à l’élection législative du 22 février dernier.
Après un rappel de la situation actuelle, je vais tenter d’analyser nos forces et nos faiblesses de repérer les menaces et les opportunités qui sont en présence et dont nous devons tenir compte pour servir notre pays et nos compatriotes, pour créer une nation dont nos enfants seront fiers.
Rappelons que, depuis 10 ans, l’opposition, scandalisée par les manuvres précédentes du pouvoir en place boycottait la participation à tout scrutin.
Rappelons que les nations démocratiques, Etats-Unis en tête, avaient insisté auprès de l’actuel gouvernement pour qu’il cesse ces pratiques et introduise, dans son code électoral, des règles du jeu plus démocratiques ;
Rappelons que, acculé par ces pressions accompagnées très certainement de menaces de diminution des aides accordées, le pouvoir en place avait introduit une dose de proportionnelle dont le calcul bafoue l’idée que tout un chacun se fait de la démocratie !
En clair, le vainqueur de ces élections obtenait 80 % des sièges et laissait, magnanime, 20 % aux représentants adverses.
Contre toute attente et manuvre du gouvernement, l’opposition a gagné les élections
Le pouvoir en place a imaginé un tour de passe-passe scandaleux pour inverser purement et simplement les résultats.
L’opposition a refusé bien sûr l’aumône de ces 10 sièges et a réuni une assemblée fantôme.
Dimanche dernier, le 16 juin 2013, le premier des Ministres a regretté que l’opposition ne se satisfasse pas de ces 20 % qui lui avaient été « octroyés ».
Admirez le choix du mot
.Octroyer
Le lendemain, un de leaders de l’opposition, une figure et non la moindre de l’USN, Aden Roble Awaleh a fait son entrée à l’Assemblée Nationale, chaleureusement applaudi par les députés présents à cette séance.
Bien sûr, il n’avait pas averti ses amis de l’opposition de ce revirement.
Bien sûr, il est donc le seul à s’être présenté et il doit être assis entouré par les 9 chaises vides de ses anciens compagnons.
Mesurons le chemin qui nous reste à faire pour arriver à la démocratie
Alors, que faire ? Quelles pistes pour parvenir à un changement concret ?
Nous avons des atouts, des outils, des opportunités :
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Nous avons constaté une très forte volonté de changement exprimée par la population fatiguée de la politique menée depuis 36 ans.
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Les élections ont constitué un signe menaçant pour le pouvoir qui ne pourra pas toujours juguler cette envie de liberté et d’égalité du peuple de Djibouti. Pour le moment, il se contente de multiplier les arrestations des responsables politiques et de leurs sympathisants.
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Cela ne suffira pas.
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Les pressions des nations démocratiques se feront plus fortes et Ismaël Omar Guelleh devra prouver son ouverture, sa capacité d’entendre la voix des djiboutiens et les revendications de l’opposition qui se structure tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
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Toutefois, il nous faut aussi être réaliste et admettre que la population de Djibouti est beaucoup moins anti-gouvernementale que l’on pourrait le croire de l’extérieur.
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Cela s’explique par la peur des citoyens à la cruelle répression de tout discours anti-gouvernemental et par la propagande.
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Notre peuple est aussi soumis à une propagande gouvernementale continue et ne bénéficie d’aucune autre source d’information.
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Profitons des moyens de communication offerts par internet via les réseaux sociaux, multiplions les actions d’informations par tous les moyens, les débats dans les différentes conférences, forums ou séminaires comme aujourd’hui à cette Maison d’Afrique où nous sommes accueillis chaleureusement.
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Autre atout : la pression exercée par les nations occidentales auprès de notre gouvernement pour qu’il modifie ses pratiques.
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Toutefois, ne nous leurrons pas et n’entretenons pas l’espoir béat d’une véritable intervention des pays amis.
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Je suis intimement convaincu, que nos « amis » préféreront toujours les solutions molles de médiation ou comme souvent, fermeront les yeux.
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Il nous appartient de les interpeller concernant le silence de leur diplomatie ou de leurs ressortissants sur place devant les pratiques du pouvoir djiboutien : corruption endémique et privation systématique des libertés.
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Nous nous sommes structurés et avons créé le 1er février 2012, la Coordination Nationale pour la Démocratie à Djibouti (CNDD).
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Nous avons voulu, autour de la CNDD rassembler toutes les forces politiques, associatives et syndicales, afin d’élaborer les conditions d’une alternance crédible.
Je rappelle les objectifs de la CNDD :
- L’instauration d’un État de droit et de démocratie.
- Le respect des libertés fondamentales
- La formation d’un gouvernement d’union nationale de transition chargé de mettre en uvre les résolutions de la charte de transition notamment les réformes politiques, de la citoyenneté et de la sécurité.
- La refonte des listes électorales.
Les membres de la CNDD ont signé lors de sa création au mois de février 2012, un appel condamnant la politique autoritaire du pouvoir.
Rien n’a changé. La répression s’intensifie.
La coordination des forces démocratiques reste indispensable si nous voulons sortir de l’État policier et arriver à un État démocratique.
Peu importe l’appellation : coordination, coalition, club, amicale ou fédération, l’essentiel est de faire vivre les idées d’union qui nous animent sans nous noyer dans des querelles sémantiques qui cachent en réalité des égos surdimensionnés.
Un peuple en attente de changement, une opposition qui se structure, des possibilités grâce à internet de communiquer en dehors des voies traditionnelles et surveillées
Si nous avons des opportunités, nous avons aussi des menaces pour entraver nos actions, freiner notre volonté de faire bouger le pays. Je ne parlerai pas de nouveau des pratiques en vigueur instaurées par le pouvoir en place depuis 36 ans, mais de réalités qui nous concernent et qu’il nous faut regarder en face :
Mes Amis, je vais me répéter, Je veux parler du tribalisme.
Il faut nous débarrasser de ce fléau pour parvenir à construire une nation digne, juste et libre, une nation de respect et d’égalité.
Les partis de la coalition gouvernementale comme ceux de l’opposition pratiquent au sein de chaque institution, lors de chaque nomination un savant dosage ethnique et tribal.
Ces pratiques font tellement partie de notre culture politique que nous ne les discernons pas toujours et que nous n’arrivons pas à nous en débarrasser.
Convenez avec moi que l’opposition qui s’élève vertueusement contre le tribalisme succombe souvent à la tentation de ce saupoudrage maléfique…
Cette attitude est malsaine, nous le savons, elle bloque notre capacité de discernement, elle prive notre pays d’élites qui seraient choisies pour leur compétence, leur intégrité et leur sens de la nation.
Pour ma part, fidèle à mes engagements, je me suis toujours tenu à l’écart de ce système et je l’ai ouvertement critiqué dans toutes mes interventions ou dans tous mes écrits.
Mes chroniques »LA VOIX AU CHAPITRE » disponibles sur le site de l’ARDHD (lien) sont là pour en témoigner. J’ai à cur de mener ce combat et je n’y renoncerais pas !
Que pouvons-nous faire de concret ? Avons-nous un levier qui pourrait induire des changements ? Constituons-nous une force suffisante ?
Oui, je le pense.
Je viens d’évoquer des faits, de mettre en avant des forces, d’alerter sur des faiblesses et maintenant ?
Et maintenant si nous rêvions
Et si nous évoquions la possibilité d’une ouverture ?
Et si le chef de l’État, à l’occasion de la fête nationale du 27 juin, appelait à la réconciliation nationale ?
Et s’il annonçait l’organisation d’une Commission Nationale où tous les partis politiques, les associations et des membres de la société civile seraient conviés ?
Ainsi nous pourrions travailler tous ensemble pour imaginer un pays plus libre, plus riche, où nos enfants s’épanouiraient dans le respect de notre culture, dans les valeurs de l’égalité, du travail et du partage.
AÏNACHÉ