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En France, dix femmes venues de Djibouti ont entamé vendredi 25 mars 2016 une grève de la faim. Elles dénoncent limpunité des viols perpétrés par les soldats de larmée djiboutienne et veulent sensibiliser l’Etat français.
Depuis ce vendredi (le 25 mars 2016), dix femmes venues de Djibouti ont décidé dentamer une grève de la faim pour dénoncer les viols que les soldats de larmée gouvernementale ont commis, sur elles-mêmes ou sur des femmes de leur famille.
« Je gardais mon troupeau de chèvre dans mon village. Des soldats de la force daction rapide, les FAR, sont arrivés à plusieurs. Quatre mont tenue et deux mont violée. Ma famille a déposé plainte. Moi, je ne pouvais pas. Pendant deux mois, je suis restée alitée, malade. Mais rien na abouti », raconte Fafi, en afar, sa langue natale.
Soutenues par lassociation Femmes solidaires, elles sont hébergées à Arcueil (Val-de-Marne), dans un local de lassociation. Installées sur des lits pliants, elles ont arrêté de se nourrir et brandissent, sur des feuilles de papier, le hashtag#stopvioldjibouti.
La France ferme les yeux
Elles veulent sensibiliser lopinion sur limpunité des viols dans leur pays et interpellent les Etats présents à Djibouti, dont la France fait partie, avec une de ses plus grandes bases militaires.
Aïcha Dabalé, membre de la direction nationale de Femmes solidaires et porte-parole du Comité des femmes djiboutiennes contre le viol et limpunité, reproche à la France, « pays des droits de lhomme, de fermer les yeux sur les agissements des soldats djiboutiens ».
Les Djiboutiennes réclament aussi louverture dune enquête internationale et cherchent à faire reconnaître ces viols comme des crimes de guerre.
« Ces viols ont lieu dans des zones de résistance », explique Aïcha Dabalé. Dans le Nord et le Sud-Ouest du pays, « ces femmes sont violées à cause de leur soi-disante sympathie pour les opposants. Par exemple, les viols peuvent survenir lorsquelles viennent à la gendarmerie demander des nouvelles de leur parent détenu. Mais elles sont aussi violées en allant chercher de leau dans les villages. Cette sympathie est un faux prétexte », poursuit la porte-parole.
Ces viols sont monnaie courante. Et les plaintes partent à la poubellei
Ces femmes ont choisi la France pour dénoncer les viols dont les Djiboutiennes sont victimes, car elles ne peuvent le faire dans leur pays, où le pouvoir djiboutien soutient ses propres soldats. D’autres Djiboutiennes, à Namur (Wallonie) et à Anvers (Flandre) en Belgique, ont entamé le même mouvement de protestation.
« Ces viols sont monnaie courante. Et les plaintes partent à la poubelle », explique Aïcha Dabalé. A ce jour, le Comité des femmes djiboutiennes contre le viol et limpunité a reçu 246 témoignages de viols, pour seulement une vingtaine de plaintes enregistrées par lEtat djiboutien.
La porte-parole du comité raconte aussi que les médecins ne veulent pas reconnaître les viols : « tout au plus, ils acceptent de faire état de coups et blessures, pour ne pas risquer de voir leur cabinet fermé par le gouvernement ». Selon ses dires, des médecins militaires français qui avaient accepté de constater des cas de viols « ont dû revenir sur leurs déclarations, à la demande de la France, après les pressions du gouvernement djiboutien ».
Les femmes violées nont aucun recours, ni juridique ni médical. Et leurs familles nont pas les moyens financiers de les soigner. Certaines, désespérées, vont jusquà se laisser mourir.
Fatou, une vingtaine dannées, sest jointe à la grève de la faim, au nom de sa cousine de 16 ans, qui, après avoir été violée par des soldats, sest laissée dépérir, déprimée, isolée et non soignée.
La jeune Fatouma, mal-entendante, violée elle aussi, montre avec des gestes ce quelle réclame : que les soldats soient emprisonnés. Son père a déposé une plainte, classée sans suite. Il a alors poussé sa fille à faire le voyage jusquen France pour témoigner de ces viols, couverts par le pouvoir djiboutien en place.
Ces femmes réussissent à quitter leur pays grâce au soutien du Comité des femmes djiboutiennes contre le viol et limpunité, dont les membres agissent clandestinement à Djibouti. Dabord cachées dans les pays limitrophes, pendant parfois jusquà deux à trois années, elles attendent des visas. Pour Aïcha Dabalé, il est très important de « faire venir les Djiboutiennes qui se sont faites violer, pour que leurs témoignages soient enfin entendus ». Mais elle ajoute quobtenir lasile en France est très compliqué, « à cause des intérêts que le pays a à Djibouti ». Ces femmes sont donc passées, pour la plupart, par la Belgique.
Leur voyage est financé par les Djiboutiennes qui habitent en Europe. Elles envoient aux femmes membres du Comité, présentes à Djibouti, largent que rapportent les soirées, conférences et repas de soutien quelles organisent sur le Vieux Continent.<
Louverture dune enquête internationale savère difficile : « lenquête ne peut être ouverte quune fois tous les recours juridiques effectués dans le pays dorigine. Les plaintes étant classées sans suite, les démarches sont donc impossibles », explique Sabine Salmon, présidente de Femmes solidaires. Deux avocates internationales sont attendues par lassociation pour apporter leur aide au mouvement.
A quelques jours des élections présidentielles à Djibouti, qui doivent se dérouler le 8 avril 2016, les femmes espèrent que leur action sera remarquée.
Des élues dextrême gauche ont répondu présentes. Mardi 29 mars 2016, la sénatrice du Val-de-Marne Laurence Cohen (Groupe communiste) et la députée européenne Marie-Christine Vergiat (Front de gauche) sont venues soutenir les Djiboutiennes en grève de la faim. Le lendemain, c’était au tour de la députée communiste de Seine-Saint-Denis, Marie-George Buffet, des maires de Gentilly et d’Arcueil (départements et villes de la banlieue parisienne) d’apporter leur aide au mouvement. Marie-George Buffet et Patricia Tordjman ont promis de sensibiliser au sujet Laurence Rossignol, ministre de la Famille, de l’enfance et des droit des femmes.
Femmes solidaires a interpellé lEtat français dont, à ce jour, elle attend la réponse.