24/05/07 (B396) AFP / Amnesty : les droits de l’Homme bradés au nom de la lutte contre le terrorisme (Info lectrice)

Par
Pierre LESOURD

LONDRES (AFP) – Les droits de l’homme sont bradés au nom de
la sécurité et de la lutte contre le terrorisme, dénonce
Amnesty International dans son rapport 2007 qui met aussi en exergue la "blessure
ouverte" du Darfour et la dérive autoritaire en Russie.

"Comme du temps de la guerre froide, les décisions prises s’inscrivent
dans un climat de peur suscité et entretenu par des dirigeants sans
principes", écrit Irene Khan, secrétaire générale
d’Amesty International.

Ce rapport annuel de quelque 300 pages publié mercredi évoque
"une mondialisation des violations des droits de l’Homme". Il veut
démontrer cette exploitation de la peur – une stratégie qui
"sape l’Etat de droit, augmente les inégalités, entretient
le racisme et la xénophobie et (…) sème les germes de nouvelles
violences et de futurs conflits".

Les Etats-Unis sont les premiers à être montrés du doigt
(la "guerre contre le terrorisme", le camp de Guantanamo, les bavures
de la guerre en Irak), mais une liste de plus en plus longue d’Etats sont
accusés de pratiquer une politique de la peur à des fins politiques
et pour faire adopter des législations plus restrictives, dans certains
cas expéditives.

"Des stratégies anti-terroristes mal pensées se sont révélées
peu efficaces en matière de réduction des menaces ou de justice
aux victimes", souligne le rapport.
L’impératif de la sécurité nationale est souvent aussi
prétexte pour réprimer la dissidence, note Amnesty qui cite
des exemples au Proche-Orient, en Afrique du Nord et en Russie où "la
dérive autoritaire s’est révélée désastreuse
pour les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme".

Moscou est également dénoncé pour "les crimes haineux
visant les étrangers et les minorités (..) qui s’inscrivent
dans la droite ligne de la propagande nationaliste des autorités".

"Partout dans le monde, de l’Iran au Zimbabwe, de nombreuses voix qui
ont voulu se faire entendre sur les droits de l’Homme ont été
contraintes de se taire en 2006, relève le rapport. La Chine est un
exemple omniprésent. Et une "répression à l’ancienne"
a refait surface en Egypte.

Amnesty International, dans "ce monde de plus en plus divisé et
dangereux" retient en particulier la situation au Darfour, "une
blessure ouverte qui ensanglante la conscience du monde". L’organisation
relève que "le Conseil de sécurité (de l’Onu) est
entravé par la méfiance et par le double langage de ses membres
les plus puissants" et juge que "le Soudan a pris le dessus sur
les Nations unies".

De façon générale, "le fossé entre musulmans
et non-musulmans s’est accentué (…) et, dans toutes les régions
les manifestations d’islamophobie, d’antisémitisme et d’intolérance
ainsi que les attaques contre les minorités religieuses ont augmenté",
note le rapport avec force détails.

Amnesty International relève que la liberté d’expression a été
étouffée de manières diverses et qu’Internet est le nouveau
front de la lutte en faveur des droits de l’Homme, de nombreux Etats s’évertuant
à en contrôler l’utilisation pour réduire au silence les
voix d’opposition.

Ce rapport 2007 est aussi l’occasion d’un sombre bilan sur le sort réservé
aux femmes de par le monde, "victimes d’un terrorisme sexuel". D’où
cet appel: "l’Etat a le devoir de préserver la liberté
de choix des femmes, et non de la restreindre". Amnesty s’appuie ainsi
sur un sujet des plus controversés, le voile des musulmanes, "un
symbole visible d’opression pour les uns, un attribut essentiel de la liberté
religieuse pour les autres".

La Turquie et la France sont dans ce contexte critiquées pour en avoir
restreint l’usage par la loi. "Il est déraisonnable de prétendre
qu’un vêtement représente un obstacle majeur à l’harmonie
sociale", argumente Mme Khan.