22/05/2012 (B567) Courrier des lecteurs (Article modifié le 23/05)

Bonjour,

Je ne peux rester indifférent à la réaction franche et directe de Monsieur Jean-Loup Schaal sur l’attitude adoptée par l’opposition djiboutienne depuis 35 ans. Je suis heureux que vous preniez la plume pour dénoncer cet état de fait que le commun des mortels n’arrive pas à comprendre. Je suis un peu gêné que ce soit vous qui décidiez de jeter le pavé dans la marre alors que cette tâche ingrate reviendrait naturellement à l’opposition djiboutienne. Ceci étant dit, leur mutisme ne m’étonne plus.



Même votre réaction ne semble guère susciter un quelconque sursaut d’orgueil de la part des dirigeants des partis d’opposition. Ce qui montre bien leur totale incapacité de faire une auto-critique et se placer sérieusement en position d’alternative au dictateur.



Pourquoi l’opposition n’arrive-t-elle pas à parler d’une seule voix ? Cette question, on l’a posée à certains partis politiques. Seule l’Ard, ancien allié de l’UAD, avait pris l’initiative de rebattre les cartes politiques sur table de façon ouverte, franche et démocratique. Résultat : aucun parti traditionnel de l’opposition, à part Uguta-Toosa et quelques mouvements démocrates indépendants (PRIDE, personnalités issues de la société civile), n’a répondu à cet appel à constitution d’un nouveau cadre unitaire d’action politique ouvert à toutes les organisations démocratiques du pays.



Ces partis, pour la majorité d’entre eux, sont réfractaires à la critique. Cela s’explique pour, d’une part; au leadership fortement marqué par l’intuitu personæ du chef du parti, où ce dernier est confondu avec l’appareil du parti géré comme un patrimoine personnel. Les militants, pas tous, adhèrent aux partis non pas en fonction de leurs convictions politiques, mais en fonction des considérations tribales ou ethniques. Les partis politiques d’opposition ou du régime sont étiquetés. Dans le subconscient djiboutien, qu’il soit intellectuel ou citoyen lambda, seule l’origine ethnique ou tribale du chef emporte son adhésion au parti. En général, les partis politiques n’arrivent pas à transcender les clivages politiques et tribaux. C’est un fait !



D’autre part, il n’y a à ce jour aucun responsable politique issu des partis d’opposition qui fait la passerelle entre les différentes communautés du pays. Ce trait d’union d’ordre linguistique et culturel fait défaut à beaucoup des dirigeants politiques. La communauté afare opposée à ce régime dans son ensemble ne se reconnait pas en la personne de DAF, IGH, Aden Robleh, pas plus qu’elle ne se reconnait d’ailleurs en la personne de IOG, parce qu’ils ne parlent pas la langue afare, ne connaissent rien de leurs difficultés quotidiennes, de leur culture et de leur région. L’inverse est aussi vrai : le communauté somalie ou arabe ne s’identifie pas dans les partis d’opposition qui ont à leurs têtes des dirigeants issus de la communauté afare. Cette défiance communautaire fait le lit de la dictature et ceci explique pourquoi ce système mafieux fondé sur le tribalisme perdure depuis 35 ans.



L’Ard est le seul parti d’opposition qui transcende aujourd’hui les considérations ethniques de part son histoire et sa composition. Histoire parce qu’elle hérite des actions entreprises du seul homme politique national dans lequel la majorité des djiboutiens se reconnaissent, Ahmed Dini (GG). Composition parce qu’elle est constituée des cadres issus de toutes les communautés djiboutiennes. Cependant, pour conforter davantage son assise et sa légitimité sur le plan national, elle doit faire montre plus d’ouverture en portant par exemple à sa tête un membre issu de la communauté somalie ou arabe. Une telle attitude donnera au parti un gage de crédibilité et de respectabilité aux yeux de tous les djiboutiens, sans distinction d’origine tribale ou ethnique.



Comment adhérer à des partis politiques incapables de se ranger derrière 1 homme ou 1 femme, 1 programme, 1 voix, 1 peuple ? Comment adhérer à des partis politiques qui n’arrivent même pas à transcender leurs clivages tribaux et régionaux ?



Le jour où on aura résolu cette équation, la solution pour évincer la dictature hors du paysage politique viendra d’elle-même. Les Djiboutiens, moi y compris, adhéreront en masse, et aux idées et aux partis d’opposition démocratiques, le jour où ils mettront de côté leurs vieilles querelles de leadership au profit de l’intérêt général et parleront d’une seule voix contre la dictature (réf. anniversaire du 18 février 2012 où chaque parti d’opposition avait manifesté chacun de son côté au lieu de marcher ensemble).



Merci à Monsieur Jean-Loup Schaal pour sa ténacité, ses convictions politiques au service de la démocratie à Djibouti, pour sa foi en une justice universelle sans frontière, sans distinction de couleur de peau. Merci à lui pour le combat désintéressé qu’il mène aux côtés des démocrates djiboutiens pour l’avènement de la démocratie, la vraie, à Djibouti.



Hommage à Monsieur Jean-Paul Noël Abdi pour avoir été dix longues années le porte-parole des sans-voix, des pauvres, des opprimés de Balbala, d’Arhiba, d’Ali-Sabieh, de Dikhil, de Tadjourah, d’Arta, d’Obock, de Yoboki, bref de tous les Djiboutiens. Son combat ne sera pas vain. Son esprit reste avec nous, intact, plus que déterminé à renverser cette dictature, à l’effacer de notre histoire parce qu’elle n’aurait pas eu lieu d’être. Nous ne t’oublions pas !

Qunxa Daabalo