10/11/1999 – Débat à l »Assemblée Nationale Française autour de l’Amendement Montebourg 117, visant à restreindre les crédits de coopération pour Djibouti.

Extraits du débat parlementaire à l’Assemblée nationale concernant le vote des Crédits de la Coopération pour Djibouti

Amendement 117 défendu par Arnaud Montebourg, pour restreindre l’attribution d’aide au régime djiboutien tant qu’il ne respectera pas les Droits de l’Homme. Comme vous le lirez, la majorité des députés se sont accordés pour dénoncer la conduite honteuse du régime djiboutien envers le peuple, les prisonniers et les libertés individuelles.

M. Arnaud Montebourg – L’évolution du budget est louable. Notre amendement 117 vise à restreindre les crédits dans un domaine particulier, la politique de coopération avec la République de Djibouti, qui n’a pas évolué de façon significative depuis mai 1997.

Mme Yvette Roudy – C’est vrai !

M. Arnaud Montebourg – Cette continuité mérite un contrôle parlementaire plus approfondi. Nous l’avons fait dans le cadre du débat budgétaire, dans celui d’un groupe d’amitié France-Djibouti, en écrivant au ministre concerné. Cette année la générosité de la France à l’égard de ce régime –j’ai scrupule à employer le beau mot de République– est de plus en plus contestée, notamment par ses victimes. Nous avons une responsabilité particulière à l’égard de nos anciens ressortissants du Territoire des Afars et des Issas. Or, les opposants sont en exil ou en prison, les militants syndicaux sont arrêtés ou victimes de harcèlement judiciaire, les avocats se font couper la langue -je parle quand même au figuré–, les journalistes sont incarcérés. Voilà le quotidien djiboutien. Mais les intérêts français sont aussi malmenés. Mme Roudy est intervenue à plusieurs reprises sans obtenir de réponses satisfaisantes au sujet de l’assassinat d’un magistrat. Des journalistes français, qui se sont rendus sur place il y a quinze jours pour enquêter sur les conditions dans lesquelles l’argent des contribuables français était dépensé, ont vu leur matériel saisi et se sont faits expulser manu militari. Je ne parle pas des avocats empêchés de plaider au nom d’une convention d’entraide judiciaire que les autorités djiboutiennes semblent avoir dénoncée sans consultation préalable. Je note avec M. le rapporteur Adevah-Poeuf que Djibouti reçoit 449 F par habitant alors que le Mali et le Bénin se contentent respectivement de 26 et 37 F.

J’ai bien compris l’inconfort dans lequel se trouve le Gouvernement, que nous soutenons, car il semble que certaines exigences se situent au-dessus de sa tête. La politique du Gouvernement est bonne mais elle est contrariée par la coutume selon laquelle le chef du Gouvernement n’est pas le chef de la diplomatie. A cet égard il n’est pas possible pour le Parlement de discuter avec un Président de la République qui aurait des exigences sur notre diplomatie puisqu’il n’est pas responsable devant lui. Notre amendement s’adresse donc en priorité à ceux qui soutiennent au-delà de l’acceptable la République de Djibouti. Nous avons fixé la restriction de crédits à 95 millions, cette somme peut paraître considérable mais elle représente les montants attribués par les contribuables français aux ressortissants de Djibouti sur les deux exercices 1998-1999

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur – Après le moment d’animation que nous devons à M. Myard, nous entrons dans un débat sérieux. La commission des finances n’ayant pas examiné cet amendement, je m’exprimerai à titre personnel.

A quelques nuances près, je partage l’exposé des motifs de M. Montebourg. Je ne serai pas de ceux qui élèvent la voix pour prétendre que la République de Djibouti est un régime exemplaire en matière de démocratie et de droits de l’homme, je pense le contraire. Cependant, Monsieur Montebourg, si nous avons à Djibouti une base navale, cela ne résulte pas de divergences entre l’exécutif gouvernemental et la présidence de la République, mais d’un traité approuvé par le Parlement.

Je suis en désaccord sur les modalités. Vous êtes un grand avocat et un parlementaire plus astucieux que M. Myard (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) …mais permettez-moi d’appeler votre attention sur la technique budgétaire. En vertu de la globalité, si l’Assemblée décidait d’annuler 95 millions au chapitre 41-43, le Gouvernement pourrait maintenir l’aide à Djibouti en diminuant d’autant les crédits attribués à d’autres pays. Mais je puis vous assurer de la vigilance dont je ferai montre au conseil de surveillance de l’agence s’agissant du pays sur lequel vous avez une raison d’appeler l’attention.

Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie – Vous proposez une réduction de 95 millions en invoquant l’atteinte aux libertés publiques dont seraient responsables les autorités djiboutiennes.

95 millions, d’ailleurs, c’est trop peu, nous faisons davantage.

Mme Yvette Roudy – C’est donc encore pire !

M. le Ministre délégué – L’aide atteint environ 150 millions. Encore ne faut-il pas y ajouter, comme certains journalistes l’ont fait, le milliard correspondant au fonctionnement de la base qui compte près de 3 000 militaires. S’agissant du contrôle des fonds d’aide au développement, les crédits sont soumis au contrôle de la Cour des comptes. Quant aux crédits relatifs à la présence militaire de la France à Djibouti, je réaffirme que nous connaissons avec précision la destination des 65 millions afférents : ils sont affectés à des marchés publics d’infrastructures qui ont été pour partie confiés à des entreprises françaises. Ces chiffres que vous avez rappelés –340 francs par habitant– correspondent à la moyenne de 1995 à 1997. En ce qui nous concerne, nous sommes en train de redéfinir notre relation avec cette république. Mais je vous rappelle que le ratio par habitant est mécaniquement supérieur lorsque le territoire considéré a une population relativement faible. C’est ainsi que Djibouti peut faire figure de privilégiée.

Sur la question centrale des libertés publiques, nous n’avons pas cessé d’en parler avec les autorités de Djibouti, notamment lors de la visite à Paris il y a quelques semaines du nouveau président. Notre intervention a d’ailleurs permis certains progrès, comme l’appel fait par les autorités djiboutiennes à la mission internationale de l’observatoire des prisons, pour mettre fin à la grève de la faim qui s’était déclenchée à la prison de Gabod, et qui était soutenue sur notre territoire par des ressortissants djiboutiens auxquels j’avais rendu visite.

S’agissant des projets de coopération, qu’il s’agisse d’éducation ou de santé, ils profitent d’abord aux populations. Mais nous conditionnons les crédits au progrès du respect des droits fondamentaux.

Vous avez soulevé la question de la restitution des cassettes de France 2 : notre ambassade a déjà fait des démarches et nous en reparlerons à l’occasion de la commission mixte qui se tiendra prochainement à Paris.

J’ai compris, Monsieur le député, que vous déposiez cet amendement essentiellement pour que cet échange ait lieu…

M. Arnaud Montebourg – Non !

M. le Ministre délégué – …et je voulais vous convaincre de le retirer. Je suis prêt à rediscuter de l’affaire Borrel. Elle remonte à 1995, elle fait l’objet d’une instruction devant le tribunal de grande instance de Paris. Il y a déjà eu transport de magistrats, j’ai reçu la famille et j’espère que l’action de la justice aboutira.

M. Arnaud Montebourg – Je maintiens mon amendement.

M. Pierre Lequiller – Nous ne le voterons pas, mais nous partageons le point de vue de son auteur. La conditionnalité dont on parle tant doit être suivie d’effet, même si, en l’occurrence, supprimer les crédits ne nous paraît pas la bonne solution. M. Montebourg demande à juste raison au Gouvernement de se montrer plus ferme pour défendre les droits de l’homme dans un pays où ils sont fortement bafoués.

L’amendement 117, mis aux voix, n’est pas adopté.

Les crédits du titre IV de l’état B, mis aux voix, sont adoptés.