28/02/2000 – PROJET DE JOURNÉES D’ÉTUDE ET DE RÉFLEXION SUR L’INTÉGRATION AFRICAINE (par AREF MOHAMED AREF)

L’ensemble du continent africain traverse une période difficile dans son histoire et, peut-être, la plus délicate. En effet, à la suite de la déclaration de faillite du communisme en ex-URSS, le vent de liberté et de démocratie qui a soufflé sur les pays de l’Europe Orientale a aussi atteint l’Afrique.

Mais dans la plupart des états, les problèmes demeurent et tournent tous principalement autour de trois maux dont souffrent terriblement les Africains :

– le Nationalisme à base tribale, ethnique ou clanique ;

– l’absence totale de démocratie véritable ;

– le sous-développement économique.

Le tout vecteur d’une corruption effrénée et dévastatrice.

Sans entrer dans les détails, pour rechercher des solutions éventuelles, deux cadres sont généralement envisagés par les uns ou les autres mais une troisième approche semble plus appropriée et en tout cas mérite une sérieuse et profonde réflexion d’autant que les institutions de ce type doivent être pensées pour régir plusieurs générations et non répondre à des besoins conjoncturels.

1°/ La première voie est celle qui consiste à dire que puisque le mal le plus profond dont souffre l’Afrique est le nationalisme résultant du découpage colonial, il suffirait de refaire un tracé des frontières épousant l’occupation ethnique ou tribale des populations concernées, on ferait ainsi disparaître les rivalités tribales dans chaque pays ainsi créé.

Aussi séduisante qu’elle puisse paraître, cette solution ne paraît plus réalisable aujourd’hui car elle sera sans aucun doute, un peu à l’image de ce qui se passe en Yougoslavie, source de conflits après et sans fin, même entre deux ensembles ayant instauré respectivement un régime parfaitement démocratique.

2°/ La seconde position qui est apparemment la plus répandue consiste à dire que tout en gardant telles quelles les frontières héritées de la colonisation, il suffit d’introduire la démocratie dans les pays Africains.

Moins courte que la première, cette vue ne paraît pas plus réaliste car elle ne prend pas en compte et en profondeur les autres maux dont souffre la plupart des états du continent :

– Dans la plupart des pays, aucun système réellement efficace pour surmonter les sentiments tribaux, voire claniques si solidement ancrés par le découpage colonial puis les dictatures n’est possible raisonnablement ;

– sur le plan économique, l’échelle de chaque état est, en règle générale, trop réduite pour envisager un développement réel approprié et de type moderne et efficace pour faire face à la concurrence des autres grands ensembles du Monde et notamment U.S.A., C.E.E., et ASIE.

Bien au contraire et malheureusement, cette hypothèse risque à la fois de voir ressurgir les réflexes nationalistes à base ethnique ou tribale et de n’apporter aucune solution économique et, en définitive, de permettre à plus ou moins court terme la résurgence et par la suite, la pérennité de la situation actuelle qui fait injustement apparaître l’Africain comme un éternel assisté.

3°/ Une troisième approche consiste à s’interroger sur le fait de savoir si le temps n’est pas venu d’envisager la création d’une ou plusieurs fédérations Africaines regroupant sous une même bannière tous les états d’Afrique ou plusieurs d’entre eux au fur et à mesure qu’ils instaurent un état de droit démocratique à partir des frontières existant actuellement.

Tout en permettant les particularismes locaux dans divers domaines, une telle vue présente plusieurs avantages à des niveaux multiples et notamment :

– de substituer une nation Africaine aux nationalismes à base tribale ou ethnique ;

– de faire disparaître (au pire à terme) les conflits territoriaux ethniques dans la mesure où chaque Africain sera chez lui dans n’importe quel état de la fédération envisagée ;

– d’assurer, grâce à une Cour Suprême Fédérale un contrôle détribalisé des décisions judiciaires locales et faire ainsi prévaloir la primauté du droit ;

– d’arriver à un résultat similaire en matière législative et gouvernementale grâce à des institutions fédérales ;

– grâce aussi à la création de grandes voies de communication indispensables, de lever toutes les barrières économiques et facilités d’échanges interafricains, ce qui permettra la création d’un vaste et libre marché Africain, seul susceptible d’engendrer de grosses entreprises Africaines enfin capables d’affronter la concurrence de celle des états développés et de susciter un développement endogène ;

– de stimuler un marché du travail Africain par la possibilité pour un employeur de puiser légalement et sans contraintes dans une main d’œuvre qualifiée aussi nombreuse que diversifiée ;

– de réduire, voire supprimer de façon significative l’arsenal militaire impressionnant accumulé par les états Africains et d’utiliser les économies budgétaires qui en résulteront à des fins pacifiques et à l’insertion dans le développement économique et social des états concernés des soldats ainsi dégagés ;

– de restaurer la paix sur le continent qui y aspire ;

– de rationaliser enfin l’aide économique internationale et de l’appliquer à grande échelle à sa réelle destination ;

– de diminuer considérablement les dépenses de prestige qui pourront être mieux utilisées ;

– de faire accéder ce vieux continent au rang de puissance moderne ;

ETC…

Il n’est pas inutile d’ajouter qu’au fond de lui-même, chaque Africain ressent le sentiment profond d’appartenir à une communauté à l’échelle continentale.

Le continent Africain tout entier est actuellement totalement absent de l’élaboration des nouvelles stratégies politiques, industrielles et commerciales mondiales. S’ils ne réagissent pas très rapidement, les Africains seront très vite irrémédiablement sur la touche et deviendront à jamais les éternels assistés du Globe.

Il est bien évident qu’un tel projet ne peut-être mené que par les Africains eux-mêmes et appelle de leur part un engagement sans faille et déterminé.

Mais la réflexion qui le précède ainsi que sa réalisation ne peuvent être conduites à terme qu’avec le soutien absolument indispensable de tous ceux qui ont le souci sincère et désintéressé de sauver tout un continent d’une catastrophe apparemment inéluctable. Pourront aussi s’y joindre tous ceux qui se souviennent de l’engagement généreux et désintéressé de tous les Africains aux côtés des puissances alliés et notamment de la France en particulier lors de deux conflits mondiaux.

Une réflexion sur l’intégration Africaine si elle peut être encouragée et soutenue devra regrouper durant au moins une semaine des juristes et des économistes du continent Africain avec l’aide indispensable de toutes les bonnes volontés. Il en sortirait un document susceptible de servir de base à un vaste débat politique à l’échelle du continent Africain voire des Nations Unies.

Aref Mohamed Aref
Djibouti