20/04/02 La tragédie du jeudi 18/04/02 suscite de nombreux courriers de lecteur.

Mes
condoléances aux familles des victimes

Mes
condoléances aux familles des victimes

Devant les dérives institutionnelles que connaît
le pays et qui engendrent des victimes innocentes qui s’ajoutent
à la longue et triste liste qu’avait engendrée la
guerre du FRUD, de nouveaux martyrs tombent sous le regard et
avec la bénédiction provocante d’un système
à tendance monarchique, tentant de s’imposer en adoptant
des pratiques révolues et en déconnexion totale
et volontaire avec les réalités du terrain.

L’échec
de cette politique de façade, atteinte d’une myopie préméditée,
dont l’acuité visuelle ne semble pas s’améliorer
et niant tout besoin et tout conflit internes et mobilisant des
moyens faramineux pour des discussions de conflits externes (Somalie),
visant à s’accorder une incertaine crédibilité
externe face à un certain échec interne, est prévisible
et sûr.

La pièce
sans fin continue. Les acteurs de la mort préméditée
de Djibouti, ainsi que tout membre des institutions et tout pays,
ayant de près ou de loin soutenu l’établissement
de ce système souffrant de mégalomanie et portant
les germes de l’échec permanent et de la destruction, doit
assumer sa totale responsabilité historique, juridique
et politique dans le chaos, l’inertie, le blocage et le désastre
qui secouent le pays, résultat d’un habituel et inimitable
échec dont ils sont porteurs de germes.

Cependant,
le choix d’un système, vestige misérable, vieillissant
et désastreux d’un passé difficilement assumé
et consumé avec son lot de victimes, de restriction des
libertés, de dilapidation de biens publics et de biens
de la nation, de gaspillage pour faire semblant de vouloir reconstruire
un pays à forte majorité de jeunes n’est pas gratuit.

Devant les
appels légitimes de détresse et de désarroi
des populations et d’une jeunesse délaissées, sacrifiées
et ignorées durant des années, le système
mégalomane s’affole, se précipite en sortant d’un
long silence suspect pour recourir à son héritage
du passé : la provocation, la désinformation et
la répression volontaires, expédiant rapidement
des convois militaires pour contraindre des populations désarmées
réclamant des droits légitimes, à mourir
en silence.

Mes condoléances
vont aux victimes de la bêtise et de l’arrogance d’un système
inerte, irresponsable, en manque d’idées, de perspectives
et d’objectifs. Un système qui se cherche dans son passé.
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Ma
reconnaissance au mouvement des démobilisés et de
la jeunesse djiboutienne

Je tiens à
m’incliner avec émotion et respect devant les nombreuses
victimes de cette tragédie qu’ils soient décédés
ou simplement blessés. Je tiens à exprimer à
leurs familles et à tous leurs proches mes condoléances
les plus attristées et ma sympathie la plus profonde.

Qu’ils sachent
bien que l’esprit de sacrifice de toutes les victimes restera
gravé dans les mémoires, que leurs noms ne seront
jamais oubliés et que l’histoire les honorera pour l’éternité.

Je tiens à
dire mon admiration à la population dans son ensemble et
plus particulièrement à la jeunesse pour le courage
et la détermination dont elle a fait preuve, mais aussi
pour avoir su, confrontée à un vide politique fortement
et amèrement ressenti, se structurer avec une extraordinaire
rapidité et organiser dans l’union des manifestations d’une
ampleur impressionnante.

Je tiens à
leur dire ma reconnaissance pour avoir su éviter les pièges
et les manœuvres directes ou indirectes du pouvoir visant
à diviser les djiboutiens, et pour avoir fermement inscrit
leurs revendications et leur action dans le cadre de la démocratie
et de la liberté, dans le cadre de la justice sociale,
dans le cadre de la justice tout court, consciente d’être
l’avant-garde d’un peuple entier en lutte pour la conquête
de ses droits.

Je tiens à
les féliciter pour les efforts considérables qu’ils
ont déployés pour donner aux manifestations organisées
un caractère pacifique, limitant ainsi les débordements
résultant du comportement scandaleux et des provocations
criminelles des forces de l’ordre, notamment des forces de gendarmerie.

Je tiens à
condamner avec énergie les auteurs et commanditaires de
ces actes criminels qui apportent la démonstration manifeste
que, quant au fond, pas grand-chose n’a changé dans le
gouvernement du pays, que la dictature et son système répressif
sont toujours là, prêts à entrer en action
dès que s’élève une contestation sérieuse.
Je tiens à dire toute ma considération à
tous les sites du Net et à tous ceux, vivant dans d’autres
pays, organisés ou à titre individuel qui, en ces
jours difficiles, ont exprimé une solidarité active
ou simplement leur sympathie à la population djiboutienne
en la comprenant et en la soutenant dans ses revendications et
dans ses manifestations et en condamnant la répression
sanglante dont elle est l’objet.

Je leur demande
d’étendre et d’intensifier leur manifestation de solidarité
et de sympathie. Il ne fait aucun doute que, ce faisant, ils se
trouveront en harmonie avec l’immense majorité du peuple
contraint au silence, et qu’ils ne feront que défendre
ses intérêts.

Je tiens à
remercier tout ce monde étranger qui suit avec attention
les évènements en cours en marquant sa sympathie
pour les manifestants et pour leurs causes et en réprouvant
l’incompréhension, l’intolérance et la brutalité
du pouvoir en place.

Et je lui
dis, Djibouti nouvelle, actuellement en gestation, a besoin de
votre soutien et de votre aide. Je suis sûr que vous ne
la décevrez pas.

Dans le combat
libérateur engagé, les obstacles ne manqueront pas
comme ils n’ont pas manqué dans le passé. Mais ils
seront vaincus les uns après les autres. Il appartient
à tous les patriotes, à tous les démocrates
et à toutes les femmes et tous les hommes de progrès
de faire en sorte que la durée de ce combat soit écourtée
et que les sacrifices qu’il appelle soient limités. La
responsabilité qui pèse sur leurs épaules
est énorme.
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"
la barbarie IOGienne "

J’ai
sous les yeux un fax du Mouvement de soutien aux demobilisés
blessés et un autre du Comité des citoyens de Balbala.
Tous deux appellent à une collecte urgente de médicaments
pour les blessés de la répression sanglante.

A lire la
liste, on comprend que les hôpitaux de la ville manquent
de tout. Ia va de l’anti-inflammatoire Feldène au
sparadrap en passant par l’alcool chirurgical et l’antibiotique
injectable. Et plus je lis et relis cette liste et ces deux appels,
plus je me gratte la tête perplexe. Parlons-nous bien de
Djibouti-ville, capitale de la République de Djibouti ?
S’agit-il vraiment d’une zone située dans la
corne de l’Afrique ou d’une contrée albanaise
criblée par les obus ou encore du camp de réfugiés
palestiniens de Jénine sous blocus israélien ?

Quand un blessé
de nationalité djiboutienne vient à manquer de Paracétamol,
les discours anesthésiants d’IOG deviennent extrêmement
douloureux, à la limite du supportable. Quand les médecins
à Djibouti-ville n’ont même plus de compresses
pour cacher les trous béants des balles, voir à
la télévision, tous les soirs l’orifice buccal
de IOG mâcher les mots avec délectation devient humainement
atroce. C’est que nous ne sommes pas loin du génocide,
du nettoyage ethnique. Mais à bien y réfléchir,
la liste des médicaments devrait être bien plus longue,
et pas seulement pour les blessés .

Il faut une
collecte nationale pour la communauté nationale. Il faut
des anti-dépresseurs pour toutes les régions du
pays lorsqu’on voit le Ministre de la Santé aligner
les bourdes. Il faut des containers de Maâlox pour digérer
l’arrogance et la suffisance d’un Président,
seul bipède sur cette planète à affirmer
que le scrutin d’avril 1999 a été démocratique
et honnête. Il faut des tonnes de Tranxène pour calmer
la furie d’un Djiboutien dont sa fille lycéenne a
été déshabillée en public par des
" agents de l’ordre " puis amenée à
Nagad.

Mais peut-on
encore, aujourd’hui, demander à un régime malade
de soigner des blessés lorsqu’il n’est même
plus capable de nourrir ceux qui leur tirent dessus ?

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C’est
peut-être le début de la fin

Le moins que
l’on puisse dire sur la perception et la prise en main de la montée
en puissance de la contestation populaire, c’est que le Pouvoir
actuel, à force de tenter de concilier l’inconciliable,
d’équilibrer entre les contradictions qu’il projette lui-même
et les équivoques qu’il entretient, est en train, purement
et simplement, au lieu d’une relance économique et de quelques
éclaircies de bien-être d’opter pour un nouveau style
de gouvernance et d’investir dans la production d’une nouvelle
culture de répression qui ébranlera, inéluctablement,
la capacité d’absorption et d’ouverture du système
politique.

La frustration
enregistrée chez une fraction de la population à
l’occurrence les étudiants hier, les démobilisés
aujourd’hui, le sentiment d’injustice qui reprend de l’intensité,
la tentative d’intimidation opérée à l’endroit
de certains cadres pour des délits fantomatiques, le mépris
manifeste à l’égard de toute dissidence politique
ou idéologique et de toute résistance populaire
à connotation revendicative, sont autant de segments susceptibles
d’enfanter des réflexes convergeant vers l’embrasement
généralisé.
Une situation explosive qui, malheureusement, fortifie la position
du Pouvoir qui, justement, nourrit sciemment la contestation et
l’opposition afin qu’il n’y ait plus de stabilité, même
relative, qui permet réellement d’autres alternatives à
la démarche actuelle. C’est pratiquement le processus développé
par les totalitarismes pour asseoir leur présence qu’il
qualifie de régulatrice et s’octroyer toutes les permissivités
possibles.

La mise hors
d’état de nuire de toutes les volontés constructives
et les énergies saines, aux lieu et place des réseaux
et arrière bases mafieuses, participe de cette volonté
abjecte d’étouffement et de manipulation dans laquelle
excelle le Pouvoir actuel qui se complaît dans son isolement
intérieur et ses prouesses hypocrites extérieures.

L’hypertrophie
des moyens utilisés pour mater la colère des démobilisés
et des retraités est significative de la discrimination
longtemps intériorisée, depuis quelques temps, par
le Pouvoir, surpris par une résistance citoyenne venue
bousculer les canaux traditionnels de communication et de revendication
et fausser les calculs d’allégeance et de compromission
en vogue dans Djibouti de l’humiliation et de la déception
et non de la fierté et de la dignité promises dans
les moments d’ébriété électorale.

Si l’ex-Président
Gouled a jeté les bases de la violence tribaliste, le régime
actuel est parti plus loin en exacerbant les rancunes existantes
et en suscitant d’autres.
Une telle alternative relève de la haute voltige suicidaire,
de l’outrage constitutionnel et de l’insolence politique. De tels
procédés laissent, évidemment, peu de place
au soutien populaire et à l’adhésion au nouvel ordre
national établi unilatéralement et accessoirement
à l’effort sécuritaire, sans qui aucune initiative
de sortie de crise, aussi louable ou diabolique soit-elle, ne
peut aboutir.

Le régime
perd graduellement ses repères fondamentaux et continue,
malgré tout, de persister dans son obscure logique de marginalisation
massive de la population.

La crise des
démobilisés peut être le signe de la fin d’un
système en agonie dont les soubresauts sont révélateurs
du désarroi dans lequel il se trouve devant une opposition
citoyenne qu’il croyait neutraliser avec le temps. Si la solidarité
nationale se concrétise grâce à cette opportunité,
ce sera le début de la fin d’un régime qui a surtout
réussi l’exploit, en trois années, de se mettre
tout le monde à dos.

Inconsidéré
au plus profond de sa plus petite rallonge représentative,
le régime pense qu’en créant une atmosphère
d’angoisse et de tension, la société des agressés
finira par jeter l’éponge et s’accommoder d’une tutelle
illégitime.