01/01/03 (B183) CPI : un article de RFI signé par Richard Labévière et Th.Bourdeau – Lundi aura lieu à New York, l’élection des juges de la CPI – la Cour pénale internationale –

Lundi aura lieu à
New York, l’élection des juges de la CPI – la Cour pénale internationale
– alors que Djibouti est le 18ème pays qui vient de conclure avec Washington
un accord d’immunité pour les Américains qui seraient inculpés
par ce tribunal universel chargé de juger les crimes de guerre et crime
contre l’humanité.

Depuis cet été,
les Etats-Unis ont engagé une vaste offensive diplomatique pour amener
le plus grand nombre de pays possible à signer des accords contre la
Cour pénale internationale. Pourtant si prompte à donner des
leçons en matière de droits de l’Homme et de démocratie,
l’administration Bush voit en effet la CPI comme l’ébauche d’une justice
supranationale potentiellement hostile à ses ressortissants et ses
militaires servant à l’étranger.

Voulue par les pays européens
après les guerres balkaniques, la Cour pénale internationale
est, néanmoins devenue réalité, depuis le 1er juillet
2002. Elle représente, certainement, l’avancée la plus importante
du droit humanitaire depuis le procès des dignitaires nazi à
Nuremberg en 1945; et on lui demande en effet rien de moins que de faire reculer
l’impunité, et par là de «prévenir la récidive
de crimes de masse, d’éclairer l’histoire, et ainsi d’ouvrir la voie
aux réconciliations nationales», explique Claude Jorda, l’actuel
président du Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (TPI).

Candidat de la France
au poste de juge à la Cour pénale internationale, le président
Jorda sait mieux que quiconque que la CPI devra rapidement faire ses preuves.
D’où l’importance pour elle de savoir tirer tous les enseignements
de l’expérience du tribunal pour l’ex-Yougoslavie.

Dès sa création
en 1994 en pleine tourmente balkanique Claude Jorda a dû faire oeuvre
de défricheur. Il a fallu inventer un code de procédure ad hoc
et préciser quel était le droit de ce tribunal par rapport aux
droits des Etats souverains; se poser la question de la coopération
de ces Etats pour procéder aux arrestations demandées.Il a fallu,
aussi trouver l’équilibre nécessaire entre le droit et les valeurs
universelles, c’est à dire donner à l’accusé un procès
équitable, rendre justice aux victimes et témoigner pour l’histoire.

D’un grand juriste autant
que d’un fin diplomate, l’itinéraire du président Jorda témoigne
de cette vocation de défricheur. Directeur-adjoint de l’Ecole nationale
de la magistrature, directeur des services judiciaires à la Chancellerie
auprès de Robert Badinter, procureur près la cour d’appel de
Bordeaux de 85 à 92, procureur près la cour d’appel de Paris
jusqu’au 18 janvier 94, avant de rejoindre le TPI à La Haye, il est
parfaitement au fait des difficultés d’une Cour pénale internationale
où la politique s’invitera, fatalement à la barre.

Sa tâche la plus
délicate sera de trouver la bonne mesure entre l’absolu d’une mission
universelle, et son insertion, nécessairement relative dans le contexte
de pays cherchant à se reconstruire et de peuples cherchant à
se réconcilier avec eux-mêmes. Au TPI, le président Jorda
a montré qu’une vraie justice pénale internationale était
possible. A la Cour pénale internationale de poursuivre et d’élargir
ce travail.

Richard
LABEVIERE