24/02/03 (B186) AU NOM DE MOM PAYS ET MON PEUPLE (Par HOUSSEIN AHMED ABADID, politologue, chargé de cours à l’Université de Moncton – Canada)

La guerre au Nord du pays,
accompagnés par les tueries de la part du régime de Gouled et
de son protégé Guelleh, ont donné la mesure de la fragilité
de l’équilibre sur lequel doit être bâtie la nation Djiboutienne.

Non pas que l’unité
nationale soit une oeuvre irréalisable, (mais parce que l’équilibre
recherché repose sur les éléments à la fois fluides
et instables que sont les sentiment d’appartenance à un même
pays, créant une communauté d’histoire et de dessin, l’acceptation
de l’autre dans sa différence, une certaine idée de l’organisation
politique, qui va au delà de la tribu ou de l’ethnie. Autant de valeurs
qui par leur fluidité, méritent d’être constamment entretenues,
afin qu’elles intègrent les réflexes, le mode de pensée
et d’action de chaque citoyen.

L’expérience le
montre chaque jour, la conscience de l’être humain se brouille, s’opacifie
ou refuse de s’élever des lors que ses intérêts immédiats
à lui semblent subordonnés à un repli sur son ethnie,
auprès de laquelle il croit, en outre trouver plus de sécurité.

Les Djiboutiens ont tout
pour s’unir, les différences que certains s’évertuent à
exalter pour les opposer les uns aux autres, sont parfois si tenues qu’elles
devraient inspirer la honte à leurs auteurs. Les Djiboutiens ont un
passé commun, qui est tout autant, chargé de faits et d’espoir.
Hier, toutes courbées sous le même joug colonial, aucune des
ethnies ne manifestait un quelconque complexe de supériorité
par rapport aux autres.

Aucune n’avait eu plus
d’intelligence, de savoir faire bouter seule le colon hors du territoire.
Toutes, en revanche ont, à niveau égal déployé
le même nationalisme dans la suite anti-coloniale, conquérant,
de ce fait les mêmes palmes, ce qui exclut pour chacune d’elles, la
prétention à donner des leçons de patriotismes aux autres.
Hier confrontés aux dures réalités d’une construction
nationale qui n’a pas réussi à combler tous les espoirs suscités
par l’indépendance.

Aujourd’hui les Djiboutiens
doivent faire face aux nouveaux défis que leur lance un monde en voie
d’unipolarisation, imposant à tous le même chemin pour accéder
au progrès.

LA DÉMOCRATIE PLURALISTE,
faite de hauteur de vues et de tolérance parce que, plus qu’auparavant,
chacun devra accepter de dialoguer avec des personnes professant des idées,
des opinions, qui ne sont pas forcément les siennes. Le père
où la mère devra accepter les fils militant dans un parti politique
autre que le sien. Les mêmes différences se feront pour entres
frères, cousins, oncles et neveux, mais également entre Afars
et Somalis, entre Arabes et Soudanais, entre Afars et Arabes, entre Soudanais
et Somalis, entre ceux du Nord et du Sud.

C’est sur un socle solide,
allant de l’individu à la famille à la nation, que se bâtira
la démocratie pluraliste ou elle ne sera pas. La tolérance dont
il s’agit n’a pas seulement un fondement moral ou théologique, elle
s’appuie avant tout sur la raison sociale et historique, qui condamne les
Djiboutiens à réussir ensemble ou à échouer ensemble
sans pour cela recourir à l’unanimisme politique, qui viole la conscience
et dont les effets pervers sont à l’origine des bouleversements que
Djibouti vit depuis 1977.

La différence de
pensée et d’opinions constitue un enrichissement pourvu que l’on sache
la gérer de façon positive, c’est à dire en laissant
s’exprimer toutes les sensibilités afin que du débat contradictoire
résulte une synthèse constructive pour toute la nation.

Mais comment bâtir
une démocratie pluraliste paisible, lorsque l’on cultive l’exclusion
et le mépris de l’autre, que l’on n’hésite pas pour les besoins
de la cause, à traiter d’étranger indigne de gérer les
affaires du pays ?

Ni le nombre (la quantité
de viande humaine) ne pouvant en soi constituer un critère de valorisation.
On a déjà vu des multitudes négatives, ni le fait que
l’un des siens soit à la tête du pays, ce qui est tout a fait
contingent et provisoire, étant donné l’alternance qu’entraînera
la démocratie, ne prédisposent une ethnie à se donner
des prétentions de supériorité ou d’antériorité
historique dans l’occupation de l’espace nationale.

Ces notions-là
devraient figurer dans les programmes des écoles, mais également
être rappelés aux dirigeants afin que l’ambition et le carriérisme,
avec les avatars que sont la démagogie, le double jeu et le mensonge,
ne conduisent pas les habitants d’un même pays à se regarder
comme des ennemis irréductibles, alors que la géographie, l’histoire,
la religion, les alliances matrimoniales, l’amitié, etc font d’eux
des frères indissolublement liés.

De nombreuses femmes,
Afars, Somalis, Arabes, Soudanais, ont épousé des hommes d’ethnie
différentes de leurs, créant avec le temps un tissu social ou
le brassage tient une place très importante. On devrait se réjouir
d’une telle tendance, qui, en favorisant l’osmose sociale, créera les
véritables bases de l’unité nationale, le mariage interethnique
constituant l’un des aspects les plus palpables de la victoire de la fraternité
sur la méfiance longtemps entretenue, et certains voudraient continuer
à entretenir au nom de prétendues différences fondamentales
entre ethnies. L’avenir de Djibouti, dépendra de la conjugaison harmonieuse
des efforts de tous ses fils, toutes ethnies confondues.