14/01/04 (B229) Lettre ouverte aux Djiboutiennes et aux Djiboutiens qui veulent un changement de régime politique dans notre pays et appel au Président Gouled. (Mohamed Alhoumekani et Ali Iftin)

Plus que jamais, nous
sommes à un tournant de l’histoire de l’après indépendance
de notre pays.

La question de la survie
des populations djiboutiennes va jouer un rôle essentiel dans la mobilisation
des masses populaires et de l’opposition dans les mois qui viennent.

L’économie comme
le social et le politique sont dans une véritable impasse, la pire
qu’il soit dans l’histoire de notre jeune république et tout concourt
à un changement de régime politique.

Certes il y eut, depuis
l’accession de notre pays à l’indépendance, accumulation de
plusieurs responsabilités dans la pénurie comme dans la hausse
des prix, mais cette situation s’est fortement aggravée depuis 4 années
avec un niveau de vie que peu peuvent assumer aujourd’hui.

Nul ne peut contester
le fait qu’Hassan Gouled consolida sur le plan diplomatique son régime
vis-à-vis de la France, des grandes nations et renforça la position
de Djibouti dans la région tout en essayant de concilier les thèses
des leaders et de clans souvent antagonistes.

Il trouva un heureux équilibre
international et nous fit traverser assez bien la crise économique
; certes, nous étions loin du parfait mais nous avions, chacun et chacune,
des raisons d’espérer en un avenir meilleur.

La pauvreté n’était
pas ce qu’elle est devenue, les diverses classes sociales étaient marquées.
Aujourd’hui il y a une minorité de 5 % qui détient quasiment
tout, y compris les monopoles qu’elle verrouille, et ceux qui n’ont rien ou
presque rien pour vivre.

Rien de grand ne peut
se faire en un jour, en un mois, en une année, ceci nous le savions
mais aujourd’hui et de par les conséquences de la crise qui perdure
le désespoir a gagné les populations de notre pays et devient
l’un des grands maux dont souffrent nos familles.

Force est de constater
que ce que nous avions jusqu’en 1992, nous ne l’avons plus aujourd’hui.

La désorganisation
de nos institutions profite à certains hauts fonctionnaires comme à
quelques familles " Fleurons de l’Irresponsabilité comme de l’incompétence
" qui dictent leurs propres lois.

La gabegie et la déprédation
de nos finances publiques dont se rendent coupables quelques uns a atteint
un tel niveau qu’il s’accompagne depuis des mois d’une cohorte de licenciements
pour les autres – qui va en s’accélérant – et sans motif si
ce n’est qu’il faut faire des économies et que certains et certaines
profitent de cette opportunité pour écarter ceux qui les dérangent.

Il n’y a plus d’Etat
mais un amalgame d’intérêts divers qui se combattent sournoisement.

Chaque employé
d’administration et de service d’Etat, Enseignement, Armée, Police,
Gendarmerie comme la Garde Nationale, paie son tribut à l’accumulation
des incohérences depuis 4 années alors que les aides financières
internationales ont plus que triplé et que la dette par habitant s’alourdit
dangereusement.

Les réclamations
fusent mais trouvent le vide, l’absence de réponse ; l’impossibilité
de l’Etat actuel d’offrir ne serait-ce qu’une amorce de solution qu’accompagne
une propagande fallacieuse et outrancière.


L’accroissement de notre population demeure très fort, elle a plus
que doublé en vingt-cinq ans mais faute de ressources, les inactifs
s’accumulent dans la ville de Djibouti et ses immenses faubourgs.

Notre jeunesse ne produit
pas, elle est dans la rue ; celle de tous les risques.

Le
chômage affecte la plus grande partie de la population – seulement moins
de 30 000 salariés pour plus de 250 000 adultes en âge d’avoir
un emploi, soit un chômage supérieur à 88 % pour qui l’Etat
actuel ne trouve aucune réponse.

Derrière certains
décors largement édulcorés depuis 4 ans, derrière
les images immuables de vie traditionnelle se discerne le choc imminent de
la modernité face aux besoins financiers inassouvis d’une jeunesse
revendicative.

Jeunesse bien plus revendicative
que l’étaient leurs parents qui se satisfaisaient du peu qu’ils avaient.

Les besoins et les aspirations
des populations de notre pays se bornent de moins en moins à leur survie
quotidienne.

Face à cet accroissement
d’habitants et de demandes, l’Etat actuel apparaît totalement démuni.
Il est incapable d’attirer les investisseurs, de créer un climat de
confiance réciproque favorisant la création d’emplois donc la
production et de quoi nourrir les populations de notre pays.

Notre industrie n’a pas
évolué malgré les promesses, elle est en nette récession
et pratiquement inexistante ; faute de main-d’œuvre qualifiée,
de ressources minérales, d’énergie.

Derrière ce grand
jeu des ambitions et des options sans politique définie c’est aggravée
depuis 1999 une série de clivages nés de rivalités personnelles,
d’ambitions démesurées de " petits chefs ", hommes
et femmes, et bien plus d’intérêts matériels personnels.

Dans la mentalité
populaire des Djiboutiens et des Djiboutiennes, les responsables sont d’abord
les "accapareurs", ceux qui entassent les produits de consommation,
les biens publics et les conservent par devers eux, ceux qui puisent aujourd’hui
plus que jamais dans les Finances publiques alors que chacun regarde désespérément
l’état de ses propres finances et attend le versement de son salaire
qui, une fois encore, ne sera pas versé.

Depuis 1999 l’Etat n’a
pas réussi à inspirer la confiance que le peuple avait placée
dans le président Hassan Gouled Aptidon ; l’homme qui mena notre pays
sur le chemin de l’indépendance.

Malgré nos tribulations
politiques et économiques de l’immédiat après indépendance,
notre jeune République passait aux yeux des riverains de la mer Rouge
et des habitants de la Corne Est de l’Afrique jusqu’à ces dernières
années pour une terre de relative aisance et surtout de paix.

Cette image a considérablement
changé.
_____________________________________________

Appel
au président Hassan Gouled Aptidon

Par la présente
et c’est dans l’urgence que nous faisons appel au Président Hassan
Gouled Aptidon pour qu’il intervienne auprès de l’Etat actuel afin
qu’il use de toute son influence pour que soient rétablis l’ordre,
la Justice et le respect de nos lois comme celui des institutions de la République.

Il convient absolument
d’agir dans l’intérêt de notre pays et de sa Nation avant que
n’émerge soudainement un soulèvement du peuple et de sa jeunesse.

_______________________________________________

Monsieur le président
Hassan Gouled Aptidon,

Vous devez agir préventivement,
prendre toutes les dispositions pour préserver nos institutions et
la continuité de l’Etat sous une forme démocratique et respectant
les droits fondamentaux ; tout mettre en oeuvre pour éviter qu’une
révolte spontanée ne vienne briser dans le sang ceux qui l’affament
avec les risques et les conséquences graves que cela ne manquerait
pas d’avoir parmi nos populations et notre jeunesse.

Mohamed
Saleh Alhoumékani
Ali
Abdillahi Iftin
Membres du Gouvernement en Exil de Djibouti

Pour toute
correspondance : exildj@gouv-exil.org