16/05/04 (B247) CHRONIQUE D’UNE GUERRE CIVILE ANNONCEE (Lecteur)

La classe dirigeante
corrompue est une affaire de clan familial.

Tel est le mythe qui s’est
répandu tout au long de l’histoire de Djibouti. A partir du moment
où, prenant ses distances avec les francais, la classe dirigeante,
grande bénéficiaire des affaires et des aides internationales,
va se transformer en une caste (Ethno classe), devenant ainsi celle des nouveaux
riches.

Ce mythe repose, rappelons-le
sur une véritable illusion d’optique, dont les fondements sont purement
idéologiques, puisque les français ont pris part aussi, tout
comme l’ethno classe, à la naissance de la République de Djibouti.

Mais cette illusion de
départ va devenir une réalité porteuse d’un incontestable
poids symbolique. Contrairement à la majorité des Djiboutiens,
qui ne disposaient que d’une seule nationalité, les membres de l’ethno-classe
pouvaient (adopter) choisir entre les deux.

Du coup la majorité
des Djiboutiens vont donc s’investir pleinement et dans toutes les circonstances
de leur existence. Du coup, leur rapport avec la nationalité djiboutienne,
en raison même de son caractère exclusif, se chargera de valeurs
émotionnelles et imaginaires propres à déboucher sur
une réinterprétation subjective de notre histoire.

C’est ainsi, par exemple,
que bien des petits-fils revendiquent cette nationalité comme une construction
qui leur est spécifique. C’est l’une des raisons qui, aujourd ‘hui
encore, font que certains d’entre eux refusent la présence Française
à Djibouti.

Comble du paradoxe ! Comme
si une nationalité n’était pas un instrument de cohésion
sociale avec l’autre. Autant dire que l’accession à l’indépendance
a une signification non pas seulement localiste et nombrilisme, mais aussi
de leur reconnaissance.

Le code noir (droit colonial
scélérat et hypocrite) est, on l’aura compris, la traduction
juridique de cette mutation que représente l’émergence de l’ethno-classe.
Ce code prend soin d’interdire les mariages interraciaux, clause cruciale,
s’il en est, le patrimoine financier de la classe dominante ne doit pas être
compromis par la banalisation du capital génétique. C’est la
conception de l’évolution séparée.

Soyons en conscients :
c’est bien le reniement originel opéré par l’ethno classe naissante
qui constitue le cadre et la matrice de l’évolution des mentalités
au sein de notre pays. En effet l’idéologie de cette classe dirigeante
s’alimentera par deux sources distinctes.

  • D’une part, le mépris
    des francais, et la haine du blanc,
  • D’autre part l’accaparement
    des richesses, en opprimant le peuple.

Sources empoisonnées
assurément, mais nous devons les assumer afin d’en transcender les
effets, car c’est à elles que nous avons bu notre eau materrnelle.

Autant dire que l’ethno
classe et le peuple djiboutien sont en partie liés. Leur amalgame s’étant
produit à l’aube de la construction de notre état. Ainsi donc,
avec l’intervention des français et la spécialisation de ces
derniers dans la condition servile de l’ethno classe, la classe dirigeante
naît dans sa forme moderne. Au sein de notre pays, les classes sociales
deviennes d’emblée des classes claniques. La pensée, comme la
société, et la parole des opprimés sont frappées
d’interdiction et minorée.

On comprend pourquoi la
nécessaire subversion du modèle colonial devait passer par deux
reactions. L’indépendance d’une part, et d’autre part la solidarité
clanique dont la pensée leur fut nourricière. Sur le socle de
l’idéologie fondatrice qui vient d’être rappelée, selon
les conjonctures historiques, prolifèrent diverses configurations particulières
dont certaines seront prises en compte.

On comprendra aisément
qu’après avoir tantôt stigmatisé certains comportements
claniques préjudiciables à l’état, certains politiciens
ont stigmatisé le mouvement de liberté comme ennemi juré
de l’ethno-classe.

Assurément, liberté
pas d’ethno classe mais plutôt des parias expression quelque peu méchants
mais qui, pour le coup se serait avérés fort justes. L’ethno-classe
invention du système colonial implique en vis-à-vis le blanc.
Ainsi donc pour réintégrer sa pleine humanité le fils
d’Afrique devait se redresser et ramasser toutes les insultes déshumanisantes,
résumées dans le terme de corrompu pour les lancer à
la face ébaubie du colonisateur et en assumer les implications, toutes
les Implications, mais en positivant ces dernières.

Les cris du peuple ne
recèlent qu’une charge symbolique et une dimension véritablement
épique. Tant qu’il y aura des colons, il y aura une ethno classe qui
fut un attentat contre le progrès et l’émancipation des Djiboutiens.
A Djibouti la lutte pour la réhabilitation du peuple s’opère
aussi bien chez les politiques que les syndicalistes ou plus largement les
intellectuels.

La problématique
initiée non sans violentes résistances, aura engendrée
des conséquences incalculables au plan des représentations des
couches sociales.

Une vraie guerre civile
en perspective, l’enjeu est crucial et capital.