22/10/05 (B321-A) TF1 : le 19 octobre 1995, le juge Borrel était retrouvé mort à Djibouti. Dix ans plus tard, jour pour jour, l’avocat de la famille demande au gouvernement français d’aider la justice. Il répond aux questions de tf1.fr. (Info transmise par un lecteur)

Il y a dix ans, le 19 octobre 1995, le corps du juge Bernard Borrel était retrouvé à demi-calciné au pied d’un ravin à 80 km de la capitale de Djibouti.

La thèse du suicide a longtemps été privilégiée avant d’être mise à mal par une série d’expertises remises en 2004 à la juge parisienne en charge du dossier, qui a alors réorienté son enquête vers un assassinat. Mercredi, des dizaines de personnalités se sont réunies pour demander la vérité sur la mort du magistrat. Maître Olivier Morice, avocat d’Elisabeth Borrel, la veuve du juge Borrel, répond aux questions de tf1.fr.

tf1.fr : Dix ans, jour pour jour, après la mort du juge Borrel, vous avez souhaité convoquer la presse, pourquoi ?
Nous avons organisé cette réunion, en présence de nombreux magistrats français et étrangers, des intellectuels et des politiques pour soutenir Madame Borrel, dont le mari a été assassiné. Il s’agit d’une affaire très grave. Et en ce jour anniversaire, ma cliente et moi-même souhaitions dénoncer l’obstruction et les pressions des autorités djiboutiennes et parisiennes sur la justice, empêchant cette dernière de faire son travail. Nous demandons tout simplement que le principe de séparation des pouvoirs soit respecté.

tf1.fr : Où en est-on, dix ans après, dans l’enquête sur la mort du juge Borrel ?
En dix ans, le dossier a beaucoup avancé. En 2004, la justice a retenu la thèse de l’assassinat et non plus celle du suicide. Nous pensons que les plus hautes autorités djiboutiennes sont impliquées dans cet assassinat. Nous avons récemment déposé deux mandats d’arrêt internationaux auprès du tribunal de Versailles, l’un contre le procureur de la République de Djibouti, l’autre contre le chef des services secrets djiboutien. Nous avons aujourd’hui bon espoir que ces demandes aboutissent.

Tf1.fr : Lors de cette réunion, vous avez évoqué une possible piste liée à un trafic de produits dangereux…
Parmi des documents appartenant au juge Borrel nous avons retrouvé une liste manuscrite de produits illicites. Il s’agit de noms de matières premières, dont nous savons qu’elles font l’objet de trafics illicites à Djibouti. Nous pensons que le juge Borrel avait connaissance d’éléments très sensibles sur la possible implication du président djiboutien Ismaël Omar Guelleh à la fois dans un attentat anti-français commis dans un café djiboutien en 1990 et dans un trafic d’uranium ou de produits illicites.

tf1.fr : Qu’attendez-vous du gouvernement français ?
Nous voulons qu’il prenne conscience qu’il s’agit du troisième magistrat français assassiné sous la cinquième République. C’est intolérable. Rien ne peut justifier que l’on ne puisse pas remettre en cause les plus hautes autorités djiboutiennes. Les commanditaires et les auteurs de ce crime doivent être jugés.

tf1.fr : Mardi, la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie a affirmé qu’elle coopérait avec la justice sur cette affaire, rappelant notamment qu’elle avait fait déclassifier 23 documents « secret défense » et que ceux dont la déclassification n’avait pas été autorisée n’avaient « pas de rapport direct avec l’affaire »?
Nous contestons totalement les déclarations de la ministre. Elle n’a levé le secret défense sur aucun nouveau document. Quant à ceux qui ont été déclassifiés, sur notre vive insistance, ils ne concernent pas les plus hautes autorités djiboutiennes. Nous sommes convaincus que l’Etat sait des choses, mais qu’il a des intérêts à protéger (ndlr : ancienne colonie, Djibouti accueille la principale base militaire française en Afrique). Nous demandons au gouvernement de renoncer à la raison d’Etat et au cynisme, et d’aider la justice à avancer jusqu’au bout.