09/06/05 (B301) RSF / ETHIOPIE – Les journalistes sont des témoins de plus en plus gênants pour le gouvernement
Reporters sans frontières condamne le comportement répressif des autorités éthiopiennes après avoir recensé, en moins d’une semaine, dans la période précédant la proclamation des résultats définitifs des élections législatives, cinq cas de mesures punitives arbitraires prises à l’encontre de journalistes, ainsi que dix arrestations
« Les garanties démocratiques de l’Ethiopie sont malmenées par le gouvernement sous les yeux de la communauté internationale, et particulièrement de l’Union africaine (UA), dont le siège est à Addis-Abeba, a déclaré Reporters sans frontières. Les journalistes sont devenus des témoins de plus en plus gênants dans cette période de troubles politiques et le gouvernement ne tolère manifestement aucune voix discordante. Il est important que les gouvernements étrangers et les institutions internationales ayant quelque influence sur le Premier ministre Meles Zenawi interviennent maintenant pour que cette spirale de la répression soit endiguée. »
Le 1er juin 2005, les rédacteurs en chef et leurs adjoints de quatre publications privées d’Addis-Abeba ont reçu une convocation, signée par le Bureau fédéral central d’investigation. Celle-ci ordonnait à Zelalem Gebre, rédacteur en chef de Menilik, et son adjoint Serkalem Fassil, Abiye Gizaw, rédacteur en chef de Netsanet, et son adjoint Dereje Abtewold, Mesfin Tesfaye, rédacteur en chef de Abay, et son adjoint Fekadu Indrias, ainsi que Fassil Yenalem, rédacteur en chef de Zena, et son adjoint Simret G. Mariam, de se présenter le lendemain à la police. Ils ont été retenus toute la journée, puis relâchés dans le courant de la nuit, sans explication.
Le 6 juin, lors d’affrontements meurtriers sur le campus de l’université d’Addis-Abeba entre des étudiants et la police, un photographe et un reporter de l’agence américaine Associated press (AP), Boris Heger et Anthony Mitchell, ont été interpellés et détenus pendant sept heures. La carte mémoire du photographe a été confisquée.
Enfin, le 7 juin dans la soirée, la chaîne de télévision publique ETV a diffusé un communiqué du ministère de l’Information annulant les accréditations de cinq journalistes éthiopiens travaillant pour les services en amharique des radios publiques allemande Deutsche Welle (DW) et américaine Voice of America (VOA). Le texte du ministère accuse Helen Mohamed, Bereket Teklu et Temam Aman de VOA, ainsi que Asegedech Yiberta et Tadesse Engdawde de DW d’avoir effectué des reportages « irresponsables, sans fondement et incorrects ».
Malgré l’interdiction de manifester dans la capitale prononcée par le gouvernement, des centaines d’étudiants protestent depuis plus d’une semaine contre la victoire annoncée du parti au pouvoir lors des élections législatives du 15 mai. Même si les résultats définitifs ne seront proclamés que le 8 juillet prochain, le Front populaire démocratique révolutionnaire éthiopien (EPRDF) et ses alliés l’emporteraient en effet d’une courte majorité, selon les décomptes provisoires de la commission électorale. Plusieurs opérations de votes ont dû être réorganisées dans différentes localités, suite à des fraudes ou des irrégularités. Les deux principaux partis d’opposition contestent les résultats du scrutin et sont accusés par le pouvoir d’encourager le mouvement de protestation étudiant.
Reporters sans frontières rappelle également que Shiferraw Insermu et Dhabassa Wakjira, deux journalistes du service oromo de la chaîne de télévision publique ETV, sont détenus abusivement depuis plus d’un an à Addis-Abeba. Selon le témoignage d’un ancien collègue des deux journalistes, aujourd’hui en exil, ils ont été interpellés le 22 avril 2004, en compagnie d’autres employés oromos de ETV aujourd’hui libérés, suite à la diffusion d’un reportage sur la violente répression d’une manifestation d’étudiants oromos sur le campus de l’université d’Addis-Abeba, le 4 janvier 2004. L’intervention des forces de l’ordre avait donné lieu à des brutalités policières et à de nombreuses arrestations, notamment de membres de l’Association d’aide sociale Macha Tulama qui protestaient contre la décision du gouvernement éthiopien de déménager les institutions de la région oromo d’Addis-Abeba (appelée Finfinne par les Oromos) à Adama (également connue sous le nom de Nazret, à 100 km à l’est de la capitale).
Leonard VINCENT
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