08/03/06 (B340-B) De l’inaction de l’opposition : Oui, mais élargissons le débat ! (Réaction d’un lecteur à deux contributions publiées sur notre site)

Deux récents textes de lecteurs, parus sur le site de l’ARDHD tapent (à juste titre) sur les partis politiques de l’opposition djiboutienne inscrits selon eux aux abonnés absents. Le constat de l’inaction dressé par ces lecteurs corrobore pleinement la réalité telle que constatée sur le terrain : pour n’avoir pas su ou voulu donner à leurs actions la mesure qu’exige la lutte contre le despotisme du RPP, les partis de l’opposition djiboutienne sont les premiers responsables du degré zéro de la conscience et du militantisme politique tristement observable chez nous. Mais ils ne sont pas, et loin de là, les seuls responsables de cette catastrophe qui assure la survie d’un régime majoritairement détesté.

Tout d’abord, la critique selon laquelle les partis d’opposition n’auraient aucun programme politique est infondée, ce qui reviendrait à dire que l’abstentionnisme qu’invoque le régime pour justifier la fermeture de la compétition politique que sa fraude impose serait imputable au désarroi des électeurs ne se positionnant qu’en fonction des différents programmes proposés. Ce qui, accessoirement, reviendrait à dire que la base du RPP se détermine autrement sur des considérations n’ayant rien à voir avec des calculs claniques recrutant des calculateurs représentants de tous les clans.

Ce qui est faux car, d’une part parce qu’ils ont effectivement proposé un programme cohérent lors des législatives de 2003. D’autre part, dans un pays majoritairement analphabète, prétendre qu’un texte écrit pourrait mobiliser les foules relève d’une illusion de lettré.

Or, si la capacité de mobilisation était proportionnelle au niveau d’instruction, les universitaires en particulier et les fonctionnaires d’une façon générale seraient à la pointe du combat démocratique. Ce qui est loin d’être le cas, tant ces élites écoeurent par leur servilité à l’égard du régime : qui a entendu un seul de ces prétendus intellectuels s’exprimer à titre personnel pour dire toute la bêtise des prochaines élections régionales ainsi que leur caractère hautement tribaliste ?

Enfin, et plus gravement, des salariés ont-ils besoin d’un programme politique pour les convaincre de défendre leurs conditions de travail et pouvoir d’achat dangereusement mis à mal par la mauvaise gouvernance du RPP ? Il est puéril de demander aux partis d’opposition de rédiger (encore une fois) un programme politique juste pour que les puissances occidentales les prennent au sérieux. D’une part parce que lesdites puissances occidentales protègent avant tout leurs intérêts géostratégiques à Djibouti : les pierres ont pour elles plus d’importance que nos concitoyens.

D’autre part parce que lesdites puissances ont de nous autres Djiboutiens une très mauvaise image, tenant à une consommation immodérée d’une drogue nous inclinant plus au rêve et à la fuite qu’à la prise de conscience et à la lutte. Quand on sait que la consommation de khat est directement responsable d’une part essentielle de la malnutrition de nos enfants, on ne peut vraiment pas dire que le jugement de ces puissances occidentales soit dénué de toute base objective. Il ne faut donc pas s’étonner du soutien qu’elles apportent au premier drogué du pays, le chef de l’Etat (lui-même narcotrafiquant de son état puisqu’il cultive du khat au Day) : lui au moins, le broutage ne l’empêche pas de travailler pour son intérêt personnel.

Dans ces conditions, il est trop facile de rejeter sur les seuls partis de l’opposition la responsabilité de la situation despotique actuelle : pour que la lutte partisane puisse exister, il faut qu’il y ait également des citoyens prêts à se mobiliser pour défendre d’abord leurs propres intérêts et ensuite ceux de toute la communauté. Il est piquant de relever, à ce niveau, que l’auteur des deux textes se présente comme un « salarié exilé ‘’forcé au Canada » : que fait-il si lion de chez lui ? Et, d’une manière générale, quelle est la contribution de notre diaspora au renforcement des droits de l’homme à Djibouti ?

Pour qui se souvient que, lors d’une conférence de presse à l’occasion du premier anniversaire de son investiture, Ismael Omar avait affiché son plus grand mépris des exilés, les accusant de chercher à améliorer leurs conditions matérielles d’existence, il est regrettable que ces accusés brillent par leur absence dans le débat politique national.

Pour le moment, le déficit d’une conscience démocratique agissante donne au moins raison à tel dignitaire du régime (dont nous tairons le nom par pudeur, bien qu’il soit député) selon qui « le peuple djiboutien n’est pas prêt pour la démocratie ».

A chacun de nous de lui prouver le contraire. Encore faut-il convenablement poser les termes du problème ! c’est pourquoi il est de mon devoir de rendre ici hommage au site de l’ARDHD à travers lequel ce débat a lieu : dans leur ensemble, les Djiboutiens ont démontré leur incapacité à animer un site capable de refléter leurs différents points de vue !