12/03/06 (B341-B) Pour quelle coopération djibouto-française aujourd’hui et demain ? (Lecteur)
Le gouvernement djiboutien grand partenaire et ami de l’Etat français a constamment trahi ses limites en matière de respect de la démocratie et il vient actuellement de franchir le pas des arrestations de protestataires pacifiques opposés à son jeu électoral.
Le ministre djiboutien de la coopération et son homologue française avaient signé le 3 mars 2006 à Paris un Document cadre de partenariat allouant une aide française de 200 millions d’euros sur cinq ans à Djibouti, pays qualifié au passage d’« exemple de paix et de démocratie pour les pays de la Corne de l’Afrique ».
Or le vendredi 10 mars, soit une semaine après les accolades diplomatiques, le gouvernement d’Ismaël Omar Guelleh, puisqu’il est aussi bien Chef de gouvernement, a voulu concocter, à lui tout seul, des élections régionales boycottées par huit Djiboutiens sur dix à l’appel de l’opposition nationale.
Visiblement floué dans son dessein monopolistique et ignoré des électeurs djiboutiens, le gouvernement a procédé à l’interpellation de nombre de militants de l’opposition parmi lesquels Adan Mohamed A bdou, le Secrétaire Général de l’ARD, Alliance républicaine pour le développement, la formation politique membre fondateur de la coalition de l’opposition UAD, l’Union pour l’Alternance Démocratique.
Les prisonniers ont été transférés le lendemain samedi à la prison de Nagad sans qu’aucune information n’ait filtré sur le pourquoi de la capture des manifestants.
De son côté, la coopération française continue de s’embourber de plus belle dans ses intérêts de pré-positionnement à Djibouti en concurrence exacerbée avec la force américaine et cherche à tout prix à renforcer sa présence sur le territoire.
Mme Girardin, Ministre française déléguée à la coopération et signataire du Document cadre de partenariat (DCP) avec Djibouti, indiquait le 3 mars dans son allocution que ce Document n’était pas « un document classique », puisque celui-ci « s’écarte résolument des accords de coopération traditionnels, tant par sa philosophie que par son mode d’élaboration ».
Mme la ministre de poursuivre: « Le DCP prévoit également de faire porter notre coopération sur la gouvernance : nous soutiendrons la modernisation de l’Etat, afin de permettre une meilleure allocation des ressources pour le développement. Il s’agit d’appuyer, Monsieur le Ministre [des affaires étrangères] :
– en premier lieu, votre ministère ;
– les ministères concernés par le maintien de l’ordre et la justice ;
– le ministère des Finances. »
Il reste à croire que les manifestants djiboutiens interpellés ainsi que l’opposition djiboutienne aient délibérément empêché l’aide économique fran çaise de contribuer à développer Djibouti et que le gouvernement djiboutien ait toujours eu raison d’aménager à sa guise des élections boycottées par la coalition de l’opposition.
La liberté d’expression a longtemps été l’otage à Djibouti des raisons d’Etat français, ce qui ne participe certainement pas à exporter la démocratie française à Djibouti avec la même facilité que le transfert des fonds d’aide financière.
Devoir choisir entre la démocratie à Djibouti et l’aide de la France au gouvernement djiboutien est une non alternative qui peut conduire à une rupture grave dans la francophonie dans notre pays. :
La mémoire courte est dangereuse : tous les pays du monde viendront un jour à la démocratie et Djibouti ne fera pas exception. Seulement l’on se souviendra et l’on distinguera alors entre ceux qui auront soutenu et ceux qui auront freiné l’arrivée de la liberté et de la démocratie.
Il serait regrettable que notre partenaire historique à la francophonie et au développement économique soit disqualifié de poursuivre son rôle de modernisation de l’Etat djiboutien que Mme Girardin appelle aujourd’hui de ses vux bien pieux.
Un lecteur désabusé