05/11/06 (B368) Gros plan sur Aden Mohamed Abdou. Extrait du site de la CSI (Nouvelle confédération syndicale internationale regroupant plusieurs confédérations qui existaient auparvant). Aden Mohamed Abdou a été mis en examen à Djibouti pour « intelligence avec l’ennemi ». Avec quatre autres syndicalistes, il risque jusqu’à 17 année de prison. En fait il avait été suivre un séminaire de formation syndicale en « Israël » auprès de la Confédération de ce pays.(Info lecteur)

Lien
avec l’article sur le site de la CSI :
http://www.ituc-csi.org/spip.php?article291&lang=fr

Notre dossier ARDHD sur la situation syndicale à Djibouti (depuis 1999)
:

Gros
Plan sur Adan Mohamed Abdou
(UDT- Djibouti)

«
La CSI permettra de mieux lutter contre les violations des droits syndicaux
»

Adan Mohamed
Abdou, secrétaire général de l’UDT (Union djiboutienne
du travail), place de grands espoirs dans la nouvelle CSI. Les syndicalistes
de Djibouti en auront grand besoin : leur gouvernement
ne cesse de les harceler, à tel point qu’Adan Mohamed Abdou et
trois autres dirigeants syndicaux ont passé un mois en prison cette
année.

Que
pensez-vous de la création de la CSI ?

C’est
une très bonne évolution. Il n’y aura désormais
qu’une seule voix syndicale puissante au niveau mondial. Avec cet interlocuteur
unique pour la communauté internationale, la liberté syndicale
sera mieux garantie et les droits syndicaux mieux défendus.

Faire
front commun face aux institutions internationales à la communauté
internationale et les gouvernements qui violent les droits syndicaux est la
meilleure chose qui pouvait arriver au mouvement syndical international.

Djibouti
a une réputation peu flatteuse
en matière de droits syndicaux.
Comment la situation a-t-elle évolué ces derniers mois ?

Quatre
dirigeants syndicaux de l’UDT ont été arrêtés
en mars 2006 et emprisonnés sous les chefs d’accusation : intelligence
avec une puissance étrangère d’outrage au Président
de la République et de fourniture d’informations à des
puissances étrangères. A Djibouti, ce sont des accusations qui
peuvent valoir dix-sept années de prison ferme et une forte amende.

J’étais
l’un de ces quatre dirigeants arrêtés, les autres étaient
Hassan Cher, secrétaire aux relations internationales de l’UDT
ainsi que Djibril Ismaël Igueh et Mohamed Ahmed, membres du bureau exécutif
de l’UDT. Djibril et Mohamed ont été arrêtés
à leur retour d’Israël où ils étaient partis
en formation, Hassan et moi avons été arrêtés peu
après (on nous accusait de les y avoir envoyés).

Ce voyage
en Israël n’était qu’un prétexte : la véritable
cause de notre arrestation, c’était le rapport de la CISL lors
de l’examen par l’OMC de la politique commerciale de Djibouti.
Ce rapport a fâché le gouvernement de Djibouti, qui a réagi
en nous enfermant et en refusant la venue de délégations étrangères
venues nous soutenir.

Lors de
nos interrogatoires, ils ont posé des questions sur nos relations avec
Israël et son syndicat Histadrut, mais aussi sur les informations que
nous avions données à la CISL et lors de plaintes au BIT. Pour
les autorités, c’est comme si nous avions aidé des puissances
étrangères qui veulent du mal à Djibouti ! C’est
complètement faux : nous respectons la Constitution du pays, qui prévoit
la liberté syndicale, et notre affiliation internationale est prévue
par les conventions de l’OIT que Djibouti a ratifiées.

Ce
sont des prétextes pour éradiquer le syndicalisme libre et indépendant
qu’incarne l’UDT à Djibouti.

Pour
quelle raison avez-vous été relâchés ?

C’est
grâce à la pression internationale, notamment de la CISL, de
la FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme),
du BIT et de beaucoup d’autres syndicats, que le pouvoir nous a relâchés.

Des délégations
de ces organisations ont été envoyées à Djibouti.
Celle de la CISL et de la FIDH a été refoulée de l’aéroport
manu militari. Le représentant du BIT a pu entrer dans le pays mais
le lendemain de son arrivée, il a été arrêté
à son hôtel, interrogé par la police, puis expulsé
du pays. C’est toutefois cette pression qui nous a finalement permis
de quitter la prison un mois après notre arrestation.

Ceci dit,
si nous avons été relâchés, nous sommes sous contrôle
judiciaire : il n’y a pas eu de condamnation effective, il n’y
a pas eu de procès nous concernant, nous sommes en liberté provisoire.
Je risque d’ailleurs d’être inquiété à
mon retour de ce congrès de fondation de la CSI à Vienne.

Quelles
étaient vos conditions de détention ?

Comme
pour les autres détenus, elles étaient mauvaises. La surpopulation
des cellules est insoutenable, il y a des tortures de prisonniers de droit
commun (nous quatre n’avons pas été frappés), l’alimentation
n’est pas saine (c’est notre famille qui doit nous en amener),
l’insalubrité est énorme et il y a un mélange entre
détenus de droits commun (criminels, violeurs, …) et les détenus
politiques.

Etiez-vous
au courant de la mobilisation internationale en votre faveur ?

Oui, nous
recevions la visite d’amis et de membres de la famille qui nous en avaient
parlé. Nous savions même qu’une délégation
de la CISL allait venir. Nous restions aussi à l’écoute
d’autres prisonniers. Certains sont en détention préventive
depuis plusieurs années, l’un d’entre eux depuis 14 ans,
sans jugement !

Quelles
sont les forces vives de l’UDT à l’heure actuelle ?

L’UDT
compte 15.000 membres (enseignants, énergie, ports, travaux publics,
hôtels, …). Elle représente près de 80% des travailleurs
syndiqués à Djibouti. Je dois reconnaître que les femmes
ne composent qu’environ 20% de ces effectifs. C’est dû aux
traditions, mais aussi à notre manque de temps pour sensibiliser davantage
les femmes au syndicalisme, ce manque de temps étant lié à
notre situation très difficile.

Quelles
sont les principales revendications de l’UDT ?

La réintégration
des dirigeants syndicaux licenciés depuis 1995, la reconnaissance des
droits syndicaux, le dialogue social sur la base du tripartisme. Avant de
pouvoir passer à autre chose, il faut que le syndicat soit reconnu,
qu’il puisse agir librement, ce qui n’est pas le cas actuellement
à Djibouti. Nous sommes harcelés, notre vie est en danger, nos
familles sont menacées.

Dernièrement,
le secrétaire aux relations internationales de l’UDT, qui était
parti en formation à Turin, a été licencié pour
« abandon de poste » alors qu’il avait pris ses précautions
: comme il n’avait pas confiance dans les congés d’éducation
prévus par la loi, il avait pris ses propres congés, qui ont
ensuite été supprimés par ordre du Gouvernement.

Son directeur
l’a donc licencié pour abandon de poste. Voilà les conditions
dans lesquelles nous vivons, il est très difficile d’exercer
son activité syndicale dans ce contexte. Malgré de nombreuses
tentatives de notre part, le gouvernement reste sourd à tout dialogue
avec nous.

Propos
recueillis par
Samuel Grumiau