19/04/07 (B391) Le POINT : Deux juges d’instruction ont perquisitionné au ministère des Affaires étrangères jeudi dans une enquête concernant d’éventuelles pressions sur la justice en marge de la procédure visant la mort suspecte du juge Bernard Borrel à Djibouti en 1995, rapporte le Quai d’Orsay.
Djibouti
accueille la principale base militaire française en Afrique.
"Je vous confirme que les juges d’instruction chargés d’examiner
la plainte déposée par la partie civile, dans cette affaire
relative à un communiqué de presse diffusé par les Affaires
étrangères, se trouvent actuellement au quai d’Orsay",
a déclaré à la presse le porte-parole du ministère.
"Je n’ai aucune commentaire à faire sur une procédure judiciaire
en cours", a ajouté Jean-Baptiste Mattei.
Les juges Fabienne Pous et Michèle Ganascia se sont déplacées
avec des experts en informatique dans le but d’explorer les ordinateurs du
ministère, à la recherche de documents portant sur le litige,
dit-on de source judiciaire.
Le parquet de Paris, qui estime, au contraire des juges, que l’infraction
n’existe pas dans cette affaire, n’a pas été informé
au préalable du lieu exact de cette perquisition, ajoute-t-on de même
source.
Cette information judiciaire ouverte en février, après une plainte
de la veuve du juge Borrel, vise l’ancien porte-parole du ministère
français des affaires étrangères Hervé Ladsous.
Il est mis en cause pour un communiqué officiel du 29 janvier 2005
où il assurait qu’une copie du dossier relatif au décès
du juge Borrel serait transmise à la justice djiboutienne.
Or, cette transmission a été refusée par la juge chargée
de l’affaire principale, Sophie Clément, qui met en cause les autorités
de Djibouti dans son enquête sur la mort de Bernard Borrel. La plaignante
interprète le communiqué du Quai comme une pression sur la justice.
Interrogé en qualité de témoin assisté le mois
dernier, Hervé Ladsous a expliqué qu’il n’avait fait que mettre
en forme un communiqué après avoir pris les conseils juridiques
de Laurent Le Mesle, à l’époque directeur de cabinet du ministre
de la Justice devenu aujourd’hui procureur général de Paris.
Le corps de Bernard Borrel, coopérant français et conseiller
technique auprès du ministère de la Justice djiboutien, a été
retrouvé carbonisé en 1995 à l’extérieur de la
ville de Djibouti.
L’hypothèse du suicide avait été initialement retenue
par la justice française.
Après plusieurs changements de magistrats et des expertises, notamment
médico-légales, la piste criminelle est désormais suivie.
Certaines dépositions laissent croire à un assassinat politique
sur commande du pouvoir djiboutien.
En octobre dernier, en dépit des réquisitions contraires du
parquet, des mandats d’arrêt ont été délivrés
par la juge Clément contre deux repris de justice en fuite, soupçonnés
d’être des exécutants du meurtre du juge Borrel.
D’autres mandats d’arrêt ont été lancés à
Versailles contre le procureur général de Djibouti et le chef
de ses services secrets, dans un autre sous-dossier judiciaire relatif à
une supposée subornation de témoins.
Le 14 février, la juge Clément a convoqué en vain comme
témoin le président djiboutien Ismaël Omar Guelleh, de
passage à Cannes pour un sommet franco-africain. Ce dernier, officiellement
et par l’intermédiaire de son avocat français, Me Francis Szpiner,
dément toute implication dans l’affaire Borrel.