13/06/07 (B399) REUTERS : La veuve du juge Borrel sera reçue à l’Elysée (Info lectrice)
PARIS
(Reuters) – La veuve du juge Bernard Borrel, retrouvé mort à
Djibouti en 1995, sera reçue à l’Elysée conformément
à sa demande, annonce le porte-parole de Nicolas Sarkozy.
"Le président comprend la détresse de Mme Borrel
et salue son courage. De façon générale il veillera à
ce que la justice puisse passer en toute indépendance", a déclaré
David Martinon.
"Mme Borrel sera bien sûr reçue à l’Elysée",
a-t-il ajouté.
Elisabeth Borrel a demandé une audience au président pour qu’il
lui garantisse que l’enquête sur la mort de son mari sera menée
à bien, sans entraves.
"En votre qualité de chef de l’Etat français et de président
du Conseil supérieur de la magistrature, garant à la fois de
la souveraineté de la France à l’égard des puissances
étrangères et de l’indépendance de l’autorité
judiciaire, je vous demande de me recevoir, en présence de mes avocats",
écrit-elle dans une lettre au chef de l’Etat remise à la presse.
"Je vous demande de prendre auprès de moi l’engagement de faire
respecter les principes qui seuls permettront l’aboutissement de mon combat
pour que soient connus et punis les assassins de mon mari", ajoute-t-elle.
Le procureur général de Djibouti a violemment condamné
mercredi cette nouvelle démarche d’Elisabeth Borrel.
Dans un communiqué, Djama Souleiman Ali dénonce "le climat
de gangstérisme judiciaire et de terrorisme médiatique entretenus
par la partie civile et les syndicats de magistrats autour de l’instruction
de l’affaire Borrel".
Le corps carbonisé de Bernard Borrel, coopérant français,
conseiller technique auprès du ministère de la Justice djiboutien,
a été retrouvé en octobre 1995. L’hypothèse du
suicide avait d’abord été retenue, mais la piste criminelle
est désormais suivie, après notamment des expertises médico-légales.
La démarche d’Elisabeth Borrel fait suite à la publication dans
la presse ces derniers jours de documents trouvés lors de perquisitions
au Quai d’Orsay et au ministère de la Justice, qui montrent que ce
ministère a cherché en 2004 à faire transmettre l’ensemble
du dossier criminel Borrel aux autorités de Djibouti, pourtant soupçonnées
du meurtre.
ENQUÊTE AU POINT MORT
D’autres documents montrent que Paris a suggéré à Djibouti
d’attaquer la France devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour protester
contre le refus de transmission du dossier, finalement opposé à
Djibouti par la juge d’instruction Sophie Clément, en février
2005.
L’affaire est d’importance pour Paris, qui possède à Djibouti
sa principale base militaire en Afrique.
Me Olivier Morice, avocat d’Elisabeth Borrel, a estimé que l’ancien
président Jacques Chirac, qui avait refusé de recevoir la veuve
du magistrat, avait fait primer ces intérêts diplomatiques sur
la marche de la justice.
"Il y a eu manifestement des accords passés entre les deux présidents
Jacques Chirac et (son homologue djiboutien, ndlr) Ismaël Omar Guelleh",
estime l’avocat. Il a précisé cependant qu’il ne demanderait
pas pour l’instant l’audition comme témoin de l’ex-président
français.
Selon Me Morice, Nicolas Sarkozy doit rompre avec l’attitude de son prédécesseur.
"Nous voulons rappeler que Nicolas Sarkozy, comme candidat, a souligné
qu’il ne fallait pas mettre sur le même plan les victimes et ceux qui
sont des criminels", a-t-il dit.
Le Syndicat de la magistrature, de gauche, soutient la démarche. Cette
affaire, qui empoisonne les relations entre la justice et le pouvoir depuis
des années, fait l’objet de trois instructions distinctes, dont une
pour "pressions sur la justice" qui a conduit deux juges d’instruction
à tenter en vain de perquisitionner au palais de l’Elysée le
2 mai dernier.
L’enquête principale sur le crime est au point mort depuis la délivrance
en octobre 2006 de mandats d’arrêt contre deux repris de justice en
fuite, soupçonnés d’être des exécutants du meurtre
de Bernard Borrel.
La juge Clément a convoqué en vain comme témoin le président
djiboutien, de passage à Cannes en février dernier pour un sommet
franco-africain.
Ce chef d’Etat, qui nie toute implication, est mis en cause principalement
par un témoin, qui déclare qu’il a parlé du meurtre du
juge avec d’autres personnes le soir des faits. Cette déposition est
qualifiée de douteuse par sa défense car certains éléments
en ont été infirmés ou semblent sujets à caution.
Me Morice envisage un autre scénario.
"Nous sommes à peu près convaincu que Bernard Borrel a
été éliminé dans le cadre d’une entente entre
Français et Djiboutiens", dit-il.