01/06/01 (LIB 001) DJIBOUTI entre confusion et poudrière. Alerte urgente aux ONG et aux Pays donateurs

Djibouti,
entre confusion et poudrière …..
Il faut intervenir au plus vite pour éviter un drame !

Les
accords signés le 12 mai 2001 entre Ahmed Dini et le Gouvernement
djiboutien, prévoient plusieurs chapitres, en particulier
:


la démobilisation de tous les résistants armés
du Frud dans un délai très court,


le reclassement, la réinsertion ou l’indemnisation non
seulement des combattants mais aussi des sympathisants qui avaient
été écartés de leurs postes (réintégration
dans la fonction publique, mise à la retraite, octroi
d’une somme, …)


l’indemnisation des victimes et la reconstruction des zones
sinistrées,


la décentralisation avec la création de 5 régions
+ Djibouti ville avec un statut spécial (mais où
habite 60 à 80 % de la population de la République).

Il faut souligner une clause très particulière
qui limite complètement la portée apparente de
l’autonomie accordée. Elle concerne le budget des régions
qui ne sera pas voté par les représentants élus,
mais fixé par décret présidentiel …


une ouverture au multipartisme intégral prévu
en septembre 2002.

La raison invoquée étant la fin du délai
‘de test’ fixé par une première loi d’ouverture
qui limitait à quatre, le nombre de partis autorisés.
Or il semble que la légalité de cette loi soit
particulièrement contestable, dans la mesure où
elle n’aurait jamais été promulguée ….
Si cela était confirmé, il n’y aurait aucune raison
objective d’attendre 18 mois pour instaurer le multipartisme.


l’instauration d’une commission nationale pour s’assurer de
la transparence des opérations de vote (CENI).


Plusieurs pays africains ont mis en place des CENI avec des
résultats variés. Dans plusieurs cas, les observateurs
ont noté une diminution des fraudes électorales,
mais l’exemple actuel du TCHAD montre que la CENI peut être
totalement inféodée au pouvoir

Il
est prévu aussi que Djibouti sollicitera la communauté
internationale pour assurer le financement de toutes ces actions
: indemnisation des victimes et des combattants, travaux de reconstruction,
etc. Dans l’ensemble, la communauté internationale et la
France en particulier ont répondu rapidement de façon
positive à cette demande.

Sur
le papier, les accords organisent la fin d’un conflit désormais
latent et ils confirment la volonté d’ouvrir Djibouti à
la démocratie, à la justice et à un renouveau
économique. Qui pourrait s’en plaindre ?

C’est
la raison pour laquelle, la majorité des acteurs concernés
/ impliqués a salué leur signature : partis politiques,
gouvernements des états voisins et occidentaux et surtout
la population.

L’ARDHD
avait adoptée une position plus réservée,
pour plusieurs raisons :


les craintes signalées, ci-dessus,


l’octroi des budgets de fonctionnement régionaux par décret
présidentiel et non par vote de la représentation
publique et de préférence par une assemblée
de représentant des régions (ex Sénat par
opposition à l’Assemblée nationale). Mise en place
d’un statut spécial pour une zone où vit 60 à
80 % de la population, ce qui réduit les effets de la régionalisation,


la limite du pouvoir effectif des CENI en fonction de la réelle
volonté de transparence du Chef de l’Etat et du Gouvernement,


un geste du FRUD en terme de désarmement qui ne sera pas
suivi par l’ouverture simultanée au multipartisme, avec
le risque de manquer de moyens pour faire pression dans l’hypothèse
où le Chef de l’Etat refuserait en septembre 2002 de se
plier aux engagements pris ….


etc…

Face
à une majorité d’avis exprimés officiellement
en faveur des accords, l’ARDHD a donc choisi de laisser le terrain
de la communication aux hommes politiques et de ne pas prendre
le risque d’interférer dans un débat qui n’est pas
le sien.


Le communiqué de Kadami peut-il modifier la donne
et avoir des conséquences imprévisibles ?

Nous
tenons à dire que nous soutenons la position de Kadami,
parce qu’elle s’appuie sur les mêmes réserves que
celles que nous avions exprimées. Il a fait preuve de courage
et il respecte les idées qu’il a voulu défendre.

Mais
en agissant maintenant (après la signature du 12 mai) et
non avant, il a pris un risque important. Sa décision peut
susciter la confusion politique avec un nouveau fractionnement
du FRUD, mais elle peut aussi entraîner la réouverture
d’hostilités sangalantes.

Aurait-il
pu agir avant la signature dans la mesure où DINI a décidé
en solitaire sans informer son entourage du contenu et des termes
de l’accord ? D’après des témoins fiables,il n’aurait
découvert le contenu des accords que le lendemain de leur
signature, par l’envoi d’un fax …

Il
est évident que la communauté internationale, qui
a verbalement annoncé des ouvertures possibles de crédit
mais qui a déjà été ‘échaudée’
par Guelleh, a mis des conditions assez draconiennes au déblocage
des sommes, en particulier sur les conditions effectives de la
démobilisation des combattants.

Trois
semaines après la signature, aucune information n’a été
donnée sur des cas de restitution d’armes par des combattants.
On peut donc supposer qu’il y a un débat important parmi
les troupes du FRUD. Qu’en sortira-t-il ?

Démobilisation
générale :

peu vraisemblable, compte-tenu des positions prises par Mohamed
Kadami par le fils de DINI,

Aucune
démobilisation :

c’est à envisager, mais il serait étonnant qu’une
fraction des hommes qui vivent dans des conditions difficiles
ne choisisse pas d’y mettre un terme en profitant des avantages
proposés.

Une
dissidence partielle :

avec peu de risque de se tromper, on peut supposer qu’il pourrait
y avoir une démobilisation partielle, comme cela est déjà
arrivé à deux reprises dans le passé.

Il
restera donc, dans cette hypothèse, un certain nombre de
combattants dans le maquis.

Que
pourra faire Guelleh ?

Ne
pouvant encaisser les aides internationales, ce qui est sa préoccupation
prioritaire, il sera contraint de reprendre l’initiative des opérations
avec tous les risques inhérents. Il a certainement déjà
analysé la situation et le rapport des forces.

Depuis
quelques années, il a pu renouveler le matériel
militaire et accroître sa puissance de feu : deux hélicoptères
apaches (sous des couleurs hollandaises) avec des instructeurs
israéliens, des chars d’assaut chinois, et des armes.

Son
armée a donc la capacité de lancer une grande
offensive, d’autant plus que l’armée française,
bonne fille, ne refusera certainement pas son concours pour
lui indiquer avec précision la position des forces adverses
(Avertira-t-elle simultanément le FRUD de l’avancée
des colonnes de l’AND ? pas impossible puisqu’elle l’a déjà
fait …)

Il
reste à savoir si les militaires djiboutiens (plus les
mercenaires) sont suffisemment motivés pour s’engager
à fond dans une bataille pour les beaux yeux du dictateur.
Une réponse positive à cette question n’est pas
complètement certaine … il y aura sinon des défections
au moins un manque certain d’enthousiasme parmi les militaires
de l’AND.

De
leur côté, les résistants du FRUD vivent
une situation difficile. Ils ne peuvent plus espérer
d’aide de l’Erythrée qui s’est rapprochée de Guelleh,
ni du Yémen. Non plus de l’Ethiopie qui n’a jamais été
un partenaire fiable pour les Afar, les aidant un jour, les
emprisonnant le lendemain. Ils doivent donc assurer la lutte
dans des conditions précaires, confrontés à
de grosses difficultés de logisitique: nourriture, munitions,
télécommunication. Cela peut certes renforcer
la conviction, mais diminuer parallèlement leur efficacité.

Nous
sommes certains que Guelleh attaquera les maquis …. avec
le risque d’un carnage qui est très inquiétant.

Le
dilemme offert aux djiboutiens et aux hommes politiques ?

Se
voiler la face et faire semblant d’accepter des accords qui ne
seront probablement jamais respectés …. pour que Guelleh
et sa clique puissent s’enrichir un peu plus ….

Prendre
le risque de déclencher une tuerie générale
dans le Nord avec à terme un probable anéantissement
des forces du FRUD ?

 

Kadami
a pesé le pour et le contre et il a opté pour la
deuxième solution.

Il
est urgent que les ONG et que les Pays donateurs soient réalistes
et qu’ils comprennent la situation et les risque d’un embrasement.
Pouvons-nous rester indifférents face à un tel risque
?