12/11/07 (B421) RUE 89 / A Bossasso, Somalie, avec les candidats à l’exil (Info lectrice)
Par Stéphanie Braquehais (Journaliste)
Tout au long de la semaine, le récit de Stéphanie Braquehais, qui a partagé le quotidien de ceux qui rêvent de gagner le Yémen.
A Bossasso, ville portuaire au nord de la Somalie, des centaines de personnes s’enrichissent grâce au trafic de migrants. Venus d’Ethiopie ou de Somalie, plus de 30000 personnes ont risqué leur vie en 2006 pour atteindre les côtes yéménites.
L’avion contourne d’imposantes dunes de sable, qui font face à la mer Rouge pour atterrir à l’ouest de Bossasso, la ville portuaire du Puntland, région autonome dans le nord-est de la Somalie. Les contrastes de couleur du désert jauni et de la mer d’un bleu éclatant forment un paysage d’une beauté incroyable.
J’en oublierai presque le groupe d’hommes assis en cercle sur des chaises en plastique, qui observent chaque page de mon passeport avec attention. Ils s’agitent, expliquent au chauffeur qui est venu me chercher que les précédents visas posent problème: république de Somalie (Somalie du Sud) et Somaliland, (république autoproclamée en 1991, située au nord-ouest de la Somalie) avec un tampon de la capitale: Hargeysa.
Le Somaliland est l’ennemi du Puntland (région autonome également autoproclamée en 1998, par Abdulahi Yusuf, le président actuel du gouvernement de transition en Somalie du sud) qui lui dispute une zone frontalière, Las Anod, au gré de combats sporadiques depuis plusieurs mois.
« Nous ne voulons pas des gens qui viennent de là bas », articule dans un anglais sommaire, en guise de bienvenue, le responsable des visas, assis devant son bureau en bois uniquement occupé d’un encrier, d’un tampon et d’un registre de facture. Puis, avec un sourire ironique, il me prend d’un geste brusque mes 20 dollars et explique au chauffeur que je dois revenir demain matin pour qu’il appose le tampon du visa.
Il oublie toutefois de préciser que ce semblant de bureau d’immigration n’est ouvert que lorsque des avions, humanitaires pour la plupart, atterrissent et décollent, c’est-à-dire, trois jours par semaine, pendant une heure ou deux. Ceci n’est que le droit d’entrée sur le territoire du Puntland. Il me faut le visa insiste-t-il.
Plaque tournante pour les migrants
Bossasso est devenue depuis quelques années le point de convergence de dizaines de milliers de migrants qui cherchent par tous les moyens à traverser le golfe d’Aden pour atteindre le Yémen. L’année dernière, ils étaient estimés par les Nations unies à plus de 30000. Trois catégories: des habitants de Mogadiscio ou d’autres régions troublées du sud de la Somalie, des ressortissants de l’Ogaden, des Oromos, mais aussi des Tigréens, des Amharas d’Ethiopie.
Les réfugiés économiques se mêlent à ceux qui fuient la guerre, à Mogadiscio ou à l’est de l’Ethiopie en Ogaden, où l’armée gouvernementale mène la vie dure aux rebelles de l’ONLF (le front de libération de l’Ogaden) et du même coup aux populations civiles, hostiles au régime d’Addis Abeba.
Chaque communauté (somalis, éthiopiens) est organisée selon une chaîne bien précise, avec des filières distinctes pour chaque clan somali. Agents recruteurs dans les régions en question, chauffeurs de camions qui empruntent des chemins détournés pour éviter les principaux check-points, agents de liaison à Bossasso, propriétaires des bateaux qui emploient des navigateurs pour la traversée, le plus souvent des pêcheurs de la région, l’activité des migrants est devenue une source financière sans équivalent pour plusieurs milliers de personnes.