31/10/09 (B523) Nouvelles de Somalie (1 article en Français)

_______________________ 1 – CyberPress (Canada)

La Somalie, nouveau refuge du jihad mondial?

La Somalie serait-elle en voie de devenir un nouveau front du jihad mondial? Les signaux alarmants se multiplient, avertissent des experts, qui rappellent cependant que la Corne de l’Afrique a été dans les années 1990 un terrain difficile pour Al-Qaeda.

«L’influence d’Al-Qaeda augmente en Somalie» qui pourrait bientôt devenir «le nouvel Afghanistan», a mis en garde fin septembre le Commissaire européen au développement Karel de Gucht. En visite cette semaine à Londres, le premier ministre somalien Omar Abdirashid Sharmarke a estimé que son pays était devenu un «refuge» pour les jihadistes. «Ils s’y entraînent et préparent leurs opérations sur nos terres. La Somalie leur sert d’endroit idéal pour se regrouper et se redéployer».

L’influence d’Al-Qaeda est incontestablement en hausse en Somalie, avec un risque croissant «d’internationalisation» du conflit, s’inquiète dans son dernier rapport l’Institut de stratégie politique australien (ASPI).

Cet organisme observe «une tendance à la transformation du territoire somalien en terrain de bataille du jihad», alors que les insurgés islamistes shebab, en lutte contre un gouvernement de transition au bord de l’effondrement, ont fait allégeance au «cheikh» Oussama ben Laden.

Des centaines de volontaires étrangers -dont de nombreux Somaliens de la diaspora- combattent aux côtés des shebab et utilisent des méthodes déjà éprouvées en Irak, attentats suicide et engins piégés.

Ben Laden, qui a consacré trois messages à la Somalie depuis début 2009, a clairement proclamé qu’il voulait faire de ce pays un nouveau front du jihad contre l’Occident. Al-Qaeda avait pourtant échoué à s’implanter en Somalie en 1993-1994 et y fédérer les islamistes locaux luttant contre les casques bleus déployés dans le pays.

«De même qu’elle a été un obstacle pour les organisations occidentales, l’apparente anarchie qui règne en Somalie, dont beaucoup supposent qu’elle sert les intérêts d’Al-Qaeda, s’est avérée en fait un obstacle à son implantation», lit-on dans un rapport du Combatting terrorism center (CTC) de l’académie militaire de West Point (États-Unis).

Ces conditions «imposent des contraintes et dangers» aux ONGs humanitaires comme aux «cellules terroristes», relève le CTC. Le territoire somalien a été utilisé par Al-Qaeda «comme un lieu de passage et de refuge temporaire», mais «l’isolement et la rudesse du pays ont été un obstacle à la création d’une base arrière sûre».

Depuis son refuge au Soudan voisin (1991-1996), Al-Qaeda a rencontré dans la Corne de l’Afrique «d’importants problèmes financiers et logistiques», résume Jean-Pierre Filiu, professeur de sciences politiques en France, auteur des «Neuf vies d’Al-Qaeda».

La mission des jihadistes a également «tourné court, du fait du nationalisme volontiers xénophobe des milices somaliennes», «mettant en lumière la difficulté d’Al-Qaeda à se greffer sur un environnement non arabe».

La Somalie contemporaine «est sans gouvernement, mais pas sans gouvernance»: «l’hostilité des clans traditionnels et des pouvoirs locaux» a considérablement compliqué la tâche d’Al-Qaeda, souligne West Point, le tout au sein d’une société pastorale «traditionnellement difficile à mobiliser».

«Le contexte somalien a eu généralement tendance à inhiber et contraindre la montée de l’islam radical». L’islam local est traditionnellement modéré, avec une forte influence du soufisme, alors que le wahabisme pratiqué dans la péninsule arabique voisine, et revendiqué par les shebab, est considéré comme étranger à la culture locale.

À l’inverse, de nouveaux facteurs -comme la diasporisation de la société somalienne, l’urbanisation rapide et 18 ans de guerre civile-, ont érodé ces freins au radicalisme, rendant la société somalienne plus perméable à la réthorique enflammée d’Al-Qaeda.