12/11/10 (B577) Le Journal de la Flibuste – Navire panaméen détourné par les pirates: un Russe parmi les otages – Des pirates attaquent un bateau au large de l’Inde: 31 membres d’équipage pris en otage – Les pirates davantage intéressés par l’enlèvement que par les cargos – La présence des navires de guerre ne suffira pas pour lutter contre la piraterie en Somalie – Plus de 700 pirates somaliens emprisonnés à travers le monde (Onu) (6 articles)

__________________ 6 – AFP

Les mystérieux circuits de l’argent des pirates somaliens

De Michel MOUTOT

Des millions de dollars en petites coupures: les rançons touchées par les pirates somaliens excitent les convoitises et alimentent une économie parallèle dans toute la région et au-delà, assurent policiers et experts internationaux.

S’il a commencé de façon artisanale, avec d’anciens pêcheurs montant à l’abordage de ce qui passait à leur portée, le business de la piraterie au large de la Somalie est désormais aux mains de gangs structurés, riches, disposant de réseaux de financement, de renseignements et de négociation dans plusieurs pays.

"Cette année, nous sommes parvenus à connecter des enquêtes de piraterie entre l’Europe occidentale et l’Afrique de l’Est", dit Jean-Michel Louboutin, directeur exécutif des services de police d’Interpol.

"Nous avons publié notre première +notice rouge+, avis de recherche international pour quelqu’un recherché pour piraterie", ajoute-t-il.

Selon l’ONU, 37 navires ont été capturés depuis le début de l’année et aujourd’hui vingt navires et 438 marins sont entre leurs mains.

Et c’est une centaine de millions de dollars, selon une étude de l’institut londonien Chatham House, que les pirates ont engrangé ces deux dernières années.

Pour négocier, toucher et éventuellement recycler de telles sommes, les clans somaliens spécialisés dans la piraterie avaient besoin d’aide, et ils en ont trouvé.

"Nous estimons qu’ils ont des réseaux de correspondants dans la région", assure un expert international, qui prépare un rapport sur la question et demande à rester anonyme. "Cela leur permet de négocier les rançons, puis de transférer hors de la Somalie une partie de l’argent".

Un autre spécialiste de la question, basé lui dans les Emirats arabes unis, ajoute: "c’est l’ironie de Dubaï: les négociations sont menées ici, les parachutages d’argent sont organisés par des sociétés de sécurité qui sont basées ici. Une fois l’argent livré, une partie revient ici, discrètement".

Selon lui, ce sont encore une fois les "hawalas", système informel de transfert d’argent qui ne laisse aucune trace écrite, qui seraient utilisés.

Après un article du journal Independent, qui citait des enquêteurs travaillant pour des armateurs selon lesquels une partie des rançons repasserait par Dubaï, le chef-adjoint de la police de l’émirat a affirmé en avril que "l’argent des pirates n’est pas blanchi à Dubaï".

Mais dans l’édition 2010 de son rapport stratégique sur le contrôle des narcotiques (INCSR), le Département d’Etat américain écrit: "il est rapporté que les Emirats sont utilisés comme centre financier par les réseaux de pirates opérant au large de la Somalie".

Autre pays de la région, le Kenya, où les prix de l’immobilier se sont envolés par endroits de façon étrange depuis trois ans, est également désigné dans ce rapport qui estime que "le système financier kenyan pourrait blanchir plus de 100 millions de dollars par an, provenant des trafics de drogue et des fonds liés à la piraterie somalienne".

En 2008, un rapport de l’ONU, basé sur des témoignages recueillis dans la ville somalienne d’Eyl, haut-lieu de la piraterie, révélait que l’argent des rançons était partagé à parts à peu près égales entre les pirates, les milices locales et les chef traditionnels d’un côté et les financiers et sponsors de l’opération de l’autre.

Et les sommes en jeu suscitent des vocations bien au-delà de la Corne de l’Afrique.

Pour Birgen Keles, auteur d’un rapport remis en avril au comité des affaires politiques de l’Otan, "une nouvelle économie a fleuri dans le monde entier, avec des sociétés de sécurité, des avocats et des négociateurs spécialisés tirant profit de leur implication dans les affaires de piraterie".

"Londres semble être devenu le point de ralliement pour ces firmes qui aident les armateurs à résoudre les problèmes juridiques posés par le paiement des rançons", selon elle.

__________________ 5 – Ria Novosti (Russie)

Navire panaméen détourné par les pirates: un Russe parmi les otages

Les pirates somaliens ont capturé jeudi un navire battant pavillon panaméen avec 31 marins à bord dont un Russe, a annoncé le commandement de la Force européenne anti-piraterie Atalante.

L’équipage du chimiquier MV Hannibal II, qui transportait de l’huile de Pasir Gudang (Malaisie) à Suez (Egypte), comprend 23 Tunisiens, quatre Philippins, un Croate, un Géorgien, un Marocain et un Russe. L’arraisonnement a eu lieu à 860 milles marins à l’est de la Corne de l’Afrique.

Pour l’instant, aucun détail sur l’incident et l’état de santé des otages n’est disponible.

Les pirates somaliens présentent un grave danger pour la navigation maritime mondiale. En 2010, ils ont détourné 27 navires avec 544 membres d’équipage.

La Somalie, divisée entre différentes factions hostiles depuis la chute du dictateur Mohamed Siad Barre en 1991, n’arrive pas à réprimer elle-même la piraterie au large de ses côtes.

L’UE et l’OTAN luttent contre les pirates au large des côtes somaliennes dans le cadre des opérations navales Atalante (UE) et Ocean Shield (OTAN). Des navires militaires russes participent aussi aux missions d’escorte des cargos civils au large de la Somalie.

__________________ 4 – Nouvel Obs avec AP

Des pirates attaquent un bateau au large de l’Inde: 31 membres d’équipage pris en otage

Des pirates ont pris en otage jeudi 31 membres d’équipage d’un chimiquier près des côtes indiennes. La force européenne anti-piraterie Atalante a précisé que les pirates ont pris le contrôle du MV Hannibal II battant pavillon panaméen, alors que le navire parti de Malaisie se dirigeait vers le canal de Suez.

Les faits se sont déroulés à près de 900 miles nautiques (1.600km) à l’est de la corne de l’Afrique, plus près de l’Inde que de la Somalie. L’équipage comprend 31 personnes, dont 23 Tunisiens, et transportait de l’huile

___________________ 3 – Le Point

Les pirates davantage intéressés par l’enlèvement que par les cargos

Par Jean Guisnel

Dans une note technique fort pertinente, l’Institut supérieur d’économie maritime (ISEMAR) se penche sur le problème de la piraterie. Sous le titre Piraterie, perturbation de l’économie maritime ? la juriste Anne Gallais-Bouchet et François Guiziou du laboratoire LETG (Littoral – Environnement – Télédétection – Géomatique) de l’université de Nantes, abordent le sujet de façon très originale, contribuant ainsi "à une meilleure compréhension du phénomène", souligne le site spécialisé Mer et Marine.

Les auteurs expliquent que "la piraterie s’inscrit dans une recomposition globale des échanges mondiaux et des avantages qu’en tirent les populations littorales." Le "changement d’échelle" provoqué par la piraterie dans les eaux somaliennes s’explique à leurs yeux par "l’accumulation en moins de dix ans" de plusieurs "facteurs locaux". À savoir : "défaillance de l’État, réseaux commerciaux terrestres développés, armes, équipements et mains d’oeuvre disponibles, situation politique floue, goulet que forme le golfe d’Aden pour le trafic mondial, temps de réponse de la communauté internationale." Les navires attaqués sont en règle générale "particulièrement exposés en raison de leurs caractéristiques nautiques : franc-bord bas souvent inférieur à cinq mètres, vitesse inférieure à dix noeuds, manoeuvrabilité réduite, type de propulsion faible ou défaillant."

L’enlèvement, objectif privilégié des pirates

Anne Gallais-Bouchet et François Guiziou soulignent que la vraie cible des pirates ce sont les équipages, pas les cargaisons des navires, qui ne sont concernées que "par ricochet" : "l’enlèvement est devenu l’un des piliers de l’économie de la piraterie, la capture du marin s’affirmant progressivement comme un objectif privilégié des pirates en raison de leur valeur d’échange." De ce fait, ils observent que les conséquences économiques de la piraterie doivent être relativisées : "La cargaison n’étant pas la motivation première, la menace présumée que ferait peser la piraterie sur l’économie mondiale, symbolisée par les conteneurs, n’est pas corroborée."

Concernant l’emploi des sociétés militaires privées (SMP) embarquant des hommes armés à bord des navires de commerce, il est courant pour les armateurs continuant à transiter directement le long de la côte orientale de l’Afrique, comme Maersk, et pour les croisiéristes. "Ces mesures ont été efficaces", notent les auteurs, qui soulignent que "le cas de la pêche est difficile à gérer avec de nombreux incidents contraignant les armements à se protéger avec des moyens privés (Espagne) ou publics (France) et à délaisser certaines zones de pêche pour l’océan Indien. Un mal pour un bien, cela pourrait contribuer au renouvellement des stocks dans ces zones temporairement délaissées."

___________________ 2 – CasaFree (Maroc)

ONU : La présence des navires de guerre ne suffira pas pour lutter contre la piraterie en Somalie

Le problème croissant de la piraterie au large des côtes somaliennes nécessite plus que des efforts militaires, a averti, mardi, le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires politiques, Lynn Pascoe.

"Le problème de la piraterie au large des côtes somaliennes ne sera pas résolu par la présence de navires de guerre plus nombreux mais par une combinaison de mesures de dissuasion, d’édification d’un Etat de droit en Somalie et de développement économique et social", a-t-il indiqué devant le Conseil de Sécurité.

Plus de 438 personnes et 20 navires sont tombés entre les mains des pirates à la date du 4 novembre, soit près de 100 personnes détenues en plus en moins d’un mois, s’est alarmé M. Pescoe, relevant que ces chiffres "effrayants" font montre des risques accrus que prennent les pirates.

"La piraterie est une menace qui dépasse les efforts déployés par la communauté internationale à l’endiguer", a-t-il poursuivi avant de suggérer la mise en place d’une "réponse intégrée" à ce fléau.

Selon lui, le respect par les navires des règles de sécurité édictées par l’Organisation maritime internationale (OMI) ou encore l’allocation de davantage de financements au Fonds de soutien des pays qui luttent contre la piraterie, sont autant de mesures à inscrire au volet de la "dissuasion".

Le second pilier de cette politique porte sur le renforcement des capacités des forces de police somaliennes et des gardes côtes, alors que le troisième place la "réhabilitation économique" et la création de moyens de subsistance alternatifs au centre des efforts pour combattre la piraterie.

Près de 700 suspects ou personnes reconnues coupables de piraterie sont actuellement détenus dans 12 pays, dont la moitié en Somalie, précise-t-on.

___________________ 1 – Ria Novosti (Russie)

Plus de 700 pirates somaliens emprisonnés à travers le monde (Onu)

Plus de 700 individus condamnés ou soupçonnés de piraterie au large de la Somalie sont à présent emprisonnés dans 12 pays, la moitié d’entre eux sont détenus dans des prisons somaliennes, a annoncé mardi Iouri Fedotov, directeur de l’Office de l’Onu contre la drogue et le crime (ONUDC).

"L’ONUDC a élaboré ces deux dernières années un programme anti-piraterie pour aider les pays de la région à poursuivre les pirates en justice. Grâce au soutien de la communauté internationale, plus de 700 pirates, tant présumés que condamnés, se trouvent aujourd’hui en prison dans 12 pays. Plus de la moitié d’entre eux sont emprisonnés en Somalie", a indiqué M.Fedotov.

La lutte contre la piraterie maritime est un problème plus juridique qu’administratif. La communauté internationale n’a pas encore créé de mécanisme juridique de lutte contre la piraterie, il n’y a pas de tribunaux internationaux ni de prisons spéciales.

Pour l’instant, les actes de piraterie ne sont définis que par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer datant de 1982. Selon les spécialistes, elle a besoin d’être sérieusement revue et modifiée. Il faut des définitions plus précises. Il est également nécessaire d’élaborer et de codifier minutieusement un registre international des punitions pour des actes de piraterie.

Par ailleurs, les grandes puissances maritimes doivent avoir des fondements juridiques internationaux solides pour lancer des opérations contre les bases des pirates sur le territoire des Etats riverains.