22/06/11 (B609) Conférence internationale du Travail – Compte rendu provisoire 5D – 100e session, Genève, juin 2011 (Extraits concernant la représentation des syndicats djiboutiens et les protestations) (Info syndicats)
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__________________________ Extrait concernant Djibouti
Protestation concernant la désignation
de la délégation des travailleurs de Djibouti
30. La commission a été saisie d’une protestation concernant la désignation de la délégation des travailleurs de Djibouti, présentée par MM. Adan Mohamed Abdou, secrétaire général de l’Union djiboutienne du travail (UDT), et Kamil Diraneh Hared, secrétaire général de l’Union générale des travailleurs djiboutiens (UGTD).
Les auteurs de la protestation, qui estiment que l’UDT constitue l’organisation la plus représentative de travailleurs du pays, allèguent que le gouvernement a, une fois de plus, refusé de tenir compte de la liste des représentants désignés par leurs organisations respectives en vue de leur participation à la présente session de la Conférence. Selon eux, le gouvernement usurpe le nom de l’UGTD
et continue à faire fi de ses engagements pris devant la commission. Se référant à la déclaration du gouvernement adressée à la Commission de vérification des pouvoirs lors de sa 99e session (2010), à propos des élections syndicales de l’UGTD prévues en août 2010 en collaboration avec la Fédération syndicale mondiale (FSM) et la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA), les auteurs de la protestation demandent que des informations soient fournies à cet égard par la FSM, comme par le Bureau des activités pour les travailleurs (ACTRAV).
Ils demandent à la commission de prendre une décision effective et définitive à l’égard de la délégation de Djibouti. Dans des documents portés tardivement à la connaissance de la commission, l’organisation protestataire fait état d’un procès verbal non signé indiquant que les affiliés de l’UDT ont tenu leur congrès, dans la crainte et la discrétion, au siège de l’UDT, les 17 et 18 janvier 2010.
31. Dans une communication écrite adressée à la commission en réponse à sa demande, le gouvernement indique que l’UGTD a organisé son congrès ordinaire les 8 et 9 août 2010 à Djibouti. La tenue de ce congrès a été marquée par la présence d’observateurs nationaux et internationaux.
Il souligne que l’UGTD est affiliée à la FSM et que le secrétaire général adjoint de la FSM, M. Adib Miro, a assisté personnellement au congrès. Pour le gouvernement, l’UGTD devient la seule centrale syndicale ayant une représentation légitime. S’agissant de la désignation des représentants des travailleurs à la Conférence, le gouvernement indique avoir saisi par écrit l’UGTD et l’UDT en leur demandant de désigner leurs représentants par courrier daté du 3 mai 2011. L’UGTD a désigné MM. Abdo Dikieh Dirieh et Hassan Ali Doualeh, respectivement secrétaire général et premier secrétaire général adjoint de l’organisation. Quant à l’UDT, le gouvernement indique avoir reçu trois réponses distinctes portant sur la désignation des délégués.
M. Mohamed Youssouf et M. Ahmed Djama Egueh ont demandé par courriers séparés à être inclus dans la délégation. M. Mohamed Abdou a quant à lui adressé une liste comprenant un délégué (lui-même) et quatre conseillers techniques, dont trois de l’UDT (M. Hassan Cher Hared, également délégué suppléant; M. Farah Abdillahi Miguil; M. Souleiman Ahmed Mohamed) et M. Kamil Diraneh Hared, secrétaire général de l’UGTD. Il est indiqué que le directeur du travail et des relations avec les partenaires sociaux, en sa qualité de secrétaire de la Commission permanente du Conseil national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle a adressé un courrier au président de l’UDT, le 25 juillet 2010, l’invitant à prendre des mesures pour déterminer la représentativité de l’organisation. Le gouvernement précise que la lettre est restée sans réponse et que l’UDT n’a toujours pas organisé son congrès. Selon le gouvernement, M. Kamil Diraneh Hared, co-signataire de la protestation, a été officiellement invité à participer au congrès de l’UGTD, mais il ne l’a pas fait.
D’après le gouvernement, les auteurs de la protestation ne disposeraient d’aucun mandat syndical, comme les autres représentants des travailleurs proposés par MM. Mohamed Abdou et Kamil Diraneh Hared. Il n’existerait pas non plus d’intersyndicale UDT-UGTD.
32. La commission a entendu, au nom du gouvernement, M. Hassan Houmed Ibrahim, directeur de l’emploi et des relations avec les partenaires sociaux et délégué gouvernemental à la Conférence. Il était accompagné de deux conseillers techniques, Mme Koina Omar Dahelo, inspectrice du travail et des lois sociales, et M. Djama Mahamoud Ali, conseiller auprès de la Mission permanente à Genève.
Tout en déclarant ne pas être au courant des conclusions formulées l’an dernier par la Commission de vérification des pouvoirs, il a souligné que le gouvernement s’était borné à saisir l’UGTD et l’UDT en leur demandant de désigner leurs représentants; le fait que les lettres sont adressées au président pour une centrale syndicale (UDT) et au secrétaire général pour l’autre (UGTD) relèverait de la structure interne des organisations concernées qui désignent elles-mêmes les destinataires des communications du gouvernement.
Il a confirmé que, dans la mesure où l’UDT n’avait pas tenu de congrès, bien qu’il l’ait invitée à le faire, et que le gouvernement était en présence de trois réponses différentes de la part de l’UDT, le délégué et son conseiller technique ont été désignés dans les rangs de l’UGTD, seule centrale ayant une existence légale aux yeux du gouvernement. En ne nommant pas de représentants issus de l’UDT, il entend ainsi ne pas s’immiscer dans un problème de dissensions internes au sein de l’UDT. Selon lui, M. Abdou est secrétaire général d’un parti politique, ce qui serait incompatible avec l’exercice d’un mandat syndical.
33. Mme Osiris Oviedo de la Torre, secrétaire générale adjointe de la FSM, a fourni des éclaircissements à la demande de la commission. Elle a confirmé la tenue du congrès de l’UGTD les 8 et 9 août 2010 à Djibouti. Elle a présenté une déclaration de la FSM datée du 7 juin 2011 confirmant la légitimité de l’élection de MM. Abdo Dikieh Dirieh et Hassan Ali Doualeh à la tête de l’UGTD, pour la période 2010-2013. La FSM, représentée lors du congrès par M. Adib Miro, secrétaire général adjoint, atteste de la régularité de la procédure électorale et des actes adoptés lors du congrès.
34. La commission prend note de la déclaration de la FSM concernant la tenue du congrès de l’UGTD et de l’élection de ses dirigeants pour la période 2010-2013. Elle note que MM. Abdo Dikieh Dirieh et Hassan Ali Doualeh ont été respectivement élus secrétaire général et premier secrétaire général adjoint. Elle relève néanmoins que la protestation dont elle est saisie est co-signée par M. Kamil Diraneh Hared, en tant que secrétaire général de l’UGTD. Elle note que trois membres de l’UDT figurent sur la liste des représentants de la CSI à la présente session de la Conférence.
35. La commission exprime sa profonde préoccupation devant l’absence de progrès sur plusieurs points, ce qui ne permet pas de lever le doute sur la situation du mouvement syndical djiboutien. La commission regrette profondément l’absence d’engagement du gouvernement vis-à-vis du respect des procédures devant la commission, et plus
généralement vis-à-vis de ses obligations en tant que membre de l’Organisation
internationale du Travail.
36. La commission déplore que le gouvernement ne soumette pas les rapports qui lui sont demandés (voir paragr. 7). L’absence de coopération a pour effet de jeter le doute sur la volonté du gouvernement de mettre un terme aux problèmes récurrents soulevés à chaque session de la Conférence.
Le doute est d’autant plus grand au regard de l’absence de coopération du gouvernement, en dépit d’un appel pressant, dans un cas en instance devant le Comité de la liberté syndicale qui concerne des allégations de violations graves de la liberté syndicale à l’encontre de l’UDT et de ses dirigeants (cas no 2753, 359e rapport). La commission note que dans ce cas le comité a exprimé dans les termes les
plus forts son attente de voir le gouvernement prendre sans délai des mesures concrètes pour améliorer la situation.
37. Les auditions du gouvernement par la commission ne permettent pas non plus de lever les incertitudes qui pèsent notamment sur la situation de l’UDT. Le fait que l’UDT n’ait pu tenir son congrès, pour des raisons qui demeurent obscures, ne saurait préjuger de sa légitimité en tant qu’organisation syndicale.
De même, le fait que M. Abdou soit dirigeant d’un parti politique ne l’empêche pas a priori d’exercer un mandat syndical (Compte rendu provisoire no 17, 2001). La commission rappelle qu’il ressort des éléments d’information à sa disposition, notamment des recommandations des organes de contrôle de l’OIT depuis une décennie, des rapports des missions de contacts directs qui se sont rendues à Djibouti, et d’autres sources concordantes, que l’existence de l’UDT, dirigée par M. Abdou, dans le mouvement syndical de Djibouti, est une réalité (voir Compte rendu provisoire no 4C, 2009).
38. La commission considère, une fois de plus, que la protestation soulève des questions qui vont au-delà de celles qui concernent exclusivement la désignation de la délégation des travailleurs à la Conférence et, partant, qui échappent au mandat de la commission. La commission attire l’attention des organisations protestataires sur l’intérêt qui est le leur de présenter des allégations précises, étayées de documents pertinents, en lien avec la compétence de la Commission de vérification des pouvoirs.
39. Prenant note des élections qui se sont tenues au sein de l’UGTD, la commission veut croire que les mesures nécessaires seront prises pour clarifier rapidement l’ensemble du paysage syndical à Djibouti. La commission exhorte le gouvernement à prendre les mesures qui s’imposent pour que l’UDT puisse tenir son congrès, en toute indépendance.
Elle veut croire qu’un tel congrès permettra aux travailleurs de désigner leurs représentants en toute liberté, sans intervention des autorités publiques, que ce soit dans la détermination des conditions d’éligibilité des dirigeants ou dans le déroulement des élections elles-mêmes.
40. Dans un cadre qui respecte pleinement la capacité d’agir des organisations de travailleurs, le gouvernement sera ainsi en mesure de déterminer avec ces dernières des critères objectifs et transparents aux fins de la désignation des représentants des travailleurs à la Conférence internationale du Travail (cf. cas no 2450, 359e rapport du Comité de la liberté syndicale). Se référant aux recommandations du comité dans ce cas, la commission prie le gouvernement d’accepter une mission tripartite.
41. A la lumière de ce qui précède, la commission considère que la situation justifie de renouveler le suivi décidé par la Conférence à sa dernière session, c’est-à-dire un suivi renforcé. En vertu des dispositions des articles 26quater et 26bis, paragraphe 7, du Règlement de la Conférence, la commission propose à l’unanimité à la Conférence de demander au gouvernement de Djibouti de:
a) soumettre au Directeur général du Bureau international du Travail, d’ici à la fin de l’année 2011, un rapport détaillé sur les progrès accomplis à Djibouti en ce qui concerne l’établissement de critères permettant la représentation indépendante des travailleurs du pays et les actions entreprises de manière concrète pour parvenir à un règlement définitif du problème; et
b) soumettre à la prochaine session de la Conférence, en même temps qu’il déposera les pouvoirs de la délégation de Djibouti, un rapport détaillé étayé de documents pertinents sur la procédure suivie pour désigner le délégué et les conseillers techniques des travailleurs, en précisant les organisations qui ont été consultées à ce sujet et selon quels critères, le pourcentage de la main-d’oeuvre que les organisations consultées représentent, la date et le lieu de ces consultations, et le nom des personnes désignées par les organisations au cours des consultations ainsi que la fonction qu’elles exercent dans ces organisations.