12/12/2011 (B634) Le Journal « DJIBREVEIL » du Mabrass de Bareh Bouh ( Écrit par Ismail Osman –Wadaad Yare) Edmonton Alberta (Illustration par Roger Picon)

Le corrompu ? Le corrupteur ? Le couple inséparable et peu fréquentable

Y’en à Ras le Bol de ses Policiers Corrompu.

Mon étonnement passé, la déclaration a eu le mérite de : l’écrire cet épisode de corruption impliquant un incroyable sous- officier de police de circulation de Djibouti.

C’était le mercredi 28 mars 2007 à Ambouli, dans le 3eme arrondissement de mon voyage du Foret de Day à bord d’un taxi « clando ». Notre chauffeur s’était garé au niveau de la station de Mobile pour déposer un passager. Soudain, deux agents de la police routière entourent la voiture.

Leur uniforme, de couleur vert à l’origine a, depuis longtemps, viré sur un ton hâlé sous l’effet des intempéries. L’un d’eux, un sergent au col de la chemise crasseux, s’adressant au taximan, lance : « bonjour, puis-je voir tes papiers ? »

Le chauffeur fait une moue et sort ostensiblement un billet de 5.000 francs (FD) qu’il tend au Sergent, en lieu place des papiers :

« Chef, prenez ça et laissez-nous partir », plaide-t-il.
« Je ne prends pas cet argent ». Le taximan rajoute un billet de 1.000 francs.
« Prenez ça, Yaakhi (mon frère) et laissez-nous partir. On vient de loin ».
« Tu es sourd ou quoi ? Je ne prends de l’argent, je le jure. Si je prends cet argent, appelle-moi chien ! Nous ne sommes pas vendables. Tout ce que je te demande ce sont tes papiers : ton permis, l’assurance et la carte grise du véhicule, c’est tout ».

Témoin oculaire de cet échange, j’ai dû me pincer pour me convaincre que je ne dormais pas, tant j’étais ébahi ! Un policier Djiboutien qui refuse 6.000 francs d’un taximan !

Je me suis dit alors : « voici l’exception qui confirme la règle. Ce sont des agents professionnels». Jai été rapidement réconforté dans cette position, d’abord par le niveau de français irréprochable du Sergent, ensuite par la pertinence de ses observations.

Debout, raide dans ses bottes, l’œil rouge comme un coucher de soleil, le Sergent refusait dédaigneusement les 6.000 francs que lui tendait le chauffeur.

Malgré le plaidoyer appuyé des notables parmi les passagers. Devant cette intransigeance, le taximan se résigne à céder ses papiers. Dernier acte d’un chauffeur de Taxi Djiboutien depuis quelques années. Un baroud d’honneur !

Un conducteur Djiboutien ne donne pas facilement ses papiers à un policier. Il faut discuter, parlementer, se mettre en colère, prononcer des jurons, solliciter l’aide des passagers,…mais ne jamais donner ses papiers, puisque ça met l’agent de police en position de force et oblige à payer plus. Le sergent examine les dossiers pendant un court instant puis les refile à son second, un subalterne.

Nous sentons que ça va se compliquer. Chacun des passagers y va alors de son « pardon chef, on est fatigués ; nous venons du Foret de Day, c’est loin»…. Le policier reste de marbre.

Calmement, il se met à expliquer: « ce chauffeur est en parfaite irrégularité. Il roule dans une voiture immatriculée taxi – plaque de couleur noire – alors qu’elle est peinte en jaune, au lieu de blanc. Il n’est pas assuré, à vos risques et périls. Il détient une attestation de non gage, en lieu et place de la carte grise. Enfin, son permis est un document trafiqué, un faux ».

Avec de telles charges, le plus ignorant d’entre nous comprend que notre chauffeur est indéfendable. Les flics rangent les faux papiers et vont s’assoir plus loin sous un arbre pour se protéger du soleil.

Jusque là passif, je les rejoins en compagnie du taximan pour en savoir davantage sur leur méthode de travail si professionnelle.je demande le nom du Sergent – m’explique qu’il relève de la Brigade mobile. Il farfouille dans un calepin décati et sort un permis de conduire portant un numéro complètement identique à celui de notre chauffeur. « Vois-tu jeune homme, ce sont des documents scannés à des fins de trafic. Nous en saisissons quotidiennement. Votre chauffeur doit aller à la fourrière », me dit-il.

Notre-fautif-chauffeur essayait bien évidemment de se défendre avec des piètres arguments : tantôt, il avait oublié son vrai permis à la maison, tantôt il a confondu la carte grise du véhicule avec le certificat de non gage, etc. Chacune des ses phrases le plongeait davantage.

Enthousiasmé par le professionnalisme de l’agent et comprenant que les carottes étaient cuites de par sa détermination, je hasarde cette question. « Chef, y a-t-il un moyen pour nous permettre de rentrer à la maison ? Voyez que nous sommes fatigués par ce long voyage ». Petit silence. Puis il répond : « Oui, je peux laisser le chauffeur vous déposer au terminus des autobus et revenir. Pour ce faire je lui donnerai mon numéro de téléphone, en cas de contrôle devant ».

Au moment où je m’apprête à le remercier, il fait volte-face! « Non, allez plutôt vous voir et revenez me voir ». Tout de suite, j’ai eu du mal à saisir le sens de sa phrase, un nom de code. Contrairement au chauffeur et un des sages qui nous avait rejoints entre temps.

Ils tournent le dos, se concertent brièvement et reviennent avec 15 000 Fdj qu’ils tendent au commandant.

Celui-ci compte l’argent et répond : « c’est trop peu ». J’étais perdu ! Le sage rajoute de sa poche un autre billet de 5.000 Fdj. Le poulet empoche les 20.000 Fd et dit tout simplement à notre intention : « vous pouvez partir » ! Un « Putain de merde » involontaire s’échappe de ma bouche ! J’étais complètement désemparé par le rapide retournement de la situation.

Une heure de négociation et un chauffard en flagrant délit d’infraction, le sergent de la police vend le tout à 20.000 FD ! J’étais moins choqué par l’acte de corruption lui-même – c’est devenu monnaie courante – que par le temps qu’il a consacré pour l’accomplir. Et surtout son semblant d’honnêteté initial. Un policier hautement qualifié mais pourri jusqu’aux os !

Comparé à l’agent Canadien, propre et ordonné, le policier de la circulation à Djibouti en est un pauvre hère crasseux qui vit de racket sur lequel on tape à chaque fois qu’il ose réclamer de meilleures conditions de vie et de travail.

C’est de là que nos chauffeurs de taxi, Autobus et autre transporteurs perpétuels hors-la-loi, tirent leur indélicatesse. Entre les deux, sont coincés les passagers qui trinquent perpétuellement. Un cercle vicieux et infernal dont les autorités Djiboutienne s’en tapent royalement.

Récit de Mohamed Omar