13/04/2016 (Brève 765) LDDH : publication du rapport final sur l’élection présidentielle du 8 avril 2016
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I Introduction
1. Conformément à la recommandation de la dernière Mission électorale de l’Union Africaine en 2013, la LDDH s’est inscrite au chapitre des observateurs nationaux des élections.
2. Pour ce faire, la LDDH a écrit plusieurs correspondances au Ministre de l’Intérieur chargé d’organiser les élections présidentielles prévues le 08 Avril 2016.
3. Sous la supervision du Président de la LDDH la cellule d’observation a été créée le 20 Février 2016. Elle fut composée de 180 membres repartis sur l’ensemble du territoire.
4. La cellule d’observation a débuté ses travaux le 1er MARS 2016 et a travaillé jusqu’au 10 Avril 2016.
- MANDAT et objectifs
- La cellule a pour mandat l’observation de la préparation de l’échéance électorale, la campagne et enfin le déroulement du scrutin conformément aux dispositions de standards internationaux et africains de la démocratie des élections et de la bonne gouvernance.
- Vérifier et évaluer l’existence des conditions à l’organisation des élections libres transparentes et inclusives permettant aux djiboutiens d’exprimer leur choix.
II. Contexte Général
1. La République de Djibouti est située au nord de la Corne de l’Afrique et a des frontières avec la Somaliland au Sud, l’ETHIOPIE à l’ouest et l’Erythrée au Nord. Sa superficie est de 23700 km².
2.
Selon le recensement de 2011, la République compte environ 858 767 habitants dont les 3/4 dans la Capitale.
3.
La République de Djibouti comprend 5 régions de l’intérieur et le district de Djibouti.
- Région d’OBOCK
- Région de TADJOURAH
- Région d’ARTA
- Région de DIKHIL
- Région d’ALI-SABIEH
III. Contexte politique et légal de l’élection présidentielle du 08 Avril 2016
- L’accord-cadre signé le 30 Décembre 2014 entre l’USN et le gouvernement est mort depuis longtemps faute d’application de la partie gouvernementale.
- Le massacre de 21 Décembre 2015 à Bouldhouqo, suivi d’arrestations et détentions arbitraires basées sur l’appartenance tribale à Djibouti et les arrestations puis des incarcérations des civiles uniquement à cause des liens familiaux avec les rebelles du FRUD dans les régions du NORD et du Sud ouest du pays ont inculqué aux djiboutiens une profonde peur du régime en place à Djibouti.
- La cohésion de l’USN a volé en éclat à l’approche de l’élection présidentielle.
- Le silence voire la complicité des pays occidentaux à l’égard du régime djiboutien et sacrifier la liberté d’un peuple et les droits humains pour des raisons sécuritaires, telle semble être la politique adoptée par les pays démocratiques de l’Occident.
- Donc l’élection présidentielle du 08 Avril s’est déroulée dans un contexte différent de celui des élections précédentes. Six candidats avec le Président sortant se sont présentés en suffrage du peuple. Deux candidats se sont réclamés de l’USN.
Il s’agit de :
MOHAMED DAOUD CHEHEM
OMAR ELMI KHAIREH
Et enfin, 3 candidats indépendants il s’agit de :
DJAMA MOHAMED DJAMA
MOHAMED MOUSSA ALI
HASSAN IDRISS AHMED
Et le président sortant ISMAIL OMAR GUELLEH
- La constitution de la République de Djibouti reconnait et garantit les droits fondamentaux et libertés nécessaires à la participation des citoyens au processus électoral. Elle prévoit des élections au suffrage universel, direct égal et secret.
- Administration électorale
L’administration des élections présidentielles du 08 Avril 2016 est repartie entre deux structures :
a) Le Ministre de l’Intérieur qui est l’organisation centrale de l’élection et la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) qui, dans la pratique a très peu des pouvoirs.
- Inscription des électeurs et retrait des cartes d’électeurs.
4) il s’est avéré que moins de 20% de la population djiboutienne étaient inscrits sur le registre électoral. Les djiboutiens ont boudé les retraits des cartes d’électeurs dans la grande majorité. Les équipes de la LDDH ont noté un très faible taux de retrait d’électeur dans la Capitale et dans les régions de l’Intérieur malgré une forte campagne de sensibilisation menée par le Ministre de l’Intérieur (Spots radiotélévisés, distributions porte à porte etc.) Comment expliquer une telle situation ?
- la LDDH a rendu des visites et a écouté les avis des uns et des autres sauf de l’UMP où cela lui fut impossible. Les candidats de l’opposition se sont montrés très critiques et ont émis des sérieuses réserves sur l’indépendance de la CENI, la neutralité de l’administration centrale et locale chargées des élections, l’inexistence des listes électorales. Ils ont dénoncé les entraves aux libertés individuelles, le traitement partisan des médias publics et les arrestations arbitraires et les entraves à la circulation des leaders de l’opposition.
IV. Constats
- a) La campagne électorale
1. Les équipes de la LDDH ont noté que tous les établissements publics et privés, les banques et les commerçants de la place ont contribué au budget de campagne du Président sortant. Ces contributions ont faussé dès le départ les règles de l’égalité car le manque des moyens des autres candidats était flagrant.
- D’une façon, générale la campagne électorale s’est déroulée dans le calme. Aucun incident majeur n’a été enregistré. Les équipes de la LDDH ont observé une très faible mobilisation pour cette élection pourtant importante pour l’avenir du pays. Les équipes de la LDDH ont noté que tous les acteurs n’ont pas eu le même accès aux médiats d’ETAT.
Le candidat de l’UMP, le Président sortant et ses partisans n’avaient aucune astreinte d’observer le temps imparti à chaque candidat à la RTD. Le discours et les meetings de certains candidats de l’opposition étaient censurés.
- b) Ouverture des Bureaux de vote
Les équipes de la LDDH ont relevé que plusieurs bureaux de voté étaient installés dans des lieux non neutre tels que la préfecture, des commissariats de police, les arrondissements. Pour les régions de l’intérieur les équipes de la LDDH ont noté que plusieurs bureaux étaient situés dans des zones où habitent quelques personnes.
- la plupart des bureaux ont ouvert entre 6h 30 et 7h accusant un retard d’une heure dû essentiellement à l’arrivée des membres de vote.
- A l’ouverture des bureaux de vote, les équipes de la LDDH ont noté une très faible affluence des électeurs. Cette participation s’est progressivement raréfiée vers la fin des opérations.
- Dans les régions de l’intérieur les opérations de vote ont été clôturées vers 13 heures et aussitôt les dépouillements ont débute dans la plupart des bureaux de vote.
- C) Les Délègues des Candidats
- les équipes de la LDDH ont constaté l’absence totale des délégués de l’opposition dans tous les bureaux de vote des régions de l’intérieur et parfois dans certains bureaux de la Capitale.
Interrogés, les candidats de l’opposition nous ont déclaré que les conditions imposées par le Conseil Constitutionnel pour délivrer les autorisations ont éliminé beaucoup de leurs délégués.
- les équipes de la LDDH ont noté la présence de délégués de l’UMP dans tous les bureaux du pays mais la plupart des ces délégués semblaient ne pas avoir une idée claire de leurs rôles et attributions.
- les délégués de la CENI étaient présents dans tous les centres.
- D) Sécurité
Les équipes de la LDDH ont constaté la présence des forces de défense et de sécurité aux alentours des centres de vote et même à l’intérieur des bureaux de vote. Les équipes de la LDDH ont observé l’arrivée massive des forces de défense et de sécurité pour voter dans certains bureaux.
Egalement il a été constaté, la présence de la milice électorale aux abords de bureaux de vote qui parfois menaçait les partisans des candidats de l’opposition et tantôt servait des dealers pour l’achat des consciences des électeurs auprès des femmes de l’UNFD qui payaient entre 2500 et 5000FD le vote en faveur du Président sortant.
V. DEPOUILLEMENTS
1. Les équipes de la LDDH ont noté pour les dépouillements des régions de l’intérieur ce sont seulement les délégués du Président sortant qui ont assisté en raison de l’absence des délégués de l’opposition.
- A Djibouti les équipes de la LDDH ont constaté que les délégués de l’opposition n’étaient ni en nombre suffisant et n’avaient ni la compétence requise pour la fonction de délégué. Par conséquent ils n’étaient pas en mesure de s’acquitter de leur tâche.
- Seuls les délégués de l’UMP aidés par les cadres de leur formation politique se sont imposés et ont accompli ce qu’ils voulaient. C’est à ce moment là que les équipes de la LDDH ont noté le gonflement des nombres des votants et le score attribué à chaque candidat, le nombre réel des votants était multiplié.
Ex : 36 votants réels*10= 360 votants fictifs
340 voix pour IOG et le reste à partager entre les autres candidats.
Telle fut la liberté la technique appliquée par les dépouillements !
Au cours de la 1ere Semaine de la campagne, le Président de la « CENI » avait déclaré sur les antennes de la RTD que le nombre d’inscrits sur le registre électoral était un peu plus de 179 000 électeurs et vers la fin de la 2e Semaine le même Président de la CENI a déclaré toujours sur les antennes de la RTD que le nombre d’inscrits était désormais un peu plus de 187 000 électeurs et électrices.
Et lors de la proclamation des résultats le Ministre de l’Intérieur dit ceci « Sur 197 768 votants soit 68% d’inscrits, le Président sortant ISMAIL OMAR a recueilli 112 000 voix soit 86,68%.
Au final, le nombre d’inscrits sur le registre électoral devenait 230 000 électeurs.
Comment expliquer une telle inflation ?
VI. Médias Internationaux
AFRICA 24 fut la seule chaine invitée et autorisée par la Présidence à couvrir cette élection présidentielle.
BBC avait obtenu une accréditation qui fut suspendue au cours de la campagne :
2 journalistes de cette radio ont été arrêtés puis expulsés du pays (07/04/2016 « Une démocratie nerveuse ». Agression de la police du régime contre la presse internationale. En reportage à Djibouti, une équipe de la BBC a été arrêtée, son matériel de prise de vue saisi et ses trois membres ont été placés en garde à vue. Après huit heures d’interrogatoire, ils ont été expulsé le lendemain, via l’aéroport (En anglais Info correspondant article rédigé par Tomi Oladipo BBC Monitoring Africa security correspondent)
Lien avec l’article original : http://www.bbc.com/news/world-africa-35971793.)
Au terme de ses observations la LDDH note que :
_ Certes l’élection présidentielle du 08 Avril 2016 s’est déroulée dans le calme.
_ Cependant le scrutin n’était pas inclusif car le taux de participation était de 9% de la population djiboutienne.
_ Le scrutin n’était pas libre, car la peur a empêché plus d’un djiboutien à y participer en qualité de candidat ou d’électeur.
_ Enfin, le calme n’est pas synonyme de l’expression du peuple et ne peut remplacer en aucun cas le vote populaire.
_ Le taux d’abstention si élevé est révélateur de la fracture entre le peuple et les acteurs politiques du pays.
_ Renvoie dos à dos toute la classe politique du pays (Pouvoir et Opposition) car leur faillite est sans équivoque.
_ Si l’alternance s’impose à la tête du pays, il en est de même pour l’opposition qui n’a aucun projet de société en alternance.
_ Lance un appel solennel au peuple djiboutien à prendre conscience sur l’état réel de leur pays et agir en conséquence.
Fait à Djibouti le 13 Avril 2016
L’équipe de la LDDH
La cellule d’observation