29/10/05 (B322) Me Aref : chantre de la dictature ou couard vieillissant ? (Mohamed Qayaad)

Zakaria a-t-il demandé à Me Aref de le venger contre l’ARDHD. Exactement comme le phèdre de Racine met en oeuvre un amour, qualifié d’impossible. Me Aref a-t-il eu la charge d’éliminer un affreux monstre affreux, qui avait eu l’audace de dévoiler sa duplicité, sa fourberie et j’en passe ?

Arrivera-t-il à faire taire l’ARDHD ? Un message paru sur son site peut-il justifier, à lui seul, un tel déploiement judiciaire ? Rien n’est moins sûr.

Ce déferlement de la médiocrité aura-t-il pour résultat final d’encourager la résistance à l’oppression et au régime ? .

Résistance à l’apologie de l’avilissement et de la marchandisation de l’être humain.

Me Aref n’a pas lésiné sur ses moyens d’intimidations. Il est le soutien d’un tyran, et rien ne dit qu’il l’aime. Il interroge, dans sa plaidoirie, l’ARDHD qu’il considère non pas comme un objet déterminé mais comme un mystère qui est devenu une charge inutile à ses yeux.

Dans sa plaidoirie, dont le contenu a effectivement peut-être été jugé trop inconsistant pour être convaincant, où tout était mis en scène, où l’allégresse enjouée des rencontres et de la vie conduisent à la prédétermination de Zakaria pour créer l’événement, le drame, comme dans l’infernal huis clos sartrien ( » l’enfer, c’est les autres  » ! ) ; dans cette évidence aréfienne du déshonneur, c’est l’illusion de son humanité qui semble s’effondrer. Sa piètre prestation à convaincre de la culpabilité de l’ARDHD a tranché avec sa promesse « de se battre » au procès.

Mais sa plaidoirie ne serait-elle pas de la lâcheté déguisée en sainteté ?

Mais qui veut de cette vérité-là ? Qui peut décemment l’accepter ?

Ce n’est pas une nécessité vitale qui le (Me Aref ) pousse, mais il est possible l’appât du gain ou plutôt le besoin de reconnaissance.

La gloire : être reconnu par le plus grand nombre, Aujourd’hui la réussite se mesure à la capacité de faire parler de soi.

Quoi que l’on en dise, il me semble que c’est une infinie détresse qui le pousse dans l’œil de la société spectacle, dans le fol espoir d’enfin exister. Faute de pouvoir être, le paraître fait bien l’affaire !

Les totalitarismes ont pu bâtir des cohésions fortes autour d’idéologies et de sentiments nationaux ; les intégrismes ont obtenu le même résultat sur la base de l’intolérance religieuse et du sentiment intransigeant de posséder la vérité. Eh bien, Me Aref fait la même chose avec un peu de zèle, un peu de gens crédules, et pas mal de stupidité.

Il est frappant de constater de quelle manière son mensonge sert de support au régime liberticide djiboutien : tout d’abord, en abolissant le passé de telle sorte qu’occulté, déformé, travesti, il n’éveille pas la conscience des individus et ne permette ni nostalgie, ni révolte. Le contrôle du présent doit venir compléter la maîtrise du passé dans la logique des régimes totalitaires. Ainsi, Me Aref , au service du système, n’hésite pas à tromper ses semblables afin de garantir la stabilité politique et sociale nécessaire à une domination totale.

Je le cite “Depuis les accords de Mai 2001 , Djibouti est sur la voie de la légalité et de la réconciliation nationale ””Il pourrait donner des leçons à beaucoup d’autres pays. . . ”Est-ce un coup de propagande de bas niveau pour déformer la réalité ? Avait-il l’intime conviction de ce qu’il disait ? Etait-il persuadé sans être pour cela convaincu. ? Voulait-il donner un corps à sa cause et non des mots à son discours ? Etait-il possédé par le démon ? Etait-il hanté par une haine qui l’a rendu fou ? Je ne le sais pas. Autant de questions auxquelles il faudra répondre.

Ratifier des accords est une chose, les appliquer en est une autre.

Nous nous trouvons en somme devant un double cas de cécité hystérique, analogue à celle dont est frappée Hélène ( du roman de Flournoy ) dans la transe, et qui fait disparaître les assistants à sa vue, chacun des deux partenaires méconnaissant.

Mensonge ! Mensonge ! Mensonge qui ne sera donc qu’un outil de sa fuite en avant. . Son mensonge apparaît donc comme une solution, comme un moyen de conserver son intégrité et son identité.

Ne devient-il pas créateur de fausses vérités qui tendent au néant, à l’endroit où le langage ne permet même plus de dénoncer les excès du pouvoir.

Je l’ai trouvé à la fois terrifiant et pitoyable, à l’instar du Himmler décrit par Malaparte dans Kaputt !

Le mystère qui tourne autour de Me Aref ne cesse d’intriguer. Coquetterie outrancière, escroc stratège , génie de la mystification ou génie tout court ?

Il ne se vend pas seulement, il se réfute ! Ce fut dit, répété… négligé. On savait, on en riait à l’occasion, ou montrant les autres du doigt, les ignobles ! On s’en offusquait bruyamment. Le mépriser ? Non bien sûr. Jamais !

Que pouvons-nous espérer quand la liberté que l’on nous propose sonne le glas de notre espérance, sinon qu’enfin nous comprenions, comme l’a si bien dit Montaigne en un temps où la vanité des hommes s’affirmait dans le refus de leurs différences, que la vraie liberté est de pouvoir toute chose sur soi-même.

Le comble de la vanité est de se mépriser soi-même. .

L’histoire de l’humanité est l’histoire de la force et de la loi du plus fort.

L’allégeance à la puissance a toujours été le maître mot de tous ceux qui veulent réussir.

L’intérêt que porte Me Aref pour défendre Zakaria est certes indiscutable. Il faudra que l’on se souvienne, dans les mois à venir, comment la misère humaine conduisit à sa perte totale de toute dignité et de tout sentiment humain. Comment l’absence de toute valeur que l’homme attachait à sa propre existence entraîna une identification de celle-ci avec les attributs officiels de la citoyenneté économique. Comment l’ignorance du moindre contenu transcendant de son être poussa Me Aref – à se projeter totalement dans une dimension vide de l’existence, où il n’apparaissait plus que dans un rôle adapté à la pérennisation de la vacuité culturelle et spirituelle.

Me Aref mobilise deux dispositifs : la transparence totalitaire et la servitude volontaire.

La «transparence totalitaire» a été génialement préfigurée dans le roman de Georges Orwell «1984 » avant que d’être érigée en système de contrôle social absolu des actes et des pensées de tous et de chacun, par les grands totalitarisme du XXe siècle: elle consiste non seulement en une surveillance permanente des faits et gestes de chacun, mais en procédures de pénétration dans l’intimité même de la conscience – afin de débusquer et de prévenir tout germe de dissidence ou de critique, et au fond la liberté d’éprouver et de penser par soi-même. « La double pensée est le pouvoir de garder à l’esprit simultanément deux croyances contradictoires et de les accepter toutes deux. » (p. 303) ; « elle est un vaste système de duperie mentale. » (p. 305).

Enfin, cet ingrédient serait sans force sans l’intervention, cette fois personnelle, de la «servitude volontaire» décrite dès le XVIe siècle par l’ami de Montaigne, Étienne- De La Boétie. Il désigne par cette expression le consentement apparemment «libre» au pouvoir en lace, et qui aboutit à lui confier corps et âme, l’entière disposition de soi-même moyennant quelques compensations flatteuses. Cet accord de soumission est au service d’une obéissance durable et sans failles, faute de quoi elle ne serait que contrainte haïssable ou calculatrice et provisoire, et le pouvoir réduit à la condition de «tigre en papier».

Le régime dictatorial djiboutien se sert donc bien de Me Aref comme personnage falsificateur, afin de démasquer les citoyens insoumis et séditieux : à ce titre, il devient un personnage fantomatique et négatif, simple jouet du gouvernement.

Me Aref est une belle illustration des errances vers lesquelles peut conduire la recherche débridée du profit. Quand la course à l’argent est la référence qui détermine les choix et les actions, que reste-t-il de l’homme ? .

Mohamed Qayaad