28/10/08 (B71) AFP : Somalie: l’Ethiopie prête à se retirer, sans laisser la place aux islamistes.

Désireuse de s’extraire d’un bourbier militaire, l’Ethiopie a annoncé un retrait progressif de ses troupes de Somalie, tout en prévenant qu’elle n’hésiterait pas à renvoyer son armée à Mogadiscio pour empêcher les islamistes radicaux de prendre le pouvoir.

Cette décision fait suite à la conclusion d’un accord ce week-end à Djibouti sous l’égide de l’ONU entre le gouvernement somalien de transition (TFG) et la principale coalition de l’opposition, l’Alliance pour une nouvelle libération de la Somalie (ARS, islamistes modérés).

Cet accord vise d’une part à mettre en oeuvre le 5 novembre un cessez-le-feu signé en juin mais jamais respecté, et d’autre part le retrait progressif d’ici début 2009 des troupes éthiopiennes présentes depuis fin 2006 en Somalie pour soutenir militairement le TFG.

"L’accord va dans le sens de la position de l’Ethiopie sur le retrait en bon ordre des troupes" de Somalie, a commenté lundi Wahide Belay un porte-parole du ministère éthiopien des Affaires étrangères.

En fait, Addis Abeba souhaite quitter depuis plusieurs mois la Somalie, où son armée fait face à la violence quotidienne et à la résistance, notamment à Mogadiscio, des milices islamistes extrémistes, les Shebab.

Répondant à une question d’un parlementaire de l’opposition le 16 octobre devant le Parlement, sur un "plan de retrait de Somalie", le Premier ministre éthiopien Meles Zenawi avait assuré qu’il lui était impossible de fixer un calendrier précis mais que cela dépendait de "l’engagement politique des responsables somaliens".

M. Meles avait toutefois souligné que même en cas de retrait, "s’il y avait une menace, nous reviendrions pour briser les shebab. N’importe quel gouvernement (somalien) est préférable aux shebab, il est de l’intérêt de l’Ethiopie et du peuple somalien de tout faire pour qu’ils ne reviennent pas au pouvoir".

Une source gouvernementale éthiopienne a indiqué récemment à l’AFP que "les soldats éthiopiens se sont déjà en partie retirés de Mogadiscio, ils ne sont plus à la Villa Somalia (résidence du président) ni dans le centre ville mais dans la périphérie. L’Amisom (Force de paix de l’Union africaine) a pris le relais".

"Nous avons demandé depuis le début un retrait, et une date pour ce retrait de l’armée, nous tentons de faire pression sur le gouvernement, donc nous nous réjouirons du retrait, le plus tôt sera le mieux", a déclaré à l’AFP par téléphone un des chefs de l’opposition parlementaire éthiopienne, Beyene Petros.

Selon lui, "l’Ethiopie devrait contribuer à la restauration de la paix en Somalie dans le cadre de l’UA ou de l’ONU, mais elle ne peut pas seule assumer ce fardeau coûteux et très controversé".

Selon un spécialiste de la Somalie ayant requis l’anonymat pour des raisons de sécurité car se rendant régulièrement dans le pays, "les Ethiopiens ont vraiment planifié une sorte de retrait militaire" et pourraient ne garder le contrôle que de quelques lieux stratégiques, comme l’aéroport de Balidogle, à 90 km à l’ouest de Mogadiscio qui permet l’approvisionnement aérien des troupes gouvernementales, et quelques positions le long de la frontière.

En effet, l’Ethiopie ne veut pas laisser un vide sécuritaire en se retirant de Somalie alors que l’Amisom, forte d’un peu plus de 3.000 hommes, n’est pas en mesure de remplacer le corps expéditionnaire éthiopien, estimé à 10.000 militaires.

Pour les insurgés qui la harcèlent, l’Amisom est aussi impopulaire que l’armée éthiopienne.

Seulement implantée à Mogadiscio, cette force a, selon un expert occidental, "commis l’erreur de tirer au mortier sur des zones habitées par des civils".

Les shebab, qui ne participent pas aux négociations avec le TFG, ont déjà annoncé qu’ils ne respecteront pas l’accord de Djibouti.