30/09/1999: Décès tragique du militant des Droits de l’Homme au Tchad : Néhémie BENOUDJITA, par empoisonnement.

REPUBLIQUE DU TCHAD
ASSEMBLEE NATIONALE
COMMISSION COMMUNICATIONS DROITS FONDAMENTAUX ET LIBERTES
DEPUTE FEDERALISTE

PRESIDENT DE FORELLI

N’Djaména, le 29 septembre 1999

Chers Amis et Amies,

Le Tchad en lutte est en deuil.
La nuit du 29 au 30 septembre est la nuit la plus longue et la plus pénible pour nous qui luttons contre l’arbitraire, la dictature, le fascisme, le totalitarisme, et le génocide au Tchad.

Notre ami et frère de lutte, Néhémie BENOUDJITA, Directeur de Publication du journal, LE TEMPS, est foudroyé par un poison très actif. Emmené à l’hôpital, il est entré dans le cama le dimanche 26 septembre 1999 pour rendre l’âme le mercredi 29 septembre 1999 à 16 heures.

La ligne éditoriale de ce journal est claire et nette. Le Directeur de Publication qui ne cache pas sa volonté et sa détermination de lutter pour la paix, la bonne gouvernance, l’Etat de droit au Tchad n’est pas allé du dos de la cuillère pour dénoncer les massacres des Tchadiens, le carnage des Tchadiens, le génocide des Tchadiens, la gabegie, la corruption, les prévarications, le détournements des deniers publics, en un mot, tous les maux dont souffre le Tchad.

Il écrit ses articles avec ses tripes et traduit ses sentiments au vitriol. Sa mort programmée depuis de longue date est un coup très dur porté à la contestation tchadienne à la veille de la décision de la Banque Mondiale pour l’exploitation du pétrole tchadien.

Nous tenons à rappeler à votre aimable attention que :

Le 15 juillet 1999, Monsieur MADROMNGAR (notre codétenu de la prison de N’Djaména) a reçu une balle au pied, balle tirée par deux personnes enturbannées et à bord de motos non immatriculées. Rappelons que les motos non immatriculées sont généralement celles des militaires de la garde prétorienne dite garde présidentielle (GP) (cf. note de l’intéressé).

Le 19 juillet 1999 à 21 heures, Monsieur Adrien MALLO BEHOM, professeur de l’Université de N’Djaména qui commence à être critique dans ses cours à l’égard du régime, a reçu une balle dans le ventre tirée à bout portant par deux personnes enturbannées à bord d’une moto non immatriculée entre deux postes de contrôles de police à savoir le rond point de Chagoua et le rond point de la mort à Moursal (cf. rapport de l’intéressé).

Le 3 septembre 1999 à 16 heures, Monsieur Laoukein MBAINODJIEL KEITOTO sort de chez lui pour ne plus revenir à son domicile. Trois jours et trois nuits de recherche de sa famille se sont avérées vaines.

Le 5 septembre 1999, baigné dans une marre de sang, on le retrouvera au cimetière de WALYA à la sortie de N’Djaména vers le sud du pays avec le crâne défoncé, le visage, le thorax et ses parties intimes brûlés.

Crime parfait, c’est le cas puisque l’on trouvera à côté de lui deux boîtes de 60 comprimés de nivaquine vides, un paquet de cigarette vide alors qu’il ne fume pas, une bouteille d’acide sulfurique vide etc. Mais, les assassins n’ont pas pris la peine d’effacer les traces de leurs chaussures militaires et d’autres indices.

La police conclura hâtivement pour le besoin de la cause que Laoukein s’est suicidé (cf. oraison funèbre de Monsieur Laoubara MAYOROUM).

Pour le cas de Néhémie BENOUDJITA aussi, on commence par faire circuler les rumeurs sur le suicide Comme quoi, ceux qui luttent au Tchad sont ceux se suicident à la veille de la décision du conseil d’Administration de la Banque Mondiale.

Le 14 septembre 1999, Mme Mariam est arrêtée, déférée en la prison centrale de N’Djaména, extraite nuitamment et emmenée au cimetière de Lamadji pour y être atrocement torturée (on lui met du piment dans ses parties intimes) etc.

Ces quelques faits pour vos dire qu’avec cette insécurité créée et entretenue, tout peut arriver en ce moment.

Salutations amicales.

Ngarlejy YORONGAR,
Parlementaire à N’Djaména.