14/03/2000 – AFFAIRE BORREL: LA JUSTICE EPINGLEE (Extrait LE FIGARO – Enquête: la mort d’un magistrat français à Djibouti)
Le dernier déplacement à Djibouti des juges parisiens chargés de l’affaire BORREL n’aura pas apaisé la colère de la veuve du magistrat. Au contraire « c’est un départ en catimini » a commenté, hier, Elisabeth Borrel, lors d’une conférence de presse. « Rien n’a été fait pour que mes avocats puissent se rendre sur place. On leur a refusé un visa. Si ce n’est pas une affaire d’Etat, qu’on mexplique ces errements inexplicables de procédure qui durent depuis cinq ans. »
Pour l’épouse de Bernard Borrel, il existe, dans cette affaire, une curieuse coïncidence entre la position de la justice française et celle des autorités djiboutiennes.
Alors que les juges Roger Le Loire et Marie-Paule Moracchini regagnaient, hier, leur cabinet d’instruction après dix jours de mission à Djibouti, les avocats ont rendu publique une lettre de protestation adressée au Garde des Sceaux, réclamant l’ouverture d’une enquête de l’Inspection générale des servics judiciaires sur les conditions de l’instruction en cours.
Ils mettent en avant le défaut de communication des juges de la partie civile, mais aussi leur réticence à entendre certains témoins accréditant la thèse de l’assassinat. Ils rappellent également les « pressions » exercées par Marie-Paule Moracchini sur le dernier témoin, Mohamed Saleh Alhoumekani, pour qu’il revienne sur ses accusations, notamment celles visant le chef de l’Etat djiboutien. Ce courrier fait enfin mention d’une récente émission de télévision, où Roger Le Loire est suivi par des caméras à Djibouti, à l’occasion d’une enquête sur la disparition d’un militaires français.
« On accepte la présence des journalistes lors d’une reconstitution à Djibouti, alors que dans le même temps on empêche les avocats de la partie civile d’assister à un acte de même nature, dans une affair particulièrement sensible. », regrettent Mes Olivier Morice et Laurent de Caunes, les conseils d »Elisabeth Borrel.
Cette dernière missive, appuyée par deux syndicats de magistrats, le SM (gauche) et l’APM (droite), risque de ne pas améliorer les relations déjà tendues, entre les juges d’instruction et la partie civile. D’autant que la dernière reconstitution réalisée à Djibouti et l’audition, sur place, d’une dizaine de témoins ne semblent pas avoir bouleversé la conviction des juges sur le fond de l’affaire. L’ancien ministre de la Justice de Djibouti, Moumin Bahdon Farah, a pourtant extimé très vraissemblable la thèse de l’assassinat politique. L’ancien ministre a également confirmé aux juges qu’il était possible pour un détenu de sortir de la prison de Gabode s’il était accompagné d’un garde de la sécurité, accréditant ainsi le témoignage de l’ancien officier Mohamed Salah Alhoumekani.
Alexandrine Bouilhet (LE FIGARO)