25/06/02 Lettre ouverte à Marc Ravalomanana par Jean-Luc Raharimanana, écrivain

Une
douce euphorie de victoire et de libération souffle
dans la Capitale.
Ratsiraka, votre adversaire, se tourne vers ses amis,
grands dictateurs et
criminels : Eydema, Sessou Nguesso, Omar Bongo ; pense
à des mercenaires.
Ses généraux sont en débandade. Ampy
Porthos, considéré comme l’un des plus durs
de ses partisans, se tourne vers la mer, arraisonne un
voilier et croit
trouver le salut vers quelques îles accueillantes.
Il aurait pu nager vers
les Comores ou Zanzibar qu’il n’aurait étonné
personne.

Votre
expression " Le développement rapide "
est dans toutes les bouches.
Fahamarinana ! Fahamasinana ! Vous voulez montrer à
la communauté
internationale que votre gouvernement est légal
et légitime, éloigné des
pratique s dictatoriales de l’ancien régime. Il
prône tantôt la réconciliation nationale,
tantôt la réconciliation politique, car la
nation était-elle effectivement en conflit, conflit
ethnique s’entend ?

La
tentation est forte en effet de la part de certains d’assimiler
les
exactions des bras armés ratsirakistes aux populations
locales. Raison de
plus alors de jouer la politique de la main tendue : "
Vous étiez brebis
galeuse, je vous tends la main au nom du Fihavanana afin
de réintégrer la
maison familiale ". Quelle grandeur d’esprit n’est-ce
pas ?

Vous
avez pourtant utilisé le terme de "hazalambo"
("chasse au sanglier") ou
" hallali ", le sanglier étant l’animal
impur par excellence dans la société
malgache). Terme terrible qui pourrait libérer
les instincts de vengeance et
de rancune accumulés pendant toutes ces années
de frustrations et de misère.

On
ne peut s’étonner alors de quelques dérapages
constatés ici ou là, genre
OPK (Opération Karana, pillages des commerces "
indo-p akistanais "), genre
lynchage public. Les partisans de l’ancien AREMA se terrent
ainsi, craignant
pour leur vie. Méritent-ils vraiment cette terreur
? Etaient-ils tous aux
"barrages" ? Etaient-ils tous des criminels
et des terroristes ? Leurs idées
les condamnent-ils à n’être plus que des
sous-hommes à chasser et à
maltraiter ?

"
Les temps sont troubles " me dit un ami, mais un
homme de votre envergure,
j’en suis sûr, est capable de dépasser ces
parts d’obscurité et de
bouillonnement. Vous en avez même le DEVOIR.

Mais
comment expliquer ces rumeurs persistantes concernant
des arrestations
sommaires, des tortures exercées dans les locaux
même du DGDIE ou du
ministère de la défense, comment expliquer
que des maisons brûlent sous le
regard de vos militaires ? Comment expliquer l’arrogance
de vos troupes qui
pénètrent dans les villes " libérées
" ? Comment expliquer qu’une liste de
"racistes" et de "traîtres à
la Nation" soit diffusée dans les journaux
télévisés ? Que fait-on de l a "
présomption d’innocence " ?

Si
tant est que des "racistes" et des "traîtres
à la Nation" existent, c’est
à la justice de s’en occuper.

Aussi,
je clos cette lettre ouverte pour vous demander de vous
pencher sur
ce problème, de mettre la lumière sur ces
rumeurs afin que le spectre du
conflit ethnique s’éloigne et que l’on sorte définitivement
des années
Ratsiraka.