05/04/03 (B192) DAF DE NOUVEAU A LA BARRE … DU TRIBUNAL ! Le harcèlement organisé par le régime est confié à un avocat, ancien opposant et victime repentie de la dictature ! (Info lecteur) – Edito du Renouveau du 3 avril – N° 473

Après
le Ministre de la Défense, Monsieur Ougoureh Kifleh Ahmed, et le
Général Fathi Ahmed Houssein, Chef d’Etat-Major de l’Armée,
dont les plaintes pour  » atteinte au moral de l’Armée et diffusion
de fausses nouvelles  » ont valu un retour brutal et abusif à
la sinistre prison de Gabode samedi 15 mars 2003 à Daher Ahmed
Farah, voici entré en scène le Général Zakaria
Cheik Ibrahim, Numéro deux de l’Armée

Lequel s’est offert les
services de Maître Aref Mohamed Aref.

Comme l’avait fait en
juin 2001 Monsieur Yacin Elmi Bouh, Ministre des Finances, qui n’avait pas
supporté la publication par le Renouveau de deux mandats de six millions
de nos francs par lui perçus auprès du Trésor National,
affaire qui avait d’ailleurs abouti à un non-lieu.

Le court article attaqué
(que nous republions encore cette semaine) critiquait le manque de neutralité
politique de l’Armée et ses agissements au service du régime.
Il reprochait particulièrement au Général Zakaria Cheik
Ibrahim de se mêler de politique et d’être impliqué dans
le renvoi par mise à la retraite d’office de quatre cadres militaires.
Lire cette décision en fin de journal.

Comme nous l’avions annoncé
dans nos modestes colonnes jeudi 27 mars 2003, l’affaire est donc venue en
audience ce lundi 31 mars. Non sans faire l’objet d’un tapage médiatique
auquel s’est livré Maître Aref Mohamed Aref dans les colonnes
du très gouvernemental bi-hebdomadaire La Nation.

Dans un long entretien
d’une page et demie, l’avocat, qui hier encore pourfendait le régime
avec la virulence que l’on connaît, tente, avant l’audience, de démontrer
que l’Armée est une institution républicaine, et non le bras
armé du pouvoir, et que le Renouveau a diffamé le Général
Zakaria Cheik Ibrahim.

Exercice difficile, l’on
s’en doute, tant il est vrai que dans ce bout de pays qu’est la République
de Djibouti, le Général que défend celui que nous considérions
comme un compagnon de lutte pour la démocratie, est bien connu.

D’autant plus connu qu’il
fait partie de la hiérarchie militaire depuis plus d’un quart de siècle,
c’est-à-dire depuis l’indépendance de 1977 qui l’a fait passer
du grade de Sergent-Chef à celui de Capitaine.

N’a-t-il pas été
nommé à la tête de la seule unité blindée
sans être un spécialiste de cette arme ?

N’a-t-il pas pratiquement
élu domicile au camp de cette unité blindée où
il a également dirigé la Musique militaire et la fameuse Troupe
Harbi qui chante à la gloire du régime ?

N’a-t-il pas bénéficié
d’une ascension fulgurante qui a fait de lui le troisième officier
général de l’armée après les deux premiers chefs
de celle-ci, en l’occurrence les généraux Ali Mehidal Waiss
et Fathi Ahmed Houssein ?

Ne garde-t-il pas encore
aujourd’hui le contrôle de l’unité blindée par-dessus
le successeur de son proche Lieutenant-colonel Aden Ali, commandant de formation
entre les mains de la justice canadienne depuis les événements
du 11 septembre 2001 ?

Sincèrement, Zakaria
Cheik Ibrahim aurait-il fait une telle carrière sans ce système
RPP qu’il soutient comme le sien ?

Difficile exercice donc
que celui auquel s’astreint Maître Aref Mohamed Aref qui poursuit la
prestation commencée au journal La Nation dans la salle des audiences
du Tribunal de Djibouti.

En dépit du bouclage
policier, la salle est archi-comble dès 9 heures, heure fixée
dans la citation directe adressée à Monsieur Daher Ahmed Farah.
L’accusé est là, accompagné des dirigeants de l’opposition,
de nombreux témoins ainsi que d’un nombre important de partisans auxquels
aucune consigne de présence n’a pourtant été donnée.

Il y a là président
Ahmed Dini Ahmed de l’ARD, tête de liste de l’Union pour l’alternance
Démocratique (UAD), Ismaël Guedi Hared, président de l’UDJ,
Mohamed Daoud Chehem, président du PDD, ainsi que d’autres leaders
tels que les anciens ministres Souleiman Farah Lodon et Ali Mahamadé
Houmed, Messieurs Farah Ali Waberi, Aden Mohamed Abdou ou encore Mahdi Ibrahim
A.God.

Comme d’ordinaire, l’audience
débute tard, vers 10 heures. La cour est composée d’un magistrat
unique en la personne du juge Yacin, d’un greffier et du représentant
du ministère public, Monsieur Loïta, substitut du procureur. Sur
le long bureau de la cour, deux piles de dossiers, l’une concerne les affaires
tranchées ou en cours, l’autre les nouvelles.

Le président commence
par appeler certaines affaires en cours qu’il renvoie à des dates ultérieures.
Puis vient le procès intenté contre DAF par le Général
Zakaria Cheik Ibrahim, Numéro deux puissant de l’Armée. Bien
entendu, le plaignant n’est pas là. Il est à son douillet bureau
de l’Etat-Major où il attend tranquillement le compte rendu de l’audience.

C’est Maître
Aref, doyen des avocats djiboutiens, qui naguère encore brandissait
son appartenance à la mouvance de l’opposition et le titre de défenseur
des droits de l’Homme, qui le représente et défen
d.

Il a produit quelques
pages de conclusions qu’il a fait parvenir à DAF dimanche en fin de
matinée et, comme indiqué plus haut, le bi-hebdomadaire gouvernemental
La Nation publie complaisamment une page et demie d’entretien qu’il consacre
au sujet qui l’occupe ces jours-ci.

Dans les conclusions comme
dans les colonnes du journal, rien de lumineux à vrai dire. Juste de
la prose plate qui pue la complaisance à l’égard du pouvoir.
Par exemple, il n’hésite pas à affabuler et écrit que
celui qu’il appelle le prévenu ne dispose d’aucun moyen de preuve.

Outre l’avocat, la présence
d’un groupe de militaires, pour la plupart en tenue civile, est perceptible
parmi le public. Probablement dépêchés par le Général,
ils promènent l’œil et tendent bien l’oreille.

DAF est appelé
à la barre. Il a la parole et peut donc se prononcer sur les accusations
contre lui portées de diffamation du Général Zakaria.
Demandant à la Cour à s’exprimer dans une langue nationale,
en l’occurrence le somali, pour se faire comprendre de la plus forte proportion
possible du public, il rejette sans peine ce qui lui est reproché.
Il fait valoir que le Renouveau n’a fait qu’exercer son droit de critique
en brocardant les agissements du commandement militaire.

Reprenant phrase par phrase
les extraits incriminés de l’article attaqué, il démontre
qu’il a juste dénoncé une triste réalité et qu’il
n’y a donc aucune atteinte à l’honneur ni à la réputation
du Général Zakaria.

 » Qui peut décemment,
lance DAF, nier que, par le biais du haut commandement militaire, l’armée
est instrumentalisée par le régime, que les chefs galonnés
tel que Zakaria s’identifient au pouvoir en place qu’ils défendent
de leur mieux ?

Qui, par exemple, ignore
que les militaires sont sommés, d’une manière ou d’une autre,
de voter et de faire voter les leurs pour le parti au pouvoir, qu’ils reçoivent
ordre de confisquer et de bourrer les urnes, surtout dans les districts de
l’Intérieur ?

Qui n’a pas vu ces militaires
transportés de bureau en bureau pour voter chacun plusieurs fois en
faveur du régime ?

Maître Aref lui-même
n’était-il pas parmi nous lorsque nous dénoncions les agissements
et autres exactions dignes d’une milice de l’Armée ? « .

Et de commenter la décision
de mise à la retraite d’office des quatre cadres militaires cités
par l’article.

Le texte est bien intitulé
 » Décision portant mise à la retraite d’office  » et
ses attendus font clairement référence au  » règlement
de discipline générale  » et aux  » instructions du
commandement militaire « . Il fait constater que, loin d’être une
admission normale à la retraite, la mesure frappant ces hommes vise
bien à les renvoyer de l’Armée. Puis il annonce que de nombreux
témoins sont présents à l’audience et qu’ils sont prêts
à témoigner dans le sens du journal Le Renouveau.

Le président demande
à Maître Aref et au ministère public s’ils veulent poser
des questions à DAF. Réponse : Non

Le conseil (entendez l’avocat)
du Général Zakaria prend alors la parole, en français.
La plaidoirie n’apporte rien de nouveau par rapport à ses écrits.
Il n’a plus l’air aussi sûr que dans ses conclusions ou dans les colonnes
de La Nation.

Il laisse même percer
une certaine nervosité, traitant les témoins de DAF de  »
pauvres gens  » et le document attestant du renvoi des militaires de  »
papier que l’on brandit « . Non sans affirmer auparavant qu’en fait DAF
 » n’a pas voulu apporter preuves et témoignages « . Ce qui
change du  » Il n’a aucune preuve des accusations qu’il a formulées
et publiées par écrit  » de La Nation.

Reprenant la parole,
DAF fait part de son étonnement face au discours développé par Maître Aref
pour défendre son client.  » Je me demande si je ne rêve pas… « , dit-il. Puis,
se tournant vers l’avocat, il interroge :

 » Mais qu’est-ce
qui a changé pour soutenir le contraire de ce que vous disiez hier ?

Ne sommes-nous pas toujours confrontés à la même triste réalité ?

 » Un murmure d’approbation
s’élève dans la salle.

Très gêné, Aref
a alors ce mot chargé de sens :  » Par rapport à la période à laquelle il fait
allusion, je signale que des accords de paix ont été signés et que j’ai tourné
la page, pas lui
« . Comme si ces accords inappliqués avaient magiquement
restauré la démocratie et l’Etat de droit à Djibouti !

Décidément
…

A son tour, le ministère
public intervient. Il rappelle qu’aucune des parties au procès n’est
dispensée de l’obligation de preuves. Il conclut en déclarant
s’en remettre à la sagesse de la Cour pour le reste.

Sur ce, le président
Yacin demande à DAF quel est son dernier mot, ce à quoi il répond
qu’il rejette les accusations du général Zakaria et qu’il plaise
à la Cour de le débouter de toutes ses demandes.

Le président referme
alors le dossier et annonce la mise en délibéré de l’affaire.
Alors, la salle se vide de l’essentiel de l’assistance bien que d’autres plaintes
restent à appeler.

Maître Aref ne reçoit
aucune marque de sympathie du public. Il sort comme sur la pointe des pieds
pour se précipiter au bureau de son client Zakaria à l’Etat-Major
de l’Armée.

Verdict : lundi
7 avril 2003. A suivre


**************** Extrait du Renouveau

LE COMMANDEMENT MILITAIRE PROCEDE A DES RENVOIS POLITICARDS

(Article attaqué
par le Général Zakaria pour  » diffamation  » et par
le Général Fathi ainsi que par le ministre de la Défense
Ougoureh pour  » atteinte au moral de l’Armée et diffusion de fausses
nouvelles « . Les extraits incriminés sont soulignés dans
l’article
.)

Décidément,
le commandement militaire n’a que faire du devoir de réserve et de
neutralité. Il se pense comme le bras armé du régime
et agit en conséquence. C’est ainsi que le général Zakaria
Cheik Ibrahim, Numéro deux de l’armée, ne fait aucun mystère
de sa fidélité active au pouvoir et bat la campagne en toutes
saisons.

C’est aussi pourquoi quatre
cadres (trois sous-officiers et un caporal-chef ancien) viennent d’être
renvoyés de l’institution militaire pour manque de ferveur pour le
régime. Il s’agit des adjudants-chefs Ali Mohamed Farah et Osman Omar
Guedi, du Sergent-chef Abdo Mohamed Turki et du caporal-chef ancien Youssouf
Ali Mohamed.

Il leur a été
clairement reproché de ne pas faire campagne pour la liste du pouvoir
aux dernières élections législatives et de pencher pour
les candidats de l’opposition.

Comme si tout citoyen
n’avait pas le droit de voter pour qu’il veut.

Le Général
Zakaria Cheik Ibrahim, qui menaçait les cadres logés aux Cités
Gabode I et II de représailles sévères en cas de non-respect
à ses consignes de soutien au RPP, c’est-à-dire à l’UMP,
a donc ainsi mis en exécution ses menaces.

Nous condamnons vivement
ces renvois abusifs et exigeons la réintégration des victimes.
Comme nous mettons en garde le Général Zakaria contre tous agissements
pro-régime. Nous lui demandons de respecter l’honneur militaire ainsi
que la valeur des galons de Général qu’il porte et de cesser
de se comporter en caporal sous-claniste.